Lance n'avait pas changé. Alors que Julian voyait le positif dans les nouvelles recrues, Booker estimait que c'était bien normal. Évidemment que les employés étaient triés sur le volet, on entrait pas à Jurassic World comme dans un moulin. Il n'empêche, rien ne préparait jamais vraiment à affronter ce qu'ils allaient justement devoir contenir.
On pouvait avoir plus de dix ans d'ancienneté dans l'armée, la réalité du terrain sur l'île serait toujours emplie d'imprévus. En étant nouvelles, elles pouvaient aussi être intimidées ou au contraire, vouloir en faire trop et se planter en beauté.

Il ne releva donc pas la remarque de Lance et se contenta d'un vague sourire avant de poursuivre son repas. Les femmes discutaient plus loin, de temps en temps, il les observait juste pour voir comment la cohésion d'équipe se formait.
Et puis rapidement, il fallut repartir.

Comme pour la matinée, Julian prit la tête du groupe accompagné par Gordon. Elle semblait à l'aise et c'était plutôt bon signe pour la suite. Après une nouvelle heure de marche, Miller ne se sentait pas très bien, elle était blanche comme un cachet d'aspirine et suait à grosses gouttes.
Il était sur le point de lui demander si tout allait bien lorsqu'un mouvement attira son attention à travers la végétation. Une sorte d'écran apparut, affichant un décompte.
Julian fronça les sourcils et lorsqu'il comprit enfin, il était trop tard.

De part et d'autre du groupe, deux autres cibles apparurent, leur fonçant dessus. Il avait beau se dire que ce n'était qu'un exercice et que les rubans étaient inoffensifs, la symbolique était forte derrière.
Il recula d'un bond mais manqua de trébucher, alors par dépit, il tira et rata la cible sans surprise. Voyant celle-ci avancer à grande vitesse dans leur direction, il saisit Miller par le bras et la tira sur le côté sans douceur pour la dégager du chemin, alors le ruban le toucha avant que la cible ne soit désactivée par Forbes.

Super, il avait permis à Miller d'éviter de se faire avoir mais s'ils avaient été en conditions réelles, il était mort.

Je suis amusée quand Lorna me dit que le budget a du en prendre un coup lui aussi, avec l’apport d’un casque mais ce n’est bien sur pas à prendre au premier degré. Pas de cicatrice hein ? Je vérifierais bien de visu mais je me dois de rester pro, surtout que la suite de la journée devrait être agitée, en fait c’est même prévu. La suite de la journée va être agitée.

Avant cela, je suis inquiète par la petite mine d’Ava, elle n’a pas l’air d’aller bien et je suppose qu’il faudra faire une pause pour voir si son état empire, en tout cas pour qu’elle puisse récupérer. Ce n’est peut-être qu’un coup de chaleur mais peut-être que c’est plus grave.

"Je te prendrai un peu de matos si ça ne va pas mieux à la prochaine pause."

Lui dis-je amicalement en lui tapotant l’épaule, on doit se serrer les coudes après tout et la solidarité ce n’est évidemment pas en paroles mais en actes.

Alors qu’on est en mouvement, ma proposition de coordonner nos tirs est pris de vitesse par l’attaque des drones qui nous chargent d’une façon très tactique eux. D’après leur trajectoire, je peux en toucher deux, celui qui me fonce dessus et celui qui met Booker en danger dans le sens où il a trébuché en manœuvrant, ce qui peut arriver très vite dans cet environnement. J’esquive ainsi l’ennemi d’un pas latéral et abats coup sur coup les deux drones, soit ma cible et celle de mon coéquipier. Individuellement, c’est plutôt bon.

Collectivement, nettement moins.

S’il a réussi à protéger Ava miller, Julian a manqué sa cible qui l’a touché. Quant à Lorna, elle a atteint un drone mais a été touchée. Sans l’effet de surprise, les drones restants devraient être facile à abattre mais il ne vaut mieux pas crier victoire trop vite, d’autant que presque la moitié du groupe serait à terre dans un vrai combat avec deux membres blessés ou morts. En absence d’informations en ce sens, je dois partir du principe qu’ils sont morts, sauf si Shaw nous dit le contraire ou arrête tout de sa propre initiative. Pour le moment, la priorité c’est de fait de terminer l’exercice.

"On les abat, on les abat !"

Ceci dit, j’ouvre le feu sur un drone avant qu’il fasse demi-tour et repasse à l’attaque, comptant sur Booker et Ava de faire de même de leur coté. A moins qu’on soit brusquement dépassés par le nombre, ce serait aussi la décision la plus adaptée à la situation si Julian et Lorna était blessés.

Résumé :

A moins de recevoir de nouvelles informations de Shaw ou qu’il arrête tout, termine l’exercice de tir avec le soutien de Booker et d’Ava.

Julian aurait sauvé la peau d’Ava qui sans lui n’aurait pas pu esquiver le ruban. Toujours est-il que le test de tir est terminé. Shaw nous la joue "douche écossaise", "un coup chaud, un coup froid", atténuant les tirs manqués, la mort de deux équipiers dans un combat contre des vélociraptors par le fait qu’ils seraient plus faciles à toucher, ce dont je doute beaucoup. Je lui réponds d’un bref mouvement de tête cordial quand il me félicite mais l’heure n’est évidemment pas à la congratulation et encore moins à l’auto-congratulation. Je ne suis pas d’accord pour endormir les dinos dans le cas d’une telle attaque. A mon sens, soit on arrive à les attaquer par surprise, si possible depuis une position dominante et donc en hauteur et là, on les assomme à coups de fléchettes hypodermiques, soit ils nous attaquent par surprise et on les tue avec des munitions blindées à effet perforant pour percer leur peau très résistante. En gros, dans ce genre de situation, il faudrait les tuer, ce serait soit eux, soit nous mais je doute que Shaw prenne une telle décision qui serait pourtant appréciable vu qu’aucun de nous n’a envie de se faire bouffer.

Le chef de groupe nous conseille de poursuivre vos entraînements pour nous améliorer sauf que nous avons mis des années à développer nos atouts et qu’on ne va pas progresser brusquement. Non, l’intérêt de l’entraînement était tout autre, c’était de nous coordonner pour optimiser ces atouts d’au moins cinquante pour cent.

Vient le parcours du combattant qui sera une autre épreuve individuelle et nous devons faire tous notre part du boulot. Je fais ce qu’on appelle un départ diesel. Je me vautre à l’échelle de corde et pas qu’un peu et il me faut une bonne dose de volonté et trois essais pour me hisser au sommet. En fait, il a suffi de très peu pour que je me blesse et ne parvienne pas à franchir ce premier obstacle mais j’y arrive.

Après ça va.

Une fois ce premier obstacle franchi et en partant du principe que si j’ai réussi à le passer, j’y arriverai pour le reste et en effet, j’y arrive. Je passe haut la main tout ce qui demande de l’agilité et je réussis même le test de force à la toute fin du parcours. Je souffle en attendant que tout le monde en termine avec cette épreuve et que Shaw fasse le point sur la situation.

On les abat ! Elle aurait bien aimé, la petite tête brune, participer plus intensément à l’effort collectif mais ce dernier drone semblait vouloir donner du fil à retordre à la petite équipe. Elle avait beau avoir fait mouche, l’élan de l’engin avait tout de même fait d’elle une victime fictive de cette attaque, pour son plus grand plaisir. Fort heureusement, Miller eut un sursaut de conscience, parvenant à atteindre la cible avant de mieux recracher son déjeuner. Grimaçant devant ce spectacle franchement peu ragoutant, elle s’avança quand même vers la brunette, lui tendant un mouchoir, faute de mieux. Lorna, tout comme le reste du groupe, s’inquiétait vivement de cet état de santé qui semblait ne pas s’améliorer. Pour autant, elle ne voulait pas considérer sa camarade comme une petite chose fragile.

Shaw mit fin à la simulation et renvoya les drones. Il prit des notes sur ce qu’il venait de voir et Lorna se doutait bien que ce qu’il pouvait mentionner à son sujet ne serait pas fameux. Une moue dubitative prit place sur ses traits quand il appuya la mort probable qui aurait été la sienne. Au moins, elle était passée au niveau supérieur, laissant derrière elle les possibles fractures pour une mort brutale. Il aurait pu la féliciter pour ça… Gordon, à côté de ça, a brillé et se fait doucement remarquer pour sa réussite. Lorna n’est ni jalouse, ni compétitrice quand il s’agit d’équipe aussi, elle sourit face à la réussite de la brune. En voilà une qui risque fort d’agacer Booker…

Une fois tout le monde prêt à repartir, la marche reprend mais la route se fait moins longue avant que la fine équipe ne débouche sur une clairière qui expose largement la suite de l’aventure. Le parcours du combattant les attend, un à un. Lorna regarde attentivement chacun des obstacles et s’appuie sur le passage de ses deux premiers camarades pour se faire une idée de ce qui l’attends. La force n’est pas son atout majeur. En revanche, elle a une souplesse et un équilibre assez correct aussi, elle n’appréhende pas réellement certains obstacles… Et quelle grossière erreur.

Au top que lui lance Shaw, elle l’élança, son sac venant doucement rebondir contre elle. Peu sûre d’elle sur la corde, elle engagea son mouvement en avant dans la force de ses bras, serrant les dents et sentant ses muscles se contracter plus qu’ils n’auraient pu le faire auparavant. Dans un grognement, elle s’engagea au-dessus de la structure pour mieux aborder la descente. Il n’aurait pas fallu cinquante centimètres de plus à franchir, elle aurait plus que peiner à le faire. Soupirant longuement, sa crainte initiale étant passée, elle se précipita sur les marches en rondin… Et découvrit que vitesse et précipitation étaient deux choses distinctes. Se rattrapant tant bien que mal, elle pesta contre elle-même, se rattrapant aux marches avant de s’élancer sur ces poutres parallèles. Et là encore, elle se fit surprendre, glissant rapidement, se laissant aller jusqu’au sol sur lequel elle se parvint à garder l’équilibre, ancrée de force dans le sol par le poids de son équipement qui n’était pas la charge avec laquelle elle avait ses habitudes. Agacée, elle soupira avant de recommencer, perdant un temps fou dans la tâche.

Une fois cela fait, rien ne pouvait être pire… Encore une fois, elle ne pouvait pas se tromper davantage. Le poids sur son corps étaient un obstacle à lui seul et, dans la corde, Lorna passa au travers du filet avant de se retrouver coincée, se battant plus que de raison avec sa cheville gauche qui semblait bien peu encline à l’idée de céder. Décidément, elle manquait de chance et d’habitude. Mentalement, elle se fit la promesse de s’entraîner davantage en tenue pour éviter ce genre de soucis à l’avenir. Vint alors la poutre. S’engageant sur cette dernière, elle fut tentée de croire qu’elle parviendrait de l’autre côté sans aucune difficulté. Mais la glissade semblait inévitable. Cherchant à se rattraper, son flanc vint heurter la poutre avant qu’elle ne rebondisse au sol, le souffle coupé. Lâchant une plainte gémissante, elle prit le temps qui lui était nécessaire pour se reconcentrer, assurant à Shaw qu’elle allait bien d’une main levée. Enfin, bien… Manquait plus qu’elle se soit cassé une côte, tiens… Elle ferait attention à ça plus tard. Retournant au départ de l’obstacle, elle reprit la traversée, se concentrant plus encore, essayant de compenser ce foutu poids qui la malmenait avant de soupirer longuement en arrivant à destination. Souffler lui faisait un mal de chien mais elle n’en dit mot, préférant finir ce qu’elle avait commencé.

Etrangement, le rail fut un exercice qu’elle parvint à franchir sans accroc, se concentrant plus fortement, s’interdisant l’échec. Pas encore. Pas cette fois. Elle s’était bien ridiculisée, là, et avait besoin de finir en beauté. Achevant son tour, elle se débarassa de son paquetage, le jetant à terre avant de poser ses mains sur ses cuisses, essayant de reprendre son souffle en grimaçant. Elle s’était fait salement mal, c’était une certitude. Et ça la faisait profondément suer.

Citation :

Lorna se lance sur son parcours, rate quasiment tout et se fait affreusement mal au flanc gauche

Tout s'était enchaîné très vite, trop vite.
Il avait à peine eu le temps de tirer Miller sur le côté que déjà il était hors course. Gordon continuait la mission avec force, poussant le groupe à se défendre et à abattre les cibles.
Lui savait que c'était fini. Ils avaient échoué.
Il était en train d'accuser le coup, repoussant au maximum l'idée de ce nouvel échec lorsque Miller rendit son repas dans un buisson proche.
Merde, elle allait si mal que ça ?

Heureusement, Shaw arrêta l'exercice et fit un premier compte rendu pas fameux. Il ne s'inquiéta pas outre mesure, ces deux journées de tests ne servaient qu'à mettre le doigt sur ce qu'il faudrait travailler en priorité. Personne n'allait les déclarer inaptes. Julian savait déjà qu'il serait à chier sur ces deux jours et pour cause.
Aucun entraînement pendant quatre années, l'esprit complètement ailleurs , comment pouvait-il réussir le moindre de ces tests ?
Il commençait à s'énerver.

Profitant de cette nouvelle marche en forêt, il respira profondément, s'exhortant à calmer le feu qui déjà courrait dans ses veines.
La suite n'allait pas spécialement l'apaiser. Ils débouchèrent sur une vaste clairière, composée d'aggrés qui lui rappelèrent l'école militaire.
Un sourire désabusé étira ses lèvres. Putain, jamais il n'allait réussir à faire tout ça. Grimper dans un arbre c'était une chose, enchaîner tous ces obstacles une autre.
Il laissa les autres passer en premier, observant le passage de chacun, notant les points faibles et forts de chacun. C'était un vieux réflexe qui datait.

Enfin, ce fut son tour, il ne savait même pas si Miller allait se le tenter. Elle était blanche comme un cul.
Ce pouvait être un coup de chaud ou bien autre chose, il espéra qu'elle irait consulter en rentrant au navire dès demain.

Son barda toujours sur le dos, il s'élança au go de Shaw.

L'échelle de corde lui sembla une formalité, il y grimpa avec une facilité qui lui donna beaucoup d'assurance pour la suite, à tort.
À peine avait-il reposé pied à terre qu'il se dirigea en courant vers les poutres jumelées. Sa coordination laissait à désirer, clairement, son pied se posa un poil trop près du bord et le fit basculer à mi-parcours.
Enrageant intérieurement, il recommença et passa l'obstacle, trop content de le laisser derrière lui.

Il aborda alors le réseau à enjamber, fulminant de se sentir aussi gauche et aussi nul. Lui qui avait été chef d'équipe et responsable de la sécurité, voilà qu'il ne faisait pas mieux qu'un première année.
Son sac s'emmêla dans les cordes, le maintenant sur place à plusieurs reprises quand il ne rêvait que d'avancer. Cette colère sembla lui donner des ailes, il franchit la poutre suivante du premier coup, sans vertige et sans même glisser, ses pas semblaient survoler le bois.

Restait le rail de 3m, son obstacle préféré. Confiant à nouveau, il se hissa sans peine mais au moment de changer position pour la partie horizontale, sa paume de main glissa. Il chercha à se retenir de sa main libre après avoir balancé deux fois en vain, ses pieds touchèrent le sol, alourdis par son sac.
Persistant, il recommença et parvint cette fois-ci au bout.

Insatisfait et frustré.

Julian n'avait pas besoin d'entendre les résultats du parcours d'obstacle, il savait déjà qu'il n'avait pas été à la hauteur. Finalement, ses propos balancés à Laura sur son côté "tombe" allaient peut-être bien se révéler exacts avant l'heure.
Il soupira, rejetant sa frustration pour se concentrer sur le présent, comme Marika le lui avait répété pendant presque quatre. "Ce qui est fait est fait, ne vois que les choses sur lesquelles tu peux encore agir".
Son regard se releva vers Miller qui semblait au bout de sa vie. La pauvre n'a plus que de la bile à vomir désormais. Alors il profite que Shaw vienne lui parler pour se glisser dans son dos et lui retirer son paquetage sans un mot. En s'éloignant, il enfile le sac en passant ses bras dans les anses contre son torse puis reprend le chemin sur les ordres de Shaw.
La jungle n'est plus que le cadet de ses soucis et pour la première fois, il ne la voit vraiment plus comme un terrain hostile. Elle est même plutôt belle avec ses camaïeux de verts et ce ruisseau qui chante pour les accompagner.
Non le danger ici, c'est lui et son manque de compétence. À l'épreuve de tir, il serait mort. Et à l'épreuve du parcours, son avenir était tout aussi incertain. Il avait encore un long chemin à parcourir sauf qu'en l'état actuel, il ne savait plus vraiment s'il en éprouvait encore l'envie ou le courage.
Revenir avait peut-être été une connerie. Laura n'avait plus besoin de lui, c'était clair comme de l'eau de roche. Et égoïstement, il s'accrochait comme un con.

Ils finirent par déboucher sur le campement militaire, charmant petit coin au bord d'une cascade magnifique agrémentée d'un bassin.
Alors il déposa tous les sacs qu'il transportait et quand Shaw annonça le quartier libre, il emboîta le pas à Booker.

- Je t'accompagne.

Un choix stratégique, il savait que Booker n'allait pas lui parler ce qui tombait très bien, il n'avait pas envie de causer. Récupérer du bois sec s'avéra plus difficile que prévu mais il fit sa part avant de retourner au camp. Le soleil se couchait et il se dépêcha d'aller installer son sac de couchage en prévision de la nuit à venir. Avec un tour de garde à prendre en fin de soirée, il irait se coucher juste après le repas même s'il savait qu'il ne dormirait pas.

Quand on est un homme d’action, une femme d’action, on ne va pas se plaindre quand il y a de l’action mais ce n’est pas de ça dont je me plains même si je n’en dis rien. Je n’en dis rien mais je n’en pense pas moins et ça ne concerne plus seulement le fondement même de l’entraînement. Je ne suis pas contente parce que Julian a pris l’initiative de porter tout le barda d’Ava alors que j’étais sur le point de proposer qu’on décharge notre équipière infortunée pour le répartir équitablement entre nous quatre, c’est-à-dire un petit peu plus Julian et Lance. Sauf que Julian prend tout sur lui au mépris de sa propre santé. Si on se retrouve avec deux équipiers mal en point, ça sera de sa faute.

Il faudrait peut-être penser avant d’agir.

Du coup je soulage un peu Lorna de son barda parce qu’elle m’inquiète pour à peu près la même raison qu’Ava sauf qu’elle est pénalisée par une blessure au flanc, ça se voit à sa façon de bouger et de grimacer.

"Non, on ne proteste pas."

Je n’ai ni l’endurance ni surtout l’inconscience de Julian mais je peux soulager déjà assez mon équipière. On se retrouve finalement à Sad waterfall qui porte bien son nom parce qu’il n’y a évidemment pas de baignoire remplie d’eau mousseuse chaude ni de masseuse pour décontracter mes orteils qui en auraient pourtant pas besoin mais je ne me plaindrais pas même si Ava n’était pas dans un triste état. Après avoir déposé mon barda et la partie de celui de Lorna avec soulagement parce que je ne crois pas que j’aurais pu marcher ne serait-ce que deux kilomètres de plus, Je tapote amicalement l’épaule d’Ava et je lui file une de mes barres protéinées, ça la requinquera une fois qu’elle ne vomira plus, du coup ce serait mieux que mon équipière l’avale une fois qu’elle sera sure de ne plus vomir du tout en effet. Tomber malade, c’est un coup dur qui peut arriver à n’importe lequel et n’importe laquelle d’entre nous.

Lance va chercher du bois pour le feu, secondé par Julian pour qui ça sent plutôt le prétexte de s’éloigner du campement mais pourquoi pas après tout.  Je reporte alors mon attention sur Lorna, m’installant à coté d’elle.

"Montre-moi le trauma, il va sûrement falloir mettre une compresse froide et c’est moi ton infirmière alors on se détend et on obéit à l’infirmière."

Dis-je en lui souriant avec les yeux, c’est ma façon de sourire. Sans être une experte en soins, je connais les premiers secours et je sais pour en avoir bénéficié sur le terrain qu’appliquer du froid est efficace sur une inflammation après une foulure, une entorse ou tout choc violent. Je me propose donc de soigner ainsi Lorna en partant du principe qu’on est toujours en exercice et qu’on ne compte par conséquent pas sur l’aide de Shaw jusqu’à nouvel ordre en tout cas, or c’est tout simple, on s’entraide entre coéquipiers.

La douleur était là, lancinante, décharges agressant l’ensemble de son corps depuis son flanc gauche. Elle n’était pas médecin, mais ça ne présageait rien de bon pour la suite. Ces îles la détestaient à ce point-là ? Une première mission qui s’achevait en traumatisme crânien et une seconde qui n’en était pas même une mais qui venait lui broyer les côtes… Elle accorderait plus de sens que ça aux signes qui l’entourent, pour sûr, elle aurait fait son sac et mis cap sur le continent. Mais c’était mal la connaître, elle qui était animée par une farouche détermination de se battre, encore et encore, contre elle-même.

Ca va ? La voix de Booker se fit entendre non loin d’elle et elle avait hoché la tête, lui adressant un sourire crispé. « Mieux que si ça avait été la tête… » Mais finalement, pas si bien que ça et il serait capable de le percevoir, elle le savait. Tout comme elle savait qu’il n’irait pas la traiter de petite chose fragile et la dénoncer dans ses maux parce que, là-dessus, ils étaient fait du même cuir. Les deux derniers de l’équipe ne firent pas mieux qu’elle et Miller semblait aller de moins en moins bien. Intérieurement, Lorna se promit de ne pas être un poids mort supplémentaire pour l’équipe et quand Shaw lui adressa un regard inquisiteur, elle avait levé le pouce vers le haut, un léger sourire planant sur son visage. Elle n’abandonnerait pas. C’était hors de question. Surtout si ce n’était qu’un choc violent sans conséquence. Mais il ne lui fallut pas longtemps avant de se rendre compte que chaque mouvement devenait un poignard qu’elle enfonçait dans ses côtes, essayant de noyer sa peine en contractant ses doigts avec force.

Elle fut surprise quand les mains de Gordon vinrent à son secours pour la débarrasser d’une partie de son chargement. Non, on ne proteste pas. En réalité, même si elle en avait eu envie, elle n’avait pas la force de refuser sans concéder une grimace alors, elle se contenta de hocher la tête, la remerciant à demi. Alors, ils se remirent en marche. Chaque pas provoquait un mouvement, une vibration, qui lui rappelait que sa blessure était probablement plus importante qu’elle n’essayait de le faire croire. Décidément, elle aurait dû envisager de se faire faire une carte de fidélité à l’infirmerie avant de commencer quoi que ce soit… Et surtout, elle risquait d’être rapidement placée sur le banc de touche. Et ça, c’était difficilement concevable pour elle.

La marche ne fut pas des plus longues et elle avait aboutit sur un campement déjà établi et plutôt confortable. Lorna, alors, put se décharger de son fardeau, retenant une nouvelle plainte, croisant le regard de Booker alors qu’il indiquait vouloir trouver du bois pour le feu. Elle aurait volontiers épaulé l’homme sur ce point mais elle avait bien plus envie de se ménager. Fort heureusement, Blake s’était porté volontaire. Le pauvre n’avait pas pipé mot depuis le parcours d’obstacles. Visiblement, celui-ci avait davantage éclaté l’équipe qu’il ne l’avait soudée. S’asseyant à son tour près d’un rocher, elle adressa un regard à Miller, comme pour s’assurer qu’elle tenait le choc, avant d’accorder un regard à Gordon qui se glissa à ses côtés. Montre moi le trauma. « Et lequel tu veux voir en premier ? » Elle avait retenu un léger rire, la douleur se réveillant alors même qu’elle amorçait une tension dans ses muscles intercostaux. Lorna ne comptait plus ses échecs mais chacun avait la fâcheuse tendance à laisser une marque sur son corps.

Il va falloir mettre une compresse froide et c’est moi ton infirmière. Elle roula les yeux dans leurs orbites, les levant vers le ciel avec insolence tandis que l’autre lui adressait un regard franchement mignon. « Gâche pas une compresse pour ça… Au pire, je vais me baigner un coup, tu sais, ça suffira niveau froid. » C’était une option qu’elle avait envisagé, n’hésitant que parce que la baignade impliquait d’ôter ce T-Shirt… Et qu’elle ne voulait pas, elle-même, savoir à quoi ça pouvait ressembler en dessous. Elle ne pouvait pas avoir autant la poisse au point qu’une côte se soit cassée et ne vienne perforer un truc, hein ? Une hémorragie interne… Manquerait plus que ça. Non, c’était improbable, elle se serait déjà effondrée. « J’m’inquiète pour Miller… » Elle adressa un coup e menton dans la direction de la principale concernée, essayant de détourner l’attention vers un problème qui lui semblait bien majeur.

La petite cabane en bois sentait l'humidité et un peu le renfermé. Normal pour une bicoque dans la jungle songea Julian. Il appréciait en réalité cet environnement, cette nature hostile et luxuriante. Une fois le sac de couchage installé, il rumina sa journée. La façon dont Miller s'était excusée alors qu'il la déchargeait de son sac lui avait fait un léger pincement au coeur. Elle n'avait pas à s'excuser, on ne pouvait pas toujours prévoir un état de santé défaillant. En outre, mieux valait qu'elle soit malade ici que sur isla Nublar. Il avait pris son sac sans réfléchir, parce que c'est ce qu'il aurait fait autrefois en tant que chef d'équipe et parce qu'il en avait la capacité.
Julian connaissait ses limites physiques comme sa poche, c'était plus le mental qui l'inquiétait.

Aussi, il avait laissé le groupe s'installer et avait fini par retourner près du feu. Gordon et Forbes semblaient en grande discussion, il ne saisit pas la totalité mais ça parlait compresse. Peut-être que Forbes était blessée ? Elle avait effectué une sacrée chute ceci dit. Maintenant que tout le monde était au calme, Julian était moins inquiet. Chaque individu présent était capable de dire si quelque chose n'allait pas. Il comprenait qu'on puisse chercher à le cacher pour ne pas se faire mettre sur la touche mais, être responsable de son état et agir en conséquence était un élément à ne pas négliger en mission car cela pouvait mettre toute l'équipe en péril.
Il ne doutait pas une seule seconde que Forbes qui avait connu l'armée pense comme lui.

Comme il décidait de ne pas s'impliquer d'avantage, il lui sembla que Forbe mentionnait Miller au loin.
La jeune femme était assise au bord de l'eau, ruminant certainement sa propre journée.
Booker l'avait rejoint, voilà qui était plutôt inhabituel en revanche.

Il profita donc d'être seul pour faire le point sur son propre état d'esprit.
En toute franchise, il se demandait presque ce qu'il faisait là. Il avait promis à Laura qu'il l'emmènerait à la volière mais actuellement, il se sentait moins efficace qu'une limace.
Sa force était là, légèrement amoindrie mais il avait perdu en mouvement, en action, en agilité et surtout en tir. C'était pitoyable et peut-être qu'il serait une tombe bien plus tôt que ce qu'il avait annoncé à Ronan.
Naturellement, la scène se rejoua dans son esprit. Laura en larmes, le son de la gifle qui résonnait encore et puis, ses paroles si dures, dénuées de tout sentiment. Et tout ça juste avant qu'elle n'aille se lover dans les bras de monsieur le co-directeur.
Sa mâchoire se crispa à l'idée que tout était fini. Cette fois-ci pour de bon.
Il ne le voulait pas mais elle ne lui laissait pas le choix.
Sortant son téléphone de sa poche, il déverrouilla l'écran et décida de relire les derniers messages de celle qui hantait ses pensées.
Que faisait-elle à cette heure-ci ? Encore entrain de boire et de rire avec Peter ? S'inquiétait-elle pour lui ? Non, il devait cesser d'espérer.
L'espace d'une seconde, il fut tenté de lui envoyer un message mais tel un signe du destin pour le convaincre de ne pas le faire, il n'avait pas de réseau ici. À la place, il se décida à supprimer son numéro.
Alors il rangea son téléphone, le coeur meurtri puis s'allongea, les bras derrière la tête pour observer les étoiles qui apparaissaient les unes à la suite des autres.
Cette mission serait décisive pour son avenir ici.

Je souris quand Lorna me dit qu’elle s’inquiète pour Ava. C’est sur que niveau empathie et même niveau sympathie, l’unité est au point, il ne manque plus qu’à l’être au niveau de la coordination pour que nos talents soient plus forts en groupe qu’ils le seraient individuellement.

"Moi aussi même si son mal ne devrait pas s’aggraver."

J’évalue la gravité de la blessure chez Lorna avant de la soigner. Je peux le faire parce que ça n’est pas une mission mais un entraînement. Si j’essaie de soigner une blessure qui dépasse le cadre de ma compétence basique en premiers soins, je risque de la mettre hors du coup pour la mission d’Isla Nublar.

"Ca n’est pas une question de gâcher, le matériel est là pour ça mais je redoute que ça ne suffise pas."

La suite confirme mes propos. Je grimace en voyant le trauma et quand Lorna réagit plutôt mal au moindre contact. Ca n’est pas bon du tout.

"Julian, Lance, Ava, j’ai besoin de vous parler."

J’attire leur attention, je siffle si besoin est donc je pars du principe que j’ai capté leur attention. Je leur parle devant elle bien sur, ce que je ne ferai pas si ses jours étaient en danger, mais là, on n’a rien à lui cacher, faire des messes basses serait à tout le moins malsain. Ava n’est pas en forme mais ça lui changera les idées de donner son avis sur la blessure de Lorna.

"Je voudrais soigner Lorna en appliquant une compresse froide sur le flanc où elle s’est pris un choc violent pendant le parcours du combattant, ce qui aurait pour effet de dissiper l’inflammation mais j’ai l’impression que sa blessure est trop importante pour les premiers soins. On devrait le signaler à Shaw."

L’entraînement pourrait s’arrêter là mais le chef de groupe a décide de le continuer jusqu’au bout. A lui de voir si Lorna doit être rapatriée sur le Renaissance où un médecin fera en sorte qu’elle soit rapidement sur pieds, et peut-être aussi éventuellement pour Ava. Pour leur santé, aucune n’aura son mot à dire, ce serait également le cas pour Julian, pour Lance ou pour moi si par mésaventure nous nous retrouvions dans une situation analogue.

Spoiler:

Ava me pose une question qui semble pertinente au premier abord mais qui ne l'est pas tant que ça en pratique. Je sais que je m'exprime peu, j'en ai évidemment conscience mais je sais aussi que si Lorna voulait arrêter d'elle-même, elle l'aurait déjà exprimé parce qu'encore une fois, c'est un entraînement, on peut arrêter si ça met en danger la mission qui nous attend ensuite, or j'ai l'impression que c'est ce qui attend notre coéquipière.

"C'est normal qu'on fasse avec ton état, Ava. On ne laisserait aucun de nous en plan et merci pour la précision."

Ava n’a pas dit ça pour m’attaquer, je ne le perçois pas ainsi en tout cas. Ceci dit, j'ajoute pour Lorna.

"Evidemment que ton avis compte mais je redoute que tu paies le prix fort après l'entraînement si tu poursuis avec une blessure qu'on aurait sous-estimée."

C'est aussi pour ça qu'on en parle devant elle, pour avoir son avis mais il me semble que l'avis de tous est important pour la cohésion du groupe, c'est l'une des raisons de l'entraînement.