PRISE D'OTAGE [CLÔTURE]
"Ici centre de contrôle, nous avons perdu le sign..."L'agent n'eut pas le temps de terminer sa phrase car le ton de la fille Masrani l'avait fait taire sur le champ. Était-ce la panique qu'il pouvait aisément déceler ou les aveux qu'elle lui faisait au bout du fil ? Les deux à la fois, sans aucun doute. C'est pourquoi il ne perdit guère de temps et s’exécuta dans la seconde, déléguant à son collègue la partie médicale de la mission pour plus d'efficacité. Chaque seconde serait précieuse.
De là, il chercha à joindre les plus gradés qu'il pourrait trouver dans le service de la sécurité. Il n'était pas nécessaire de biper Powell car c'était son signalement qu'il avait reçu de l'hôtel. Il n'eut pas de réponse de la part de Blake, ni de Mora et ni de Hill et il en déduisit qu'ils n'étaient pas à leurs postes de travail respectifs ou en mission. N'y avait-il donc personne de disponible sur de lopin de terre à la con ?
Finalement, on lui répondit et enfin, il pu envoyer une brigade armée en direction du laboratoire comme demandé. Il n'y comprenait pas grand chose, mais il appliquait les ordres directs. Comment des hommes armés avaient-ils pu pénétrer sur l'île sans autorisation et surtout en toute discrétion ? En tout cas, s'ils avaient pu entrer de la sorte c'est qu'ils devaient avoir une issue de secours en tête.
"Centre de contrôle, affrétez une équipe permanente sur le port, la plage ainsi que sur la piste d’atterrissage 1 et 3, immédiatement." Pas de chance d'évasion, les gars. Oubliez.
Stan, le collègue, n'avait pas chômé pendant ce temps et avait dans la minute, dépêche toutes les unités de secours disponibles vers l'hôtel. Il n'avait pas mis les petits plats dans les grands et avait rameuté toute la cavalerie, ne sachant pas de combien de blessés il était question exactement. Un ? Deux ? Dix ? Puis soudain, il eut l'illumination et décolla le post-it qui était collé à son écran et qui mentionnait la réunion quasi-obligatoire de Claire Dearing. Oh le con, il l'avait zappé celle-là ! Il le montra à son voisin qui comprit immédiatement. Ni une ni deux, il enfonça le loquet du code rouge signalant une urgence de premier ordre.
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"Nous sommes déjà en route, Mademoiselle Anderson. Faites le nécessaire pour nous faciliter l'accès et les manœuvres à venir."Les sirènes hurlaient dans les rues sombres du village, venant rompre les derniers soupirs nocturnes encore intacts. D'un large coup de frein, la première ambulance dérapa sur les gravillons du porche de l'hôtel. Les portes étaient déjà grandes ouvertes et le premier binôme de blouses blanches accourra, civière en main et l'attirail d'urgence sous le bras. D'après les dires d'Anderson, certains ne pourraient être manipulés facilement. Elle avait raison.
D'un geste du bras, le Dr.Hisling désigna successivement la jeune Freya Mora et la fille Masrani et aussitôt, on bifurqua dans leurs directions. Le personnel issu de la seconde ambulance qui venait d'arriver prit en charge le vétérinaire Dockery et le dénommé Blake. Les blessures s'accumulaient mais ne se ressemblaient pas et il était difficile d'établir un diagnostic exempt de tout risque pour chacun d'entre eux. Ils auraient pu bénéficier de l'expertise de la doctoresse Anderson, ce qui aurait facilité les choses mais il semblerait qu'elle ait été elle-même inconsciente pendant ce tragique événement. Arrivaient-ils trop tard ?
Hisling criait des ordres à droite, à gauche et même parfois à lui-même tant il était débordé. S'étant rapproché de la chef de la sécurité, il eut un moment d’hésitation en voyant l'ampleur des dégâts et se reprit très vite, écartant la chemise qui avait piètrement fait son boulot de compression.
"Vous avez eu les gestes qu'il fallait, nous allons prendre le relais Monsieur Nicholls." fit-il en s'épongeant le front.
"Bishoff, du rhésus B- et du renfort !" s’époumona-t-il.
On s'affairait de toute part, et les premiers à partir furent Mora car elle avait été vite prise en charge, et Blake car il souffraient sans doute de lésions internes qui ne pourraient certainement pas être bien traitées sur cette moquette haut-de-gamme. Ils occupèrent le premier véhicule qui partir en direction de la piste d'hélicoptère qui de toute façon, était déjà sur le qui-vive et prête à recevoir de la visite.
"Allez on se bouge les ischions, on est pas chez Mémé !" entendit-on parmi l'équipe sur place, sous pression. Une seconde ambulance emporta Dockery et Adam Andrew dans un tintamarre de lumières bleues de de gyrophares.
"Gilles, Bishoff à l'appareil. Assurez-vous de rapporter la phalange proximale 2 le plus vite possible avant qu'elle se nécrose. Le délai maximum est de 6H avant de rendre cette opération impossi...hein ? Et quoi que vous comprenez rien de ce que je vous dit ??! Trouvez-moi cet index, bordel ! C'est clair maintenant ?"Le Dr.Bishoff se retourna alors vers Masrani et la conduisit délicatement vers le véhicule et lui intima de s'asseoir. L’hémorragie était encore virulente mais elle avait eu la bienséance de ne pas faire de garrot ce qui aurait accéléré la détérioration de sa main. Il lui désinfecta la plaie béante, remplaçant par un linge propre et en y ajoutant de la glace :
"Cela va ralentir le processus jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre. Ce n'est qu'une question de temps, ne vous inquiétez pas." Il eu à peine le temps de se pousser que la civière soutenant le corps inanimé de Powell et son cortège de perfusions vint rouler jusqu'à eux. Les portes se refermèrent et ce fut à leur tour de se diriger vers la piste qui les emporterait vers le continent.
On autorisa Anderson à monter avec la technicienne, Moore qui avait reçu une balle dans la jambe et qui braillait encore parfois comme un cochon destiné au méchoui.On l'avait retrouvé dans la pièce adjacente, allez savoir pourquoi. Aucune trace de Claire Dearing, qui avait sûrement dû être embarquée avec les ravisseurs pour la potentielle valeur marchande qu'elle offrait alors.
Une fois la dernière ambulance enfuie, Hisling, resté sur place se dirigea vers les derniers rescapés. Ils n'étaient pas les plus amochés mais restaient des victimes tout de même. Ils avaient reçu des coups, tous, et vécu des choses qu'il leur serait difficile de rejeter au loin. Il se frotta les mains sur sa blouse déjà pleine de sang et regarda la jeune Ayoun, Nicholls et la téméraire Hill.
"Je vous doit une fière chandelle. Sans vous, certains seraient encore étendus là, un drap noir sur la tête. Ce n'est qu'un maigre lot de consolation après ce que vous venez de vivre, mais vous avez déjà toute ma gratitude. " Il fit une pause pour leur laisser le temps d'ingérer ces faibles éloges, faibles mais sincères. S'ils n'avaient pas fait rassuré et pratiqué les premiers soins, lui-même n'aurait pas pu faire son boulot.
"Suivez-moi maintenant, il ne sert à rien de rester ici. Récupérez ce qui est à vous et vous repartirez prendre du repos dans vos appartements lorsque je vous aurait examiné et donné mon aval pour ça. J'ai vu assez de choses atypiques ici, pour savoir qu'un traumatisme n'est pas toujours visible au premier coup d’œil."La tension baissait peu à peu et il reprenait ses réflexes habituels. Une cellule de crise allait être mise en place dès demain, pour leur permettre de soulager leur conscience, c'est la moindre des choses à faire. Quel souvenir horrible...
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"Allez go, go, go !"Un coup de pied vint enfoncer la porte du laboratoire déjà brinquebalante. Ils n'étaient pas les premiers, c'était évident. D'un geste muet, Gilles Mc'Ogen effectua le code habituel : deux à gauche, deux à droite et deux au centre. Lui couvrirait les arrières. Powell aurait sûrement fait autrement que de fracasser la porte, mais pour une fois qu'il pouvait effectuer une opération sans être sous son giron. Quoiqu'il fasse de toute façon, ça n'allait jamais : trop bruyant M'Ogen. Trop direct, M'Ogen. Trop hâtif, Mc'Ogen. Trop ceci, trop cela....putain il la voyait encore avec son grand air pincé et ses mimiques dignes de la duchesse de Cambridge. Mais aujourd'hui, on allait faire à sa façon et : ça allait roxer du poney !
Alors qu'il se délectait déjà, des coups de feu retentirent dans l'annexe du labo' destiné aux archives génétiques et d'autres trucs auxquels il ne comprendrait jamais rien. Tous convergèrent vers ladite salle et ils observèrent le cadavre étendu là, abattu par River d'une balle dans la tête. A son côté, le précieux Graal qu'on réclamait tant. C'était déjà ça de pris.
"Bien joué River, maintenant met-moi ça au frais qu'on puisse réclamer un treizième mois à Masrani en échange." Des bruits de course leur fit détourner la tête.
"Merde! Ils nous ont entendu arriver et ils ont contourné le bâtiment ces enfoirés. Laissez-les pas s'barrer !" tonna Mc'Ogen. La mêlée se jeta de nouveau dehors pour poursuivre les derniers truands qui s'étaient déjà quasiment évaporés dans la forêt. La nuit et les obstacles naturels aidants, ils perdirent bientôt leurs traces et durent renoncer. De retour au laboratoire, ils le fouillèrent tout de même et découvrirent le système forcé et le corps de Claire Dearing, solidement ligoté et inconsciente dans la salle de réfrigération. Au moins elle était en vie et presque intacte. Parce que mine de rien, on était pas au service des rapatriement d'organes ici. River fut missionné à la courte paille pour rapporter le reliquaire promptement tandis que les autres prirent le chemin du centre de contrôle pour annoncer leur échec et relayer les dernières informations.
Les intrus étaient toujours sur l'île, mais était-ce un bon point ? De plus, ils avaient sans doute réussi à obtenir les données. Si nous devions tirer quelques points positifs ce serait qu'heureusement, les pertes humaines auraient pu se montrer irréversibles et ce n'était pas le cas. Tout le monde était plus ou moins en vie et les dégâts n'étaient que matériels, psychologiques et à terme, financiers...
FIN DE L'EVENT