Le soleil était sur le point de se lever. Enfin, Julian le voyait à la clarté qui illuminait l'horizon. Le ciel était couvert par les nuages de cette saison humide, il espéra cependant que la pluie ne les surprendrait pas. Avancer dans la jungle était déjà pénible, alors dans une jungle qui n'avait pas vu la main de l'homme depuis des années et sous la pluie, cela deviendrait vraiment compliqué.
Il faisait presque frais et l'agent de sécurité ne bouda pas son équipement en cette matinée.

Julian avait toujours été un lève tôt et en quatre années, il n'avait pas perdu cette habitude. Sauf quand la déprime le clouait au lit.
Debout sur les pistes, juste à côté de l'entrée qui menait au pont inférieur, il inspira l'air frais chargé d'embruns. Il était le premier arrivé, ce qui lui sembla normal. Dix minutes d'avance étaient une nécessité à ses yeux. Un savoir-être qu'il avait ancré en lui depuis tout petit. Une éducation à l'anglaise peut-être, de cette volonté d'être toujours à l'heure, Julian en avait fait une volonté d'être toujours un minimum en avance.
Il n'avait jamais dérogé à la règle, ni en tant que chef d'équipe, ni en tant que responsable de la sécurité. Pourquoi aujourd'hui serait-il différent ? Parce qu'il était à nouveau simple soldat ? Non, il méritait ce statut et devait saisir cette seconde chance qui lui était offerte.
Cet entraînement tombait à pic en réalité, s'éloigner pour ne plus penser à Laura, vider son esprit pour enrailler les souvenirs, se concentrer sur la tâche qu'on attendait de lui et rien d'autre. Il n'aurait pu espérer mieux.

Il en avait besoin, comme on avait besoin de respirer. Sentir l'adrénaline, prendre des risques, se rire du danger une fois qu'il était passé.
Avec une violence inattendue, il se rendit compte à quel point cela lui avait manqué.

Inspirant profondément, il s'étira longuement, faisant rouler les muscles de son dos dans ce mouvement naturel et terriblement bon.

Puis il s'adossa à la paroi derrière lui, repliant une jambe pour y poser le plat de son pied chaussé de ses chaussures de sécurité. Ajustant ses équipements, il se demandait à quoi ressemblerait ce nouveau type d'entraînement. Forbes et Booker étaient de la partie mais il ignorait tout de Miller et Gordon.
Le nom de Miller ne lui était pas inconnu cependant, mais il aurait été incroyable que cette nouvelle recrue fasse partie de la même famille que ce bon vieux John.
Il allait rapidement le savoir ceci dit, l'heure approchait d'après sa montre qu'il regarda.

Le terrain. Enfin, ils y étaient… Bon, presque, cette journée n’étant qu’une simulation de ce qui les attendrait véritablement sur Isla Nublar. C’était étrange, d’ailleurs, de se dire que Masrani avait fini par se rappeler qu’elle possédait tout un archipel et le mettait enfin à contribution dans le projet. Certes, la dernière fois, une grande partie de l’île avait déjà été sécurisée et Lorna n’avait pas assisté à tout ce processus de récupération d’un territoire ennemi possédé par les plus grands reptiles de ce monde, mais tout de même ! Partir en entraînement dans un territoire similaire à ce qui les attendait lui aurait peut-être évité un traumatisme crânien et un séjour dans l’aile médicale du complexe autrefois opérationnel.

Elle s’était levée peu de temps après son nouveau colocataire. Booker ne ronflait pas mais quand il était motivé, pour sûr, on s’en rendait compte, l’homme se préparant sans trop se soucier du reste du monde. Prenant le temps d’émerger, elle avait fini par sortir de ses draps, enfilant sa propre tenue pour mieux affronter l’hostilité du terrain. Ses bras couverts de manches qu’offrait son T-Shirt technique de couleur noir, elle enfila un pantalon suffisamment épais pour éviter les diverses piqûres, le treillis venant faire barrage complet quand elle enfila ses chaussures de cuir qui lui permettaient de marcher des heures durant. Vérifiant que sa mobilité était bonne dans cet équipement qu’elle réenfilait pour la première fois depuis plusieurs jours, elle veilla à ce que les nattes plaquées contre son crâne de part et d’autre de celui-ci soit bien serrées. Faites la veille, cela réglait le problème capillaire qu’étaient devenus ses cheveux coupés au carré tout en lui évitant de se résigner à les raccourcir davantage.

Quittant le dortoir, elle se dirigea tout d’abord à la cantine pour mieux manger. Partir le ventre vide était une folie qu’elle ne pouvait pas se permettre même si elle avait déjà travaillé sur sa faim par le passé. On lui procurait à manger alors, pourquoi s’en passer ? Une fois rassasiée, elle descendit dans le ventre du navire pour mieux récupérer son équipement de base. Chargeant ses affaires dans un sac à dos, au moins pour le temps du transport, elle fit un crochet à l’armurerie pour récupérer l’armement attribué à cet entrainement. Remerciant quiconque l’accompagnait dans ces démarches, elle finit par prendre la direction du pont. Là, son sourire ne put que s’élargir quand elle aperçut les différents protagonistes présents. « Booker, la prochaine fois, hésite pas à me faire tomber du lit, ton réveil ultra tôt m’a fait le même effet. » Au lièvre et à la tortue, Lorna préférait la seconde, n’étant pas pour autant en retard dans son rendez-vous. Tournant le regard vers l’autre homme, elle sourit en coin. « Ca va être dur pour moi de ne pas vous voir autrement qu’en chef, agent Blake. Mais c’est chouette de vous revoir. » Lorna avait toujours été assez protocolaire et les rangs avaient leur importance pour celle qui venait de l’armée britannique. Puis, finalement, elle toisa rapidement une autre jeune femme, brune, assez élancée. « Salut. Moi c’est Forbes. Je suppose que tu es l’une des bleues de ce nouveau cru 2023 ? » Parce qu’elle n’était pas peu fière de ne plus être la petite dernière arrivée. Et comme à son habitude, elle s’arrêtait à son nom de famille qui était amplement suffisant, les prénoms ne se délivrant que loin du travail. Et là, elle était partie pour se relancer pleinement dans celui-ci.

Je me souviens parfaitement du jour ou j’ai rejoint "le renaissance" via un hélicoptère depuis Puntarenas mais oui, c’est un souvenir somme toute récent. Le navire mouillait à environ cent soixante cinq kilomètres des côtes du Costa Rica et c’est toujours le cas en fait.

Le renaissance est un porte hélicoptère de bonne taille qui symbolise à lui seul les moyens mis à notre disposition pour reconquérir Isla Nublar.

Une fois à bord, il n'y avait aucune chance pour que je parte en mission le jour de mon arrivée et c’était mieux en effet. En tant que membre de la sécurité, je devais suivre un entraînement quotidien avec un suivi régulier de mes aptitudes avant d'être envoyée sur le terrain.

Depuis mon arrivée, je partage une cabine de dortoir avec des membres de l’équipage qui me font la gueule et perso quand on me fait la gueule, je fais aussi la gueule. C’est là que l’ordre de mission tombe pour le lendemain, rapprochant ainsi le moment de la formation de l’équipe Alpha. Ce sera une mission d’entraînement mais ça signifie pas que je ne ferai pas mon maximum, bien au contraire même si ça me rassure qu’on se coordonne avant de passer aux choses sérieuses comme on dit.

Je suis habituée à me lever à l’aurore, les premiers rayons de soleil me servant de réveil-matin. Certains râlent en s’extirpant de leur couchette respective, ce qui n’est pas mon cas. Ok, je ne suis pas guillerette mais je ne râle pas non plus. Je prends une douche qui me revigore avant de restaurer avec un petit dej’ bien solide et typiquement américain puis ceci fait, je récupère mon barda fait pour la mission à venir, prévoyant entre autre de quoi faire de la grimpe et de quoi dormir sur le terrain comme l’indique l’ordre de mission puis je me rendait sur le sur le pont supérieur au niveau des pistes pour le départ et je me retrouve dans les délais au rendez-vous. Comme dit Gandalf dans le Seigneur des anneaux, un bon magicien n’était jamais en retard ni en avance, il arrive précisément à l’heure.

Je tends à la ponctualité, sauf cas de force majeure.

Les quatre autres membres de l’équipe Alpha sont eux aussi arrivés pile à l’heure et l’un d’eux s’adresse à une jeune femme au moment où j’arrive, supposant qu’elle serait "l’une des bleues de ce nouveau cru 2023" pour reprendre ses paroles mais comme il n’en est manifestement pas sur, il le lui dit sous une forme interrogative. Comme je suis cordiale, j’attends qu’elle lui réponde avant de m’exprimer en arrivant à leur hauteur.

"Salut, je suis aussi une bleue alors."

Je me fends d’un sourire parce que les membres du groupe ont l’air sympathique, deux hommes, une femme et une autre nouvelle recrue, après je peux me tromper mais c’est la première impression qu’ils me donnent puis oui, si par bleue la femme fait allusion au fait que je n’ai pas encore approché des dinosaures, c’est effectivement le cas et aussi celui de la jeune femme à qui elle s’adressait à mon arrivée.

"Moi c’est Alice Gordon."

C’est tout de même mieux de se présenter oui.

Un mouvement attira l'attention de Julian. A sa gauche, une brunette s'avançait dans sa direction, équipé comme lui d'une tenue de terrain. Alors, Miller ou Gordon ? Elle rangea ses écouteurs et lui tendit la main en se présentant. Machinalement, il chercha une quelconque ressemblance avec John, en vain.

- Julian Blake, répondit-il en lui serrant la main. Bienvenue.
Il était sur le point de lui demander si elle s'acclimatait bien mais une nouvelle silhouette attira son attention. Son sourire s'élargit face à Booker.
Il n'avait vraiment pas changé et c'était satisfaisant de voir qu'il était présent et bien rétabli. La dernière fois qu'il avait eu des nouvelles, Booker était blessé avec l'explosion de l'Innovation Center.
Il déglutit à l'évocation de ce souvenir et le salua à son tour, masquant son très léger trouble.

- Booker, lâcha-t-il en haussant les épaules. Certaines choses ne changeront jamais. Si je ne suis pas le premier arrivé, c'est que je suis mort.

Ses lèvres s'étirèrent naturellement face à ce trait d'humour douteux et complètement anglais.
Il laissa ses deux collègues se présenter et se concentra sur l'arrivée de la jeune Forbes. Toujours aussi petite et fluette mais capable de soulever des montagnes.

Après une petite pique adressée à son collègue, elle le salua. Ainsi, ils partageaient un dortoir tous les deux, ça n'allait pas être triste.

- Moi aussi je suis content de te voir Forbes mais par pitié, plus de chef ou de vouvoiement, je n'ai pas signé pour ça, assura-t-il en levant les yeux au ciel d'un air amusé.

Et comme elle s'adressait à la nouvelle recrue, il croisa les bras sur sa poitrine, attendant de voir comment celle-ci allait rétorquer. La réponse ne tarda pas et la dernière recrue fit son apparition.

-Bienvenue Gordon, petit tour de table pour boucler les présentations ? Julian Blake, Lorna Forbes, Ava Miller et Lance Booker, annonça-t-il en désignant chacun.

Autant gagner du temps, ils avaient 1h30 de trajet et auraient tout le loisir de faire plus ample connaissance. Mais Shaw accepterait difficilement un retard, il avait été à bonne école avec lui.

Booker était de bonne humeur et c’était bon signe. Le sourire en coin de Lorna s’étira l’légèrement quand elle vit sa provocation faire mouche. Cet homme était d’une humeur de chien en permanence mais, allez savoir pourquoi, c’était un vrai plaisir. Il aurait commencé à dorloter tout le monde qu’elle aurait invoqué le besoin urgent d’un médecin pour cause probable d’AVC. Les choses ne changeaient pas toutes et c’était pour le mieux.

Ce nouveau cru s’annonçait prometteur. Lorna avait à peine eu l’occasion de mettre en avant la nouveauté que représentait la brune qu’une seconde fit son apparition, soulignant son statut de bleue également, ce qui fit sourire de plus belle l’Ecossaise. Enfin. Enfin elle ne serait plus la petite dernière, celle qui s’était engagée trop tôt, celle qu’on avait potentiellement pris sous son elle dans une erreur de casting. Lorna avisa la petite troupe alors que la dernière venue se présentait à son tour. Blake, lui, avait écarté avec une légère gêne le côté protocolaire de Lorna qui hocha légèrement la tête pour affirmer qu’elle avait bien compris. Puis, abrégeant les présentations en réalisant un tour de présentation en rappelant les prénoms. Il trichait, aussi, lui qui avait été le responsable de deux d’entre eux. Imprimer les nouvelles identités serait plus facile pour les anciens que pour les nouvelles qui avaient deux fois plus de boulot. Le nom de Miller lui fit hausser les sourcils. Un lien avec leur grand Responsable ? Merde, il faudrait qu’elle évite une quelconque remarque le concernant… Ce qui lui allait plutôt bien, finalement, Lorna n’étant pas de nature désobéissante.

Quand est-ce qu’on y va ? Lorna ne put s’empêcher de laisser échapper un léger rire. Aussi étrange cela pouvait-il être, elle se souvenait de ses premiers pas sur le terrain et son propre enthousiasme face à l’idée d’une grande aventure. « Quand faut y aller, faut y aller. Le premier qui vomit dans le bateau à un gage, c’est ça ? Et celui qui tombe à l’eau rentre à la nage ? » Elle observa Booker, le toisant d’une œillade qui ravivait bon nombre de souvenirs. Elle se cramponnerait, cette fois. Et plus fort qu’elle le pourrait. « Je sais pas ce que Shaw nous a préparé, mais j’suis au moins rassurée de savoir qu’on ne va pas risquer de se faire croquer durant les prochaines 24h. » Parce que l’entreprise avait pris une autre direction, cette fois-ci. Comme quoi, Masrani avait peut-être eut une illumination durant toutes ces années de captivité. Ils n’avaient plus qu’à s’engouffrer jusqu’au pont inférieur et prendre place dans leur navire de croisière – ou pas – et Lorna pourrait découvrir, autant que les autres, la beauté d’Isla Matanceros.

L’ambiance a l’air bonne dans ce groupe et le trio qu’on peut considérer comme des vétérans semble prêt à permettre notre intégration à l’autre nouvelle recrue ainsi qu’à moi-même. L’un des hommes fait les présentations et je mémorise les noms au fur et à mesure, en les assimilant à leur visage. Celui qui a parlé le premier s’appelle ainsi Julian Blake "le cuir tanné et droit dans ses bottes". Il présente ensuite une femme sous le prénom de Lorna et le nom de famille de Forbes. J’aime bien ce nom et son expression solaire. Ava Miller ensuite, la nouvelle tout comme moi et qui a manifestement envie de faire ses preuves, je le perçois ainsi en tout cas. Elle c’est l’aînée, pas de beaucoup, je dirais qu’elle doit avoir à peine cinq ans de plus que moi.

"Je suis le mouvement."

En suivant la procédure standard, on devrait embarquer après le briefing mais je le garde pour moi histoire de ne pas passer pour la nouvelle qui sait tout sur tout, genre Hermione Granger, ce qui est loin d’être le cas.

Julian Blake présente Lance Booker et j’ai une impression bizarre de "déjà vu" en posant mes yeux sur lui, du coup j’évite de le fixer en souhaitant que cette sensation ne soit pas confirmée par la suite.

Il ne m’échappe pas que les hommes sont en minorité dans le groupe, ce qui est inédit pour moi en tout cas. Je sais que tous ne sont pas des connards imbus d’eux-mêmes à me faire comprendre qu’au mieux ma place serait davantage dans un bureau que sur le terrain, tout ce que je demande c’est qu’on reste tous professionnels pour que le groupe se coordonne un maximum pendant cette mission d’entraînement et qu’on survive tous aux missions à venir ensuite sur Isla Nublar parce que la prise du port s’annonce coton et que celle du premier générateur semble avoir des airs de mission suicide.

Joie.

Le physique ne fait pas tout même si le désir qu’il inspire est à mon sens une première étape primordiale, le rire, les propos amusants de l’équipière prénommée Lorna et dont j’aime le nom de famille m’amènent à toucher mon alliance en mode "reste pro et tu es mariée" sauf que le bijou n’est plus à mon doigt, il n’en reste qu’une trace blanche à l’annulaire, du coup je suis juste en mode "reste pro". J’ai souri avec les yeux, j’aurais pu aussi le faire vraiment même si j’ai tendance à penser que le sourire est le commencement de la grimace mais ça n’aurait pas eu l’air de donner une attitude non professionnelle. Non mais genre ne pas draguer en mission et ne pas draguer avant d’avoir la certitude que la femme désirée est au minimum encline à la bisexualité. Je demeure ainsi très pro dans l’attente du briefing éventuel et qu’on embarque pour Isla Matanceros.

Les présentations étaient faites et déjà, l'ambiance approchait celle d'une colonie de vacances.
Booker et Forbes commençaient à se chamailler. Julian avait beau savoir que leur entente était cordiale, il les observa quelques secondes en se demandant depuis quand ils s'entendaient aussi bien.
Peut-être que le fait de partager un dortoir les avait rapprochés, à moins qu'il ne soit juste pas au courant de tout.
Il finit par hausser les épaules avec nonchalance. Après tout, cela ne le regardait pas, même si les voir ainsi l'amusait, il devait bien se l'avouer.

Les nouvelles recrues avaient l'air enthousiaste, ce qui était plutôt satisfaisant à voir. Après tout ce que le parc avait subi, trouver des personnes aussi motivées relevait presque d'un petit miracle.
Miller surtout semblait posséder un coté jovial et extraverti. Gordon en revanche semblait plus sur la réserve. Un parfait équilibre en devenir ?

En attendant, il valait mieux se mettre en route, comme le disait si bien Forbes, Shaw devait les attendre avec une impatience certaine et même s'il ne le montrait pas, lui aussi avait très envie de revenir sur le terrain, même s'il était moins hostile que l'original, même si on tirait à blanc.
Il verrait s'il était véritablement rouillé ou non.

Julian récupéra donc son sac de matériel et commença à se diriger vers l'accès qui menait au radier. Il n'était plus là pour donner des ordres, il n'était plus responsable. Pourtant, une part de lui souhaitait le faire mais il tint bon et se contenta de commencer à descendre les escaliers en silence. Comment pouvait-il encore avoir envie de se comporter de la sorte après quatre années ?

Le groupe devait traverser les entrailles du bateau pour rejoindre le bassin intérieur et embarquer dans un engin de débarquement. Il n'avait pas mis les pieds dans un tel véhicule depuis des années, sa dernière expérience remontait à une mission alors qu'il était encore dans l'armée britannique.
Cette pensée eut le mérite de le faire sourire.

- Alors Miller, demanda-t-il soudain en la voyant à portée. Un lien quelconque avec notre responsable de la sécurité ?

Sans réellement savoir pourquoi, il avait très envie de connaître la réponse. Peut-être pourrait-il payer sa dette envers John en faisant en sorte que rien arrive à cette jeune femme si elle était de sa famille ? Il la regarda et ne releva aucun trait commun entre les deux.

Descendre des escaliers n'empêchait pas de parler si ? Il doutait fort de toutes façons que les autres se taisent, même si à brailler comme des gamins, ils risquaient de ne pas passer inaperçus.

Blake n’était peut-être plus responsable mais, au moins, il savait initier un mouvement. Lorna, elle, n’avait rien d’un leader mais tout d’une suiveuse et ce fut tout naturellement qu’elle emboita le pas au petit groupe. Le bateau n’était pas non plus si grand et il ne leur faudrait pas longtemps pour atteindre les niveaux inférieurs qui permettaient le mouillage de bateaux pour mieux se diriger vers l’île par voie navale. Vraiment, ce genre de détails la surprenait et pas de façon négative. Masrani avait vraiment l’air de savoir ce qu’elle faisait… A moins que ce ne soit la signature de Miller ? En parlant de Miller… Un lien quelconque avec notre responsable de la sécurité ? Tendant l’oreille, curieuse de connaître cette réponse, elle sourit quand la réplique impliqua la possibilité d’un homonyme. Touché.

Finalement, elle porta son attention sur l’autre bleue qui se trouvait non loin d’elle. « Gordon, c’est ça ? Alors, pour quelle raison on vient risquer sa vie dans un lieu pareil ? » Ils avaient tous leur raison, leur motivation. Lorna, elle-même, était réformée de l’armée et ne pourrait jamais réintégrer les rangs de cette firme qu’elle affectionnait tant. Et le pire, c’est qu’elle n’y était pour rien. Elle n’avait pas eu de chance. Comme lors de sa première mission sur Isla Nublar.

L’île sur laquelle on va, vous la connaissez ? Entendant la question de Miller – bis, parce qu’il va falloir trouver un moyen de la différencier vraiment de leur Responsable – elle se permit d’y répondre, même si elle ne lui était pas directement destinée. « Pas que je sache. Mais bon, avant votre arrivée, à toutes les deux, c’était moi la bleue, alors je ne dois pas être la mieux renseignée. L’un de ces deux dinosaures devrait être capable de te répondre. » Parce que Booker et Blake faisaient presque partie des murs. Enfin, de la jungle. Finalement, leur marche aboutit sur la zone de mise à flot où un engin de débarquement amphibie les attendait. Lâchant un sifflement doucement impressionné, Lorna prit place à bord, déposant son sac. « Eh beh… A ce rythme-là, Masrani nous a prévu des Formule 1 sur l’île, faut croire… » Franchement, avec tout ce matos, que pouvait-il leur arriver de négatif ?

Je suis ainsi le mouvement et on se rend au briefing juste avant l’embarquement. Le chef d’équipe, Gregory Shaw, doit être impatient de nous envoyer sur le terrain et cette mission d’entraînement sera importante en ce sens, même s’il restera certainement impassible, imperturbable et professionnel, ce dont je ferais bien de m’inspirer moi-même dans ma tête.

Nous traversons le vaisseau pour rejoindre le bassin intérieur et embarquer dans un engin de débarquement. Ne connaissant pas Julian Blake, je viens de faire sa connaissance après tout, je ne saurais donc penser si je suis surprise ou non qu’il pose une question à l’autre nouvelle, à savoir Ava Miller, concernant son lien de famille éventuel avec leur responsable de la sécurité. Elle par contre, sa réponse me surprend autant que son sourire sur un visage impassible. Sans chercher à couper les cheveux en quatre pour reprendre l’expression, une réponse du style "aucun lien de famille" aurait été à mon sens plus adéquate et surtout plus spontanée alors que là, je devine une réaction défensive face à une question inopinée et considérée peut-être comme gênante par l’intéressée.

Tant que ça ne gêne pas notre travail.

Lance Booker ne parle pas, ce dont je lui sais gré, n’ayant pas envie de m’exprimer non plus, du moins pas pour le moment. Ca impressionne peut-être le personnel civil de croiser des gens armés jusqu’aux dents comme on dit. J’imagine qu’ils ont l’habitude, sinon ça finira par leur passer.

Hmmm ?

Je suis étonnée que Lorna Forbes me demande pour quelle raison je suis venue risquer ma peau. Sa question en elle-même ne serait pas surprenante si elle s’adressait aussi à Ava Miller mais en l’occurrence la jeune femme ne me la pose qu’à moi, cette question.

"Je te le dirai plus tard."

Dis-je avec un regard amusé. Si je répondais maintenant, ce serait bref, évasif et surtout très "officiel" comme réponse et en plus ça demanderait une question en retour du style "et toi ?" pour une réplique probablement du même acabit qui ne satisferait de fait pas ma curiosité. C’est aussi un choix tactique qui pourrait porter ses fruits dans un avenir proche.

Ca ne manquerait pas d’ironie.

La façon dont Lorna Forbes botte en touche quand Ava pose une question au demeurant pertinente me fait lever brièvement les yeux au ciel avec à nouveau un amusement visible.

Oh mon Dieu.

L’engin de débarquement amphibie n’est en effet pas mal du tout et devrait être propice à une première communication pendant le trajet. Je comprends l’humour présent dans les paroles de Lorna Forbes, l’ancienne bleue passée au rang de jeune vétéran mais pas autant que "les vieux de la vieille", à savoir Julian Blake et Lance Booker, quand elle évoque d’éventuelles formules un sur l’île. A mon avis, on va surtout crapahuter mais je garde mon opinion pour moi, préférant me taire que de dire une bêtise. Lorna Forbes confirme en tout cas sa personnalité solaire et je m’efforce de ne pas la regarder sinon je ne vais pas être assez attentive pendant le briefing.

La réponse de Miller ne tarda pas. Il l'accueillit avec son éternel petit sourire en coin, à la fois amusé et intrigué de comprendre pourquoi elle semblait si impassible face à sa question. Un simple non aurait suffit, pourquoi lui donnait-elle l'impression d'être sur la défensive ?
Peut-être était-ce sa nature après tout, il ne la connaissait pas.

Ce qu'il connaissait bien en revanche, c'était cette façon de détourner l'attention. Passer à autre chose pour ne pas être emmerdé, ça c'était sa spécialité.
Son sourire s'élargit d'avantage et comme personne ne semblait vouloir lui répondre, il fut tenté de lui balancer à son tour :"vous savez, Isla Nublar n'est pas la seule île des Cinq Morts...".
Il se retint cependant, n'ayant pas envie d'être aussi mesquin et détestable dès le premier jour.
Après tout, il n'était plus ni chef d'équipe, ni responsable alors qu'est-ce qui l'empêchait de se comporter comme un gros con ?
Prenant sur lui, il expira un bon coup, prêt à répondre quand Forbes prit la parole pour répondre à l'intéressée.
Enfin c'est ce qu'il crut car en réalité, elle ne faisait que renvoyer la balle à Booker et à lui-même.
Julian lança un regard à son collègue masculin qui ne semblait pas du tout enclin à répondre, il ajouta :
- Non. On était lancé sur le terrain direct mais la plupart d'entre nous étions habitués à évoluer en terrain hostile. Au final, seule la cible change. Et aussi le fait que quelque fois, le chasseur devient proie.


Après quatre années sans rien faire pour sa part, ce redémarrage en douceur était plus que bienvenu. Même si comme ses collaborateurs, il avait hâte de rentrer dans le vif du sujet, c'était mieux d'effectuer un petit stage pratique.
Enfin, ils arrivèrent au niveau du radier. Il sourit à la remarque de Forbes. Après tout, c'était vraiment impressionnant, ces deux gros engins de débarquement flottant dans un bassin intérieur au bateau.
Il fallait vraiment être là pour le croire et au delà de ça, il se sentit quelque peu nostalgique en songeant aux missions de son passé à l'armée. Même s'il n'avait connu que des opérations de terrain par la terre ou les airs, cette entrée en matière le galvanisait.

Leur pilote leur fit signe et il le salua avant de pénétrer dans l'engin par la passerelle amarrée. Sans véhicule, il y avait beaucoup d'espace dans la cale en contre-bas. Il y descendit, traversa la largeur de l'engin et remonta sur la passerelle en face, juste derrière la petite cabine de pilotage.
Déposant son sac, il s'appuya sur la rambarde en attendant que l'équipage du Renaissance effectue les manœuvres nécessaires pour les faire sortir du radier.
1h30 de mer les attendait avant de retrouver Shaw. Il avait hâte de le revoir et de découvrir, ce qu'il leur avait préparé.

Après un court trajet dans les entrailles du renaissance, nous embarquons à bord de cet engin de débarquement amphibie que je trouve aussi pour ma part pas mal du tout. Le voyage jusqu’à Isla Matanceros ne pose pas de problème puis j’imagine que personne ici n’a le mal de mer sinon ce serait un problème d’affectation vu que notre base, c’est tout de même un navire.

C’est sur le quai de Velo City, j’ignore si le jeu de mots est intentionnel, que nous retrouvons Gregory Shaw, notre supérieur et responsable de l'équipe alpha pour le briefing. A l’instar des membres de l’unité, il change plutôt des militaires que j’ai côtoyés par le passé. C’est un homme avenant qui commence par confier à chacun et chacune d’entre nous un gadget de visée laser qui va servir à jauger notre compétence de tir pendant la mission d’entraînement. J’espère qu’on ne fera pas de compétition entre nous parce que je pars du principe que je laisse tirer un coéquipier s’il a de meilleures chances que moi de toucher la cible, en étant mieux placé par exemple, sauf si bien sur nous sommes attaqués et que je réagis avec ce même coéquipier.

Paquetage en main, j’écoute le briefing. Sans surprise, il y aura une sorte de parcours du combattant avec du crapahutage et même de la grimpette raide dans le style grimper à un arbre comme si on avait une meute de dinosaures affamés aux fesses, ce qui pourrait bien arriver par la suite.

Nous nous mettons en route et malgré ma protection contre les moustiques, une crème qui a pourtant fait ses preuves sur beaucoup d’autres soldats, je ne tarde pas à me donner une tape dans le cou là ou une saleté de petit vampire vient de sévir avant de repartir tranquillement, le premier et évidemment pas le dernier. Autant dire que mon geste est totalement inutile. Je suis d’ores et déjà plutôt pratique pour l’unité dans le sens où j’attire au moins la moitié des moustiques, je suis leur cible préférée. Heureusement pour moi, le baume contre les démangeaisons est beaucoup plus efficace, en tout cas en ce qui me concerne.