La pluie battait les vitres de l'hélicoptère. Evidemment, en pleine saison humide au Costa Rica, il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Cela aurait pu déprimer Julian mais en réalité, rien n'aurait pu entacher cette journée.
Il revenait au sein de Jurassic Wolrd. Pas encore le parc non, il transiterait d'abord dans ce navire que Laura avait acheté et transformé pour tous les employés.
Il avait hâte, il était excité en ce milieu d'après-midi à la simple idée de regagner le feu de l'action.
S'il avait hésité quelques fois pendant son long trajet en avion, plus la finalité du trajet approchait, plus la petite voix au fond de lui, lui avait soufflé qu'il y serait bientôt. Elle avait attisé son envie, elle avait malmené sa patience et là, à travers le ciel gris et les rideaux de pluie, il ne tarderait pas à découvrir le Renaissance.

Il n'avait jamais séjourné dans un bateau de guerre mais il connaissait les pratiques militaires ainsi que leur organisation sur des batiments spécifiques.
En sommes, il était serein.
La fille qui pilotait discutait avec son co-pilote pour passer le temps certainement du trajet. Il y avait deux autres personnes avec lui qu'il avait simplement salué sans rien ajouter.
Une trentaine de minutes tout au plus, et il serait arrivé.
Une trentaine de minutes et sa vie reprendrait.

Le regard rivé sur l'océan qu'il survolait, il se demanda l'espace d'une seconde, ce qui se serait passé, si en 2015, le mosasaure avait réussi à s'enfuir au lieu de l'Indominus.
Un frisson le secoua doucement et un sourire étira ses lèvres. Voilà bien le genre d'adrénaline dont il avait besoin.
Il observa l'extérieur et l'horizon qui lui sembla infini. Il n'y avait rien ici. De l'eau et un ciel, rien d'autre. Etaient-ils les parasites de ces lieux ?

Enfin après un temps qui lui sembla incroyablement long, la voix de la pilote dans son casque lui indiqua qu'ils approchaient du navire.
Il ne put s'empêcher de regarder par la fenêtre malgré les trombes qui lui masquaient la vue et aperçu enfin, le batiment flottant.
Machinallement il porta son regard plus loin, espérant apercevoir l'île. Elle ne devait pas être bien à l'écart. Mais le brouillard d'eau mené par la pluie lui brouillait la vue.

Enfin, l'hélicoptère se posa. Julian retira son casque et remercia la pilote. Il détacha ses ceintures et récupéra son sac, seul vestige de sa vie d'avant celle qui commençait ce jour.
Il sortit du véhicule sous une pluie battante et regagna l'accès au pont inférieur, de là où un type en tenue militaire à la sauce Jurassic Wolrd lui faisait signe.
Le comité d'accueil visiblement. Première étape, déposer ses affaires au dortoir commun, puis visiter son nouveau lieu d'habitation.
Les deux autres personnes ne faisaient pas partis de la sécurité visiblement, ils avaient déjà bifurqué à l'ilot de pilotage.
Sans réfléchir d'avantage, il emboita le pas de ce dénommé Dell.

Il croisa les doigts pour ne pas tomber sur Laura.

Julian secoua la tête pour se débarasser de la pluie maintenant qu'il se tenait au sec. Il glissa une main dans ses cheveux pour dégager son visage des mèches qui se collaient sur sa peau, elle aussi trempée.
L'humidité et la chaleur ne lui avaient pas particulièrement manqué bien que le climat tropical fasse partie de l'aventure.
Dell le fit descendre dans les entrailles du navire jusqu'aux dortoirs communs. Il lui expliqua alors l'organisation de ces derniers : couvre-feux, sanitaires, zone des cabines pour ceux qui y avaient droit.
C'est à dire, pas Julian.
Cela lui convenait très bien, il n'avait rien contre la vie en communauté, ses expériences passées l'y avaient préparé. Cependant, il ne pouvait s'empêcher d'appréhender. Après quatre ans à vivre seul ou presque et à se couper du monde, verrait-il vraiment la communauté comme un retour à la normale ?

Il s'inquiétait de savoir ce qu'on dirait de lui alors qu'en temps normal, il s'en foutait.
Cette fois-ci était différente. Après tout, il avait échoué en tant que responsable de la sécurité et pourtant il revenait à un grade tout en bas de l'échelle. Certains ne manqueraient pas de lui faire des réflexions, il devrait se retenir de répondre par la force.
Comment pourrait-il en vouloir à ces gens ? Il avait quitté l'île sans rien dire à personne et avait envoyé sa lettre de démission au Conseil d'Administration en prenant la responsabilité de tout ce merdier. Disparition et probable mort de Laura incluse.

Dell le tira de ses pensées en lui indiquant qu'il lui laissait quinze minutes pour s'installer, en lui désignant sa couchette.
Julian posa son sac juste à coté et entreprit de découvrir l'endroit. Un lit, un petit bureau et une armoire. Il n'avait pas besoin de plus.
Instinctivement, il remarqua qu'il n'était pas loin de l'entrée. Pas plus mal s'il devait agir rapidement et vider les lieux.
Un voix alors qu'il reconnut immédiatement s'éleva dans son dos. Il se retourna sans l'once d'une hésitation.
Owen se tenait là avec son air goguenard pour lui souhaiter la bienvenue.
Sur le moment, Julian ne put réprimer le sourire qui étirait ses lèvres avant que des pensées plus sombres ne se réveillent en lui.
Il rendit cependant l'accolade à son ami avec générosité.

- Owen Grady, c'est bon de te revoir.

La franchise étreignit son coeur à ce moment précis. Même s'il n'avait donné aucun signe de vie en quatre ans, retrouver Owen lui apportait une joie qu'il n'aurait même pas imaginé.
Il ne put s'empêcher de le détailler, observant comment ces quatre dernières années l'avaient transformé. Owen n'avait pas bougé, quelques rides peut-être amorçant la maturité mais sa stature n'avait pas bougée. Il espéra qu'à son tour, le dresseur ne le jugerait pas trop, car lui au contraire avait perdu beaucoup de poids. Le deuil ne l'avait pas aidé dans un premier temps et le manque d'exercice couplé à l'interdiction de tout ce qui touchait de près ou de loin à un sac de frappe ou de la musculation l'avait littéralement fait fondre.
Cependant, il ne voulait pas se justifier, à Owen ou à personne d'autre. L'enfer qu'il avait traversé avec la disparition de Laura n'appartenait qu'à lui.

- T'es arrivé y'a longtemps ? demanda-t-il. Sympa ce changement de décor non ?

Comme pour l'imager, il se mit à observer la pièce dans son entièreté.

La honte commençait à le ronger doucement. Voilà qu'il se retrouvait en compagnie de Owen comme si de rien n'était, comme s'ils avaient quitté l'île la veille. Julian se sentait mal à l'aise d'avoir disparu durant tout ce temps, sans jamais donner une seule nouvelle. Owen le lui ferait-il payer un peu plus tard ?
Il l'ignorait mais devait s'y attendre à un moment ou un autre.
Préférant ne pas croiser le regard de son ami (mais pouvait-il encore l'appeler ainsi ?), il se concentra sur l'adoption des lieux qui seraient son foyer pour les mois à venir.
Ce faisant, il accueillit la réponse de Owen indiquant qu'il n'était là que depuis quelques jours. Ainsi, il n'avait pas pris le bateau depuis les Etats-Unis ? Voilà qui était étonnant.
Un petit rire étouffé franchit ses lèvres à la seconde affirmation du dresseur.
Il hocha la tête en souriant, car c'était le moins que l'on puisse dire.
Les appartements étaient incomparables avec cet endroit. L'intimité prendrait un sacré coup durant les prochains temps mais en avait-il réellement besoin ?
Non.
Il ne comptait se lier à personne, comme au bon vieux temps et se concentrerait sur ce qu'il savait faire le mieux : survivre en faisant son boulot.

A la question de Owen cependant, Julian se figea. Toujours dos à lui, il hésitait à ce qu'il devait dire ou bien, ce qu'il avait envie de dire.
Avait-il hésité ? Putain oui. Des jours et des semaines, il avait tenté de se convaincre que sa place était à Melbourne, dans une vie bien rangée aux côtés de Marika. Mais Laura revenait toujours dans ses pensées, la façon dont ils s'étaient quittés à Melbourne le hantait au moins autant que sa disparition et sa mort présumée. Julian regardait ce passé et ses échecs avec une amertume qu'il supportait de moins en moins. Alors il avait fini par faire ce qu'il aurait dû faire depuis longtemps : suivre son instinct. Aussitôt, son hésitation avait disparu. Sauf qu'on ne lui avait pas vraiment demandé de revenir. Il avait presque du supplier Miller de le faire et sous quelle condition ?

Il lui avait promis de garder ses distances vis à vis de Laura. Savait-elle seulement qu'il était là ? Surement, Laura avait ses méthodes.
Si elle n'était pas encore venue le voir, c'était certainement parce qu'elle avait envie de le démembrer et de jeter ses morceaux aux dinosaures ou par dessus bord au choix.
Il déglutit, se rendant compte que Owen attendait.

- Je...commença-t-il mais les mots restaient bloqué dans sa gorge.
Il se racla celle-ci dans un petit grognement et frustré de ne pouvoir s'exprimer comme il le souhaitait se mit à rire un peu nerveusement.

- Tu crois vraiment que j'étais sur la liste après ce qu'il s'est passé ?
Il eut un nouveau rire et se tourna face à Owen. C'était plus fort que lui, il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir cette atroce culpabilité. Il était le responsable de la sécurité qui avait laissé Banks détruire un bâtiment et des vies. C'était miraculeux qu'il puisse être là à nouveau après pareil échec
D'ailleurs, il se doutait bien qu'à la moindre erreur de sa part, il serait renvoyé. Et qu'en serait-il lorsque l'étude qu'avait effectué Marika à son insu serait dévoilée ? Il n'osait l'imaginer.

- 10 min, c'est tout ce que j'ai à t'offrir pour l'instant avant que le sergent Dell ne me fasse visiter la maison.

Owen renchérit avec humour, détendant instantanément l'atmosphère. Julien lâche une petite expiration amusée. Il s'en veut de plomber l'ambiance alors que les deux amis ne se sont pas vus depuis quatre années.
Impulsif et incontrôlable, voilà qui les résumait bien tous deux. Entre le premier qui n'hésitait pas à traîner avec les vélociraptors pour les dresser et l'autre qui prenait les coups pour protéger ses coéquipiers, on avait effectivement une belle brochette.
Par quel miracle étaient-ils encore en vie bon sang ?
Parfois sa chance insolente le stupéfiait.

Owen semblait vouloir l'embarquer avant que Dell ne revienne, ce qui fit hausser les sourcils à Julian. Curieux. Qu'est-ce qu'il manigançait ? Comme à son habitude, il inclina légèrement la tête sur le côté lorsqu'il était intrigué mais face au rire de Owen, il n'hésita pas une seule seconde et le suivit lorsque ce dernier lui fit un signe de main.
Il mentionna le pont, Julian l'avait aperçu sous la pluie. Un espace immense qui devait être sympathique pour les footings matinaux mais pas avec ces trombes d'eau.
Il séchait bien cela dit, la température dans le bateau aidait.
Relevant un sourcil à la suite des propos, Julian s'interrogea ? L'endroit qu'il aimait le plus sur ce navire ? L'agent d'intervention doutait fortement de la présence d'un bar en ces lieux, alors quel était cet endroit ?

Glissant une main dans ses cheveux, il accompagna Owen prenant garde d'observer chaque couloir, chaque recoin qu'il traversait de peur de croiser Laura.
Ils arrivèrent rapidement vers la cantine et un fin sourire étira les lèvres de Julian. Il aurait du s'en douter.
Owen lui fit signe de s'installer en désignant une table et Julian s'executa. Son regard balaya la salle immense et le nombre de tables disponibles. Pas de Laura à l'horizon, il se détendit sensiblement.
Il posa ses avant-bras sur la table et récupéra le gobelet de café charitablement offert par son ami.
Un rapide coup d'oeil à ce dernier et l'odeur qui remonta jusqu'à lui, confirmèrent qu'il s'agissait de café.
Il en buvait rarement cependant, il ne pouvait s'attendra à trouver du vrai earl grey ici alors...ce breuvage ferait l'affaire.
Après un bref remerciement, il prit une première gorgée et se retint de grimacer. Bordel que c'était amer !
Owen reprit la parole et Julian songea qu'il y était, l'interrogatoire allait commencer.
Alors il fit ce qu'il faisait de mieux.

- Ca va, je suppose. Et toi ? Quoi de neuf ? T'étais où pendant ces quatre années ? Et surtout, pourquoi es-tu revenu ? Pour Blue ?

Détourner l'attention.

Est-ce que ça allait marcher ? Julian espéra que oui. Et pendant qu'il regardait le contenu de son gobelet dans l'attente d'une réponse ou plutôt de plusieurs réponses vu la salve de questions qu'il venait de poser à Owen, il se demandait comment il pourrait se procurer du thé, du bon.
La remarque de son ami ne lui laissa que peu d'espoir à l'idée de récupérer du Earl Grey et il soupira doucement avant de relever un regard, sourcils légèrement froncés lorsque Leanne fut mentionnée.
Wayne était ici ?
C'était à peine croyable à ses yeux, après tout ce qu'elle avait traversé, elle décidait de revenir encore et toujours. Avait-elle le gamin ?

Il n'eut pas le loisir de pousser ses réflexions, déjà Owen l'embarquait dans un nouveau récit. Après tout, c'est lui qui l'avait demandé non ?
Il l'écoutait parler en faisant tourner son café dans le gobelet avec nonchalance. Un vague sourire apparut sur ses lèvres aux souvenirs qui remontaient. Les soirées avec Owen au Jurassic Bar, les discussions entre potes, cette façon bien à lui, de raconter ses tranches de vie. C'était agréable et il se rendit compte à quel point ça lui avait manqué. Et à quel point il avait été con de disparaître pendant quatre ans.

Il pouffa même lorsqu'il mentionna que dresser des félins, c'était comme dresser des dinos. Jamais lui ne se serait risqué, ni pour l'un ni pour l'autre. Buvant une gorgée de café, il observa à nouveau Owen, la tête légèrement inclinée à la mention de Blue.
Il fallait vraiment être un idiot pour ne pas se rendre compte d'à quel point Owen était inquiet.
Aux yeux de Julian, c'était une évidence qu'Owen soit de retour pour Blue au minimum.
Chacun possédait ses raisons et tous se retrouvaient dans la merde à venir risquer sa vie ici.
Mais c'était aussi ça le charme de la mission : l'adrénaline, le dépassement de soi, le challenge.

Julian reprenait une gorgée de café au moment même ou Owen lui annonça ne pas être aller seul au Kenya. Il cita à nouveau Wayne et son gamin.
On peut dire que c'était une sacrée surprise. Ceci dit, les deux bossant avec des créatures sauvages depuis des années, en y réfléchissant deux secondes, il ne trouva pas ça déconnant qu'ils se soient retrouvés là-bas pour le boulot.
Sauf que...Owen lui montrait maintenant une alliance et indiqua que Wayne était devenu Grady.

Julian le regardait toujours, incrédule. Il resta presque sidéré un instant avant de se rappeler qu'il était entrain de boire du café et qu'il ferait mieux de l'avaler avant de le lui cracher au visage en essayant de respirer. Évidemment, la gorgée passa mal et il manqua de s'étouffer, cherchant à ne rien renvoyer à son ami. Portant son poing à sa bouche pour faire écran, il toussa espérant faire enfin passer le breuvage dans le bon trou.

- Putain de merde ! finit-il par articuler dès qu'il le put encore sous l'effet de la surprise. T'es sérieux ? Wayne ? Bordel tu m'aurais dit ça il y a quatre ans, jamais je ne t'aurais cru.

Il toussa encore une fois puis se mit à rire de la situation. Owen, marié. Deux éléments qu'il n'aurait jamais placés dans la même phrase.
- Ah merde ! Désolé, reprit-il. Ce n'est pas l'annonce, c'est le café, un peu fort comme tu peux le voir.
Et il toussotta un peu plus pour étayer son argument.
- Alors félicitations ? C'est ça qu'on doit dire ? Wayne hein ?...Enfin Leanne.

Il insista un peu sur le prénom en secouant la tête pour marquer la fin de cet ancien nom de famille. Putain mais pourquoi elle ? Avec son caractère de merde et son manque de sang-froid, il fallait être dingue pour se marier avec une femme comme elle. Puis il se souvint de Claire et se dit que finalement...Owen aimait bien ça.

C'était un peu difficile à avaler d'une certaine manière. En quatre ans, Owen s'était marié, se retrouvait beau-père et semblait vivre sa meilleure vie. De son côté, Julian avait connu tout l'inverse. Il avait perdu la femme de sa vie, s'était battu avec lui-même pour essayer d'y survivre et avait fini par se retrouver à vivre avec sa psy.
Cette simple introspection d'une seconde le conforta dans son idée qu'il était vraiment à chier. Pourris jusqu'au bout. Maudit peut-être.
Heureusement pour lui, Owen reprit la parole se faisant l'avocat du diable pour que sa nouvelle femme et son pote s'entendent.
Julina lui devait bien ça, il n'avait pris aucune nouvelle pendant quatre ans.
Levant les mains en l'air avec un éternel sourire en coin, il lui lança :

- Hey, je te rappelle que c'est elle qui a faillit me tirer dessus alors que je cherchais son gosse.
Donc c'est plutôt à elle que tu devrais dire ça.

Il n'avait rien contre Leanne, outre le fait qu'il la trouvait complètement barjot mais après tout, ce n'était pas lui qui était marié avec.
Il acheva son café sans aller jusqu'au bout, ne supportant plus l'amertume de la boisson. Pendant ce temps Owen cherchait à argumenter encore, comparant Leanne à Claire. Julian ne put s'empêcher de sourire davantage. Sourire qui se fit étonnamment plus tendre, lorsque Owen mentionna Parker.
Bordel, il était vraiment mordu de Wayne. Enfin Grady.
Julian ne le jugea pas cependant, il n'était pas comme ça. En fait, il était juste simplement heureux de la tournure des événements pour Owen. Une question restait en suspens cependant : pourquoi étaient-ils revenus tous les deux? Le gamin était-il là aussi ? Enfin gamin...il devait être un ado à présent.

Owen s'enfonce dans sa chaise et Julian sait qu'il a fini avec les nouvelles "à pincettes". La discussion va pouvoir se détendre un peu.
A ses propos sur les questions qu'il serait à son tour susceptible de lui poser, Julian balaye l'air d'un revers de la main. Ben voyons, cours toujours, songe-t-il. Mais une part de lui panique un peu, il doit préparer des réponses.

- Moi aussi, ajouta Julian en posant sa main sur l'épaule de Owen à son tour. Je suis très content de te voir et je suis vraiment heureux pour toi de ta situation. Tu le mérites.
- Agent Blake ?
Toujours dans cette étrange étreinte, Julian tourna le visage vers Dell qui les regardait tous deux les yeux ronds, un peu gêné d'interrompre quelque chose.
- Ah, Dell ! C'est l'heure de la visite ? Cela vous dérange si Owen nous accompagne ?
- Non pas du tout. Il va falloir récupérer vos tenues en plus de la visite.

Relâchant définitivement Owen, Julian se mit sur pied puis glissa les mains dans ses poches.

- On y va ? demanda-t-il à Owen. Et du coup, vous avez fait quoi du gamin ?

Certaines choses ne changeaient pas. Owen et Julian réunis donnaient l'impression d'avoir deux garnements à bord. Cette espèce d'amitié virile se nourrissait de rires, de sourires et de gestes tout simples. Un regard, une poignée de main ou encore une tape sur l'épaule.
Julian s'en voulu de ne pas avoir donné signe de vie plus tôt. Il songea que Owen n'avait pas mérité son silence tout en sachant qu'il n'avait pas été prêt à partager ses états d'âmes dans tous les cas.
Le deuil qu'il avait taché de surmonter, sa thérapie, il souhaitait tenir ça au secret. Par honte principalement mais aussi parce qu'il ne voulait pas qu'on ait pitié.
N'était-ce pas risible de se mettre dans un état pareil pour une femme ?
Si certainement.
Encore plus pour une femme avec qui il n'avait aucun point commun.

Heureusement pour lui, Owen lança le tour du bateau, ce qui le ramena dans cette réalité bien ancrée, dans cet instant présent où il n'avait plus le temps de s'apitoyer sur son sort.
Dell marchait devant eux, ayant certainement compris qu'il ne pourrait faire une visite classique. En gros il n'était là que pour les apparences.
Julian afficha un sourire sur son visage pour camoufler son récent état d'âme puis accueillit la réponse de son ami.

- Ca risque de prendre pas mal de temps tout de même, glissa-t-il naturellement.
Mais le couple fraîchement marié avait raison. Ce n'était pas un endroit pour un gosse. S'il avait eu des enfants lui-même, il aurait sûrement été jusqu'à arrêter ce boulot.
Trop risqué. Il fronça légèrement les sourcils à cette idée avant de secouer doucement la tête en se rendant compte qu'il avait sûrement eu cette pensée par mimétisme.

Se faisant, il manqua le début des nouvelles questions de Owen et le regarda pour mieux se concentrer sur la suite.
Qu'à fait Julian Blake ? Il s'est morfondu pendant presque quatre ans, il a commencé une thérapie pour un problème inventé et n'a pas soigné le vrai. Il s'est tapé sa thérapeute en pensant à cette femme qu'il avait perdue. Pour faire court, il avait grave déconné pendant toutes ces années.
Un léger sourire en coin étira ses lèvres, il ne pouvat pas lui dire tout ça. Ceci dit, Owen pensait avoir la réponse à sa propre question.

- Ah ? Je serais curieux d'avoir ton avis sur la question, répondit-il quelque peu amusé.

JAMAIS il ne pourrait savoir qu'il était revenu pour Laura.
Aussi, il rompit une part du suspense en répondant à la première question.

- J'étais en Australie. Le père que je n'ai jamais connu est mort cette année là, il m'a légué un immeuble.
N'était-ce pas une réponse satisfaisante ? Du moins c'était la seule qu'il pouvait lui donner sans mentir.

La question de la sécurité du gamin était close et ce n'était pas plus mal. Non pas que Julian soit mal à l'aise à l'idée de parler enfants mais quelque chose au fond de lui s'agitait.
C'était tellement étrange de voir Owen parler comme l'homme de la famille.
Il l'avait toujours connu seul, plus ou moins célibataire si l'on ne comptait pas la rouquine. Et même si Julian ne l'avait jamais portée dans son cœur, il ne pouvait que constater qu'elle avait aussi survécu à l'indominus et qu'elle l'avait combattu aux côtés de Owen. Ça forçait le respect quand même.
Quoiqu'il en soit, imaginer Owen maintenant responsable d'une épouse et d'un gamin, lui donnait l'impression de prendre 10 ans dans la gueule.
A quoi s'attendait-il ? Le monde avait évolué sans lui.

Il haussa les épaules puis glissa une main dans ses cheveux, signe qu'il était toutefois légèrement mal à l'aise. Heureusement, Owen lui donna la réponse tant attendue sur les raisons de sa présence ici.
L'adrénaline.
Le sourire de Julian s'élargit de manière significative et il accueillit le coup d'épaule avec un nouveau rire qui se mêla à celui du dresseur de vélociraptor.

- Ah ça, renchérit-il à ses propos. C'est elle ma femme, l'adrénaline. Si je pouvais je l'épouserais dix fois.
Il riait toujours, un peu jaune cependant. L'évocation qu'il soit de retour pour une femme n'était pas passée inaperçue aux yeux du soldat.
Julian savait cependant que sa relation avec Laura était au dessus de tout soupçon. Personne n'aurait pu imaginer que la célèbre et riche Laura Masrani avait pu filer le parfait amour avec un simple soldat, même si celui-ci avait gravi les échelons jusqu'au poste de responsable de la sécurité. Pire, on aurait pu dire alors que leur relation était à l'origine de cette promotion. Il ne l'aurait pas supporté.

Comme ils rentraient dans une nouvelle pièce, toujours devancés par Dell, Julian observa le contenu de la pièce. Il lui semblait être dans une sorte de magasin d'habillement et de matériel. Sûrement le meilleur endroit pour s'équiper sur le bateau.
Owen sembla réellement surpris par son histoire d'immeuble. Julian comprenait bien pourquoi, est-ce que ce revirement de situation ne ressemblait-il pas à un compte de fée ?
" Tu comptes en faire quoi de cet immeuble du coup ?"

Dell lança des vêtements à Owen et il attrapa son uniforme dans la foulée. Un treillis foncé et un t-shirt noir.
- Pour l'instant, tous les appartements sont loués, ce qui me fait une rente confortable. C'est pas trop mon truc toutes ces histoires d'argent. J'aurais pu refuser et m'épargner ça mais...

Mais je commençais à être à sec, avec ma démission j'ai pu m'asseoir sur les primes et une des familles d'un des disparus de l'explosion pensait sérieusement à m'attaquer en justice.
Il aurait pu dire ça mais opta pour une autre vérité, bien moins honteuse.

- Mais mon demi-frère qui m'a apporté la nouvelle me sortait tellement par les yeux que j'ai ressenti le besoin de le faire chier.

Voilà, il avait découvert dans le même temps, un père décédé riche, un demi-frère insupportable fils à maman qui veillait sur sa famille et une belle-mère toujours pas au courant de son existence.
Non décidément, il était mieux ici, avec Owen et Adrénaline.

Observant sa tenue et récupérant tout le barda réglementaire, il pouffa aux nouveaux propos de Owen. Dell semblait excédé de ce tour du navire.

- Et pourquoi tu ne pourrais pas venir ? Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas comme au bon vieux temps. Les missions de captures étaient toujours composées d'équipe de soldat et d'animalier. On a bien besoin de vous pour canaliser ces satanés reptiles.
Encore plus maintenant qu'on a pas d'enclos pour les enfermer. T'es au courant de ce qu'il reste sur l'île ? Ils ont effectué un balisage ? Enfin, je veux dire, ils ont foutu quoi jusqu'ici ?


Son impatience était palpable et l'agent d'intervention en lui reprenait le dessus. Qu'allaient-ils trouver une fois là-bas ? Comment faire avec les dinosaures sans enclos viable ? Il faudrait au mieux les repousser, au pire les tuer ou les endormir pour les déplacer.
Ce ne serait pas une mince affaire.

Pourtant il avait choisi d'épouser Leanne Wayne. Peut-être pouvait-elle être comparée à une bonne dose d'adrénaline ceci dit ?
Il rit pour lui-même, gardant sa plaisanterie au risque de vexer son ami.
Aussi, lorsqu'il lui expliqua pourquoi à son sens Owen ne pourrait pas accompagner les équipes de sécurité sur le terrain, il fut surpris de voir la réaction de celui-ci.
Pointant Dell du menton, il rétorqua d'un ton relativement acerbe avant de dévier le sujet sur leur comportement à tous deux.

Certes, tous deux étaient relativement impulsifs et prenaient de temps à autre quelques libertés avec la hiérarchie.
Cependant, Ils ne le faisaient qu'en dernier recours et jusqu'à preuve du contraire, tout ne s'était pas achevé en eau de boudin.
Au final, la seule mission où tout avait été préparé avec minutie et durant laquelle il avait bêtement suivi les procédures en tant que responsable de la sécurité s'était soldée par un échec, la disparition de Laura, des morts et la fermeture du parc.
S'il avait suivi son instinct, s'il ne s'était pas laissé bercé par cet amour, il aurait pu éviter tout ça.

Durant ses réflexions, Owen s'était légèrement approché de lui et reprenant pied dans la réalité, Julian remarqua que Dell au contraire s'était quelque peu éloigné.
Qu'ils soient d'accord ou pas, je viendrais. Faut que je la retrouve.
Julian savait pertinemment que le dresseur parlait de Blue, ce dinosaure était comme une fille pour lui, preuve que sa fibre paternelle datait bien d'avant son mariage.
Il hocha doucement la tête et lui offrit un sourire compatissant.

- Je ferais ce que je peux de mon coté, lui assura-t-il sur le même ton de la confidence.

Et ce ne serait sûrement pas grand chose. Avec les secteurs à reconquérir, le danger et cette nouvelle chance, les directives seraient certainement plus rudes. Il se demandait aussi si Miller le ferait surveiller. Même s'il doutait que John en arrive là, il n'exculait cependant pas cette hypothèse.
Owen profita de la proximité pour lancer une nouvelle confidence. Julian inclina lentement la tête sur le côté, intrigué puis eut un sourire triste.

- C'était légitime de leur part. J'ai bien merdé, deux personnes sont mortes dans cette explosion. C'est ma responsabilité.
Il ignorait comment Owen était au courant. Après la disparition de Laura, Julian avait démissionné, assumant dans sa lettre la responsabilité de tout ce qui s'était passé ce jour là. Masrani Global aurait été bien con de ne pas s'en servir. Il n'avait vu que la lettre adressée par son avocat et avait décidé de rencontrer la famille en personne, malgré les conseils dudit avocat.
Julian avait assumé et avait présenté ses excuses les plus sincères, arguant qu'il ferait ce que la famille en question jugerait nécessaire. De l'argent, de la prison, une interdiction quelconque, il était prêt à tout, puisqu'il n'avait plus rien à perdre.
Jamais il n'avait su s'il s'agissait de cette rencontre ou de son avocat très doué mais les poursuites avaient été abandonnées.
En revanche, il ignorait même si l'affaire avait été portée dans la presse ou à la télévision, s'en étant lui-même coupé. A en croire Owen, on en avait bien parlé quelque part.

Il détourna le regard, préférant mettre tout cela de côté. Songer à cet épisode lui rappelait les autres bien plus sombres durant lesquels il avait cherché à se saboter.
Sa main glissa vers la cicatrice qui dessinait désormais une large étoile sur le côté de son ventre.
La sollicitude soudaine de Owen le toucha et il refusa que son ami se sente coupable pour ses erreurs à lui.
Posant une main sur son épaule, ses lèvres s'étirèrent à nouveau avec sincérité.

- Tu n'as pas à le faire. C'était mon choix de disparaître. Je te l'ai dit : mes erreurs, ma responsabilité. Personne d'autre que moi n'avait à porter ça.

Il tapota l'épaule, comme s'il voulait s'assurer que ça irait.

- Quand je pense que j'ai raté le mariage du siècle, raconte, c'était comment ? Dresser des témoins et de demoiselles d'honneur, ça a du te changer...

Un sourire insolent illumina ses traits. Mieux valait changer de sujet, d'autant plus que Dell leur fit signe de les suivre.

Owen lui expliqua quadriller l'île sur la carte afin de définir où Blue pouvait bien se trouver. C'était malin, même si parfois, la pratique déviait grandement de la théorie. Dans le cas présent, il s'agissait de Owen Grady. S'il existait bien une personne dans ce bas monde capable d'anticiper et de comprendre les mouvements des vélociraptors, c'était lui.
Il savait qu'il l'accompagnerait à fouler le sol de l'île tout comme il savait que les vélociraptors auraient la priorité, de même que la femelle Tyranosaure. Sans leur capture, l'île demeurerait bien trop dangereuse pour faire quoique ce soit.
Mais si la T-rex pouvait être identifiée par la voie des airs grâce aux drones et à sa taille imposantes, les vélociraptors aimaient le couvert de la végétation.
Avancer sur ce genre de terrain était compliqué, car on avançait à l'aveugle. Les prédateurs au contraire raffolaient de ces points de vue qui les avantageaient grandement.
Owen ne serait vraiment pas de trop.

Après avoir abordé un sujet plus sensible, Owen allégea l'ensemble avec l'annonce d'un soutien à base de bière. Julian pouffa et délaissa entièrement le sujet pour quelque chose de bien plus léger. Le mariage des deux comportementalistes.
Sourire toujours sur les lèvres suite à sa petite remarque sur le dressage de personnes au lieu d'animaux, il suivit Dell qui poursuivait la visite.
Owen lui expliqua rapidement que le mariage s'était déroulé en petit comité et Julian jugea que ça lui ressemblait bien.
Ils auraient clairement pu parler de tout ça autour d'une bière plutôt que lors d'une visite du navire mais pour être tout à fait franc, cela faisait du bien à Julian qui avait appréhendé son arrivée.
Outre l'excitation, il avait craint d'être seul à cause de ce qui s'était passé, il craignait tout autant les regards réprobateurs et se sentait naturellement soulagé d'être accueilli par un vrai ami.
Il pourrait affronter la honte plus tard, savoir Owen à ses côtés aiderait.

A la remarque de ce dernier cependant, il s'en voulu de ne pas avoir été présent à ce mariage. Il ne pouvait cependant pas lui dire que dans le même temps, il se débattait avec sa propre vie. Alors comme à son habitude, il fit une pirouette avec une plaisanterie.

- Je suis rarement invité aux mariages tu sais, et pour cause, en dehors de l'alcool et des demoiselles d'honneur, y'a pas grand chose qui m'intéresse dans ce genre de festivité. Je suis quand même désolé d'avoir manqué le tien, avec les demoiselles d'honneur de Leanne ça ne risquait pas grand chose je suppose.

Nouveaux couloirs et nouvelles zones, Dell déambulait devant eux et Julian se rendit compte que malgré la discussion, il était attentif à son environnement, comme une vieille habitude reprenant sa place.

- Ah oui ? Demanda-t-il tandis qu'ils arrivaient à l'armurerie et aux stands de tirs. Comme quoi ?

Pour lui tout avait changé, alors se raccrocher à quelque chose d'identique avait quelque chose de rassurant.
Il s'avança vers le comptoir tandis que Dell s'occupait de récupérer les derniers papiers pour la réglementation et le port d'arme. Quand on lui demanda quel type d'arme il souhaitait privilégier, il répondit sans hésiter un Glock.
Finalement, Owen avait raison, certaines choses ne changeaient pas.