La digne fille de son père, elle l’était véritablement. Si de son géniteur, elle avait hérité une fortune, son tempérament de tête brûlée lui venait également de là. Tous avaient en mémoire la manière dont Simon Masrani avait piloté cet hélicoptère… Sans avoir les certifications légales pour le faire. Avait-elle le droit de porter une arme ou de tirer avec ? Non, clairement pas. Mais sur Isla Nublar, les lois les plus universelles devenaient caduques et étaient remplacées par les seules qui valaient vraiment : celles qui permettaient de survivre.

Le regard presque maternel de Claire l’infantilisa grandement, le poussant à regarder ses chaussures pour s’assurer que ses lacets étaient bien faits. Puis, la rousse passa sa route, laissant à l’Indienne d’origine le droit de respirer à nouveau. Observant sa feuille de route, elle fixa le pistolet à sa taille. L’une des plus grandes erreurs de son patriarche avait été de refuser les tirs à balles réelles, dans un premier temps, sous prétexte que l’Indominus, si précieuse, valait son pesant d’or. Valait-elle toutes les vies qu’elle avait arrachées ? Ne commettaient-ils pas la même erreur aujourd’hui en s’armant de cette piètre manière ? Laura avait toujours souhaité que le risque soit le plus proche de zéro possible pour son personnel. Aujourd’hui, il semblait que ce principe ait été mis de côté. Lena la sortit de ses rêveries, venant la saluer avec cet air enjoué que la brune appréciait. Son sourire se plaqua de nouveau sur ses lèvres tandis qu’elle se retint de l’étreindre. La jeune rousse était plus qu’une simple employée, mais une véritable amie… Pourtant, devant le reste des employés, elle ne pouvait pas se permettre trop d’émotivité, même si la plupart ignoraient simplement à qui ils avaient affaire. « Je vais bien, merci… J’imagine que ma présence ici ne réjouit pas tout le monde mais… Je ne vais pas vous laisser faire le sale boulot en me prélassant dans un lit, non ? » Elle lui adressa un clin d’œil.

Claire annonça la manière dont l’opération allait se dérouler et, bien qu’un peu déçue d’être attitrée à la place la moins glorieuse, elle fut soulagée de savoir qu’elle ne partirait pas à pied dans ce milieux hostile. Voyant que Lena souhaitait la suivre, elle lui fit signe de la tête, montant à bord du camion. Le chauffeur prit également place à leur côté tandis que le reste de l’équipe montait dans d’autres voitures. Le convoi démarra dans un silence tant respectueux que marqué par la nervosité du groupe. Dépliant la carte, Laura la montra à Lena. « Alors… La dernière fois qu’il a été vu, c’était dans ce secteur. On a remarqué qu’il y passait une grande partie de son temps. Evidemment, c’est l’une des parties les plus boisées du parc. L’idée c’est qu’on aille dans cette direction et qu’on essaie de se poser par ici… Ensuite il ne nous faudra plus que… » Un bruit sourd. Le camion semblait être passé sur un dos d’âne. D’un coup d’œil dans le rétroviseur, elle vérifia. Rien. Le sol avait beau être terreux, boueux et clairement non régulier, rien ne laissait présager une telle secousse. Le chauffeur aussi, le sentit. Un autre. Laura chercha du regard sa voisine tandis que le chauffeur ralentissait l’allure, imité par les autres voitures. Les moteurs se coupèrent, puis le silence.

Les yeux écarquillés, Laura observait les alentours. Boum Son cœur eut un raté tandis que, dans le talkie, un grésillement fut émis avant qu’une voix ne parle. Il nous a trouvé. Sa main vint trouver instinctivement celle de Lena tandis que son regard cherchait à droite à gauche. Boum La panique l’envahissait doucement, menaçant de la faire céder à cette angoisse. Etait-ce cela que l’on ressentait avant de mourir ? Sortir ? Rester ? Ses pensées s’enchaînèrent tandis qu’elle essayait de remettre ses pensées en ordre, de ne pas céder à cet instinct primitif qui lui intimait de fuir, de prendre ses jambes à son cou. D’un geste vif, elle se saisit du talkie-walkie. « Est-ce que quelqu’un à un visuel de l’objectif ? Terminé. » Utilisant la manivelle, elle baissa la fenêtre, tournant légèrement la tête afin d’essayer d’agrandir son champ visuel, passant légèrement la tête dans l’ouverture pour voir l’arrière. Boum.

Boum. Un frisson parcourut la jeune Indienne d’origine tandis qu’un nouveau tremblement secoua les jeep, faisant grincer les amortisseurs. La tête sortie à l’extérieur, elle observa les alentours à la recherche d’indices lui permettant de savoir où se trouvait le monstre. Boum. Une force la tira alors dans la jeep sans qu’elle ne puisse y résister, manquant de peu de provoquer la collision entre son crâne et le montant de la portière. Seule sa casquette vola, achevant sa course sur le sol, à l’extérieur du véhicule. « Aïe ! » Plus alerte que signalant une véritable douleur, elle n’avait pu retenir ce petit cri tandis que Lena lui passait un savon, lui faisant remarquer qu’elle était folle d’agir de la sorte alors qu’un monstre carnivore aurait pu lui arracher la tête. Folle non. Inconsciente, totalement. La jeune Masrani n’avait pas mesure de ses actes, surtout dans une situation aussi extrême que celle-ci. Alors oui, quand Lena lui avait fait cette remarque, elle resta comme une idiote, rougissant doucement.

Lena s’empara du Talkie-Walkie, adressant un message à Claire. Du renfort, il allait leur en falloir, oui, car la bête promettait d’être en pleine forme au vu de la régularité de ses pas. Boum. Alors que Claire répondait, quelque chose attira l’œil de Laura dans le rétroviseur. Un mouvement qui aurait presque put paraître anodin si elle n’avait pas été si attentive à ce qu’il pouvait se passer autour d’eux. Son regard se figea et elle sentit cette peur froide descendre le long de son dos. Boum. Pétrifiée, les yeux écarquillés, elle observait cette apparition avec ce regard d’enfant qu’elle eut par le passé, le jour où elle avait vu, pour la première fois, cette créature immense sortie tout droit d’un livre d’histoire. Fascinée, elle observa cette tête penchée sur l’une des jeeps qui ne tarda pas à s’élever dans les airs. Boum. Un nouveau pas qui fit trembler, plus encore, le sol, manquant de faire crier Laura qui était tenue muette par la trouille qui lui dévorait les entrailles. Elle eut envie d’interpeller sa collègue, la jeune femme qui se trouvait à ses côtés, lui dire de ne plus rien dire, ne plus rien faire. Le talkie émit un grésillement et la voix de Claire se fit de nouveau entendre, demandant comment les choses allaient. Ce fut alors que la jeune femme retrouva le contrôle de son corps et de ses esprits. Sa main se posa sur celle de Lena, lui imposant de retenir son geste. Puis, tournant son air effrayé vers elle, elle tendit doucement le doigt vers le rétroviseur. Le chauffeur, lui aussi, avait vu la bête faire son entrée et tous demeurèrent immobile. Laura se pencha doucement vers Lena et lui murmura doucement. « Il faut éteindre le talkie, il va nous entendre. » La bête s’était arrêté, un son guttural s’élevant doucement, comme annonçant un cri rageur. Il devait avoir compris que ces voitures n’avaient rien à faire là, qu’elles ne faisaient pas partie du paysage. « Qu’est-ce qu’on fait ? Si on sort tous ensemble, il va nous attaquer… Il faudrait une diversion, de quoi attirer son attention pendant que les autres le canardent… »