Sur le papier, ce plan avait tout pour être un franc succès. Leanne ne se mouillait pas, employant des méthodes qui avaient déjà su faire leurs preuves par le passé, avec cette espèce ou une autre. Seulement, voilà, si la réalisation était d’une simplicité enfantine dans ses pensées, elle en baissa sa vigilance. Entamant la cacophonie réclamée dans le but de rameuter les Microcératus là où ils le devaient, elle ne vit pas arriver celui qui, avec précipitation, se glissa entre ses chevilles, la blonde trébuchant dans le corps du reptile en poussant un léger cri de surprise, avant de sentir son corps partir dramatiquement vers le sol, sans la moindre chance de se rattraper autre qu’en s’aidant de ses coudes et poignets.

La lourdeur de sa chute fut remarquable par le bruit sourd qu’elle engendra, envoyant les lézards géants dans la bonne direction malgré tout. Un mec de la sécurité commença à revenir vers elle, visiblement inquiet. « Non ! Tenez-vous en au plan ! » Avec ou sans elle, maintenant que tout était dit, ils pouvaient y arriver et ne se firent pas prier. Grimaçant et lâchant un soupir agacé, elle se redressa péniblement, s’époussetant le visage. Elle avait réussi à dévier ce qui aurait pu être un plat ventre magnifique sur le flanc gauche. Seulement, si son inquiétude aurait pu porter sur son coude certainement amoché sous le vêtement qu’elle portait, sa première pensée alla, sans qu’elle ne puisse le contrôler, vers cette vie qui se cachait encore trop bien dans le creux de son ventre. Sa main libre se posa machinalement sur cette boîte de Pandore, comme pour mieux s’interroger sur sa bonne santé, comme pour mieux tenter d’entrer en contact avec cet amas de cellules encore trop petit pour être considéré comme viable. Ne venait-elle pas de tout gâcher, d’ailleurs ? Déglutissant avec peine, elle songea à Owen. A ce qu’elle devrait lui dire si… Non, il n’y aurait plus rien à dire et elle vivrait tout le reste de son existence avec ce poids sur les épaules.

Finalement, plus loin, le bruit demandé finit par se muer en un grincement assez significatif qui arracha tout de même un sourire satisfait à l’animalière. Un de perdu, dix de retrouvés. Triste constat qu’elle faisait d’elle-même sur son propre sort potentiel. Laissant ses angoisses personnelles au fond de sa gorge, elle reposa un masque de façade sur ses traits et se redirigea en boitillant vers le groupe de véritable héros. S’avançant vers la cage, elle se pencha vers les demoiselles présentes. « Dites-donc… Laquelle d’entre vous a cru bon de tenter de me faire faire des cabrioles, hein ? » Elle observa les animaux d’un air curieux et soudainement maternel. Oui, ils étaient là, les seuls vrais enfants de ce couple qu’elle formait avec Owen. Il n’avaient besoin de rien d’autre et si quelque chose arrivait alors, c’est que la vie le voulait ainsi.

Reniflant légèrement, elle observa l’agent Lewis vérifier une nouvelle fois les alentours, se tournant vers la brunette qui avait sur faire preuve de sang froid pour fermer la cage au bon moment. « Bien joué. Certains ont perdu des doigts avec ces cages, tu t’en aies plutôt bien tiré, de ce que je vois… » Elle n’avait pas perdu une seule extrémité, c’était merveilleux, non ?

Elle avait besoin de souffler. Elle n’était pas tombée de haut, après tout, simplement de sa hauteur, l’impact du Microcératus dans ses tibias la projetant à terre avec plus de violence qu’elle n’aurait pu le penser. Et si elle savait qu’elle allait se retrouver couverte de bleus sur 70% de son corps, elle appréhendait finalement bien autre chose. Pourquoi cette grossesse prenait-elle soudainement tant de place dans son esprit ? Reconcentre toi, Leanne. C’est pas fini. L’agent Miller souriait, observant la cage avec curiosité. Interrogeant les présents sur l’espèce qui se trouvait devant elle, la blonde comprit aisément que ça s’adressait à elle. Soupirant doucement, cherchant à apaiser ses muscles crispés, elle haussa les sourcils. « On vous envoie sur une île bourrée de bestioles capables de vous transformer en steak pour un bon repas du dimanche sans vous avoir averti sur ce que vous allez y voir ? J’vais avoir deux mots à dire à Masrani, en rentrant… » Bordel, mais elle n’avait rien appris celle-là… Et si Owen pensait qu’il allait pouvoir l’empêcher de lui rentrer dans le lard, il se fourrait le doigt dans l’œil. « Des Microcératus. Ceux là te croqueront le doigt pour jouer plus que pour te manger. C’est un miracle qu’on les ait croisé, il y a quatre ans, on avait à peine remis la main sur l’une d’entre elles… » Une ? Vraiment ? Les dinosaures avaient prouvé par le passé leur capacité à user de leur nouveau génome pour s’adapter alors, qu’est-ce qui garantissait qu’ils puissent être les spécimens conçus dans les laboratoires de Masrani ?

Miller sembla se réjouir d’avoir ses dix doigts et Leanne sourit en coin. Aussi étrange cela pouvait-il paraître, elle ne désappréciait pas entièrement cette collaboration entre animaliers et membres de la sécurité. A croire qu’on les avait vraiment pourvus d’une cervelle… Observant le reste de l’équipe qui acta le travail ici terminé, elle comprit que la direction à prendre maintenant serait l’entrepôt. Était-ce bien raisonnable ? Retenant une grimace, elle sourit face à l’autre jeune femme qui l’invita à venir avec elle. « Partez devant. Je reste en liaison radio et je vais aider à m’occuper de ces petites bêtes. Je vais voir avec Owen comment on procède pour elles. » En cas de besoin, elle pourrait répondre à leurs interrogations mais son travail l’attendait ailleurs. On ne lui avait pas mentionné des Gallimimus ?

Visiblement, il ne fallait pas grand-chose pour vexer la brune qui adopta une moue pincée. Bordel, et elle qui avait pensé un instant que les membres de la sécurité avaient évolué… Au moins, Leanne put comprendre qu’ils avaient bien des devoirs à faire avant de se pointer sur le terrain et que l’agent qui se trouvait là n’avait révisé que la moitié de ses copies. Bon, au moins, il s’agissait des plus importantes alors, l’un dans l’autre… ça lui permet de choper la moyenne, non ?

Au moindre souci, je rapplique… La blonde se garda de souligner que c’était ce pourquoi elle était payée et se contenta de hocher la tête, un léger sourire planant sur les lèvres. Inutile de s’étaler et si les répliques cinglantes étaient bien la marque de fabrique de la jeune femme, elle sut ravaler sa langue, pour une fois. C’était les hormones, qui faisaient ça ?

Alpaguant deux hommes restés dans le hangar avec elle, elle leur demanda de porter la cage – en prenant garde à leurs doigts – pour mieux ramener les petits spécimens jusqu’au poste de contrôle où de nombreux membres de l’équipe se trouvaient. Neal était en train de parler des Gallimimus aperçus plus tôt et quand Leanne entra, il lui fit signe de s’approcher. « … Doit y avoir une brèche quelque part dans l’enceinte qui justifierait qu’ils aient pu passer. Elle n’est peut être pas bien large mais il va falloir la colmater avant qu’on puisse se dire que la zone est bien sécurisée. » La blonde hocha la tête. « Les Gallimimus ne sont pas des herbivores dangereux ou agressifs, leur priorité sera la fuite. On peut tenter de les repousser vers l’extérieur ou bien les conserver dans la zone pour tenter de les maîtriser plus tard. Le seul risque de la seconde option, c’est qu’ils ne se blessent avec tout notre bordel ou qu’un individu zélé ne tire sur l’un d’eux, d'autant plus qu'ils sont faits pour les plaines, pas pour les côtes. » Ouvriers comme agents de sécurité l’écoutaient. Le chef de la mission semblait boire les paroles des deux animaliers, hochant la tête pour montrer qu’il avait compris. La liaison radio fut alors rétablie et Lewis demanda du renfort. On affecta trois hommes supplémentaires et le responsable de la situation interrogea l’homme sur le bon déroulement des opérations.

Tournant son regard vers Neal, Leanne désigna la cage dans laquelle s’agitaient les microcératus. « Les emmener à bord serait une connerie. Ces petites bêtes ont besoin de verdure et de la terre ferme. Il va falloir qu’on voit avec Owen pour dépêcher des gens dans le coin et qu’on mette les constructeurs sur le coup pour nous permettre de les sortir de cette boîte… » L’autre animalier était d’accord et entama le scan des différents animaux pour mieux tenter de trouver une puce, priant pour qu’elles soient encore fonctionnelles. Leanne, elle, se porta volontaire pour mieux épauler les derniers agents et les ouvriers le long de l’enceinte. Ils partiraient du flanc ouest pour rejoindre l’est.

Que faire des Gallimimus ? Leanne avait le sentiment que cette décision pesait sur ses épaules. L’écouterait-on suffisamment pour tenter de faire au mieux pour le bien être des animaux, quitte à être un instant à cheval sur la sécurité des Homo Sapiens en place ? La question se posait et, observant attentivement les décisionnaires de la mission, elle soupira un instant. Les doléances du banc des animaliers risquaient de froisser ceux qui ne juraient que par la volonté de préservation de sa propre espèce, quitte à mettre les autres en péril. A l’Ouest, rien de nouveau, me diriez-vous… Si seulement Owen était là… Une grande gueule comme elle, certes, mais avec des attributs qui forçaient davantage le respect de ses pairs. Le Responsable des Animaliers ne portait pas ce titre pour rien, après tout, sinon, elle aurait joyeusement épinglé cette fonction à ce propre CV si ça n’avait pas tant soulevé des problèmes conjugaux.

« Leanne ? Je crois qu’on a potentiellement de nouveaux spécimens… A moins qu’il n’aient perdu leur puce en route… » La blonde croisa le regard de l’autre animalier. Cette hypothèse avait été évoquée déjà par le passé et il n’y avait aucune surprise à la voir remise en perspective. Mais putain, ça promettait un sacré bordel. « Il faudra prévenir Masrani que les effectifs recensés il y a quatre sont potentiellement tous erronés… Entre ceux qui sont morts et… De nouveaux animaux… Bordel, ce travail s’annonce sans fin ! » Hochant la tête en se pinçant un instant l’arête du nez, elle soupira. « Reste là, défends nos bestioles comme la prunelle de tes yeux. Je vais aller les aider avec la brèche. Pour les Galli… » « On peut pas les laisser au milieu de notre bordel… » Au moins, ils étaient d’accords. Elle lui adressa un sourire avant de prendre la suite des hommes et femmes dépêchés pour gérer la brèche. Se hissant au pas de course à hauteur de leur responsable du moment, elle planta son regard sur lui. « Il faudra faire sortir les Gallimimus. Les garder dans le secteur est trop risqué, pour eux comme pour nous. Même sans agressivité, leur panique peut causer des soucis. »

JET DE COMPETENCE « CONNAISSANCE » - REUSSITE (8/13)

L’homme haussa un sourcil avant de soupirer. Oui, ça allait compliquer la tâche de tout le monde et il ne manqua pas de le souligner mais il consentait à lui accorder raison. C’était elle la pro, non ? Le sourire de Leanne s’étira en un coin, cette petite victoire lui permettant d’oublier momentanément les douleurs que son corps lui adressait pour avertissement. « On trouve la brèche, et on exfiltre nos bestioles avant de colmater… Deal ? » L’autre acquiesça, relayant les informations à l’équipe tandis que l’oreillette grésillait à nouveau dans son oreille, Lewis offrant un rapport succinct de la situation observée dans le hangar. Ouvrant la communication, ce fut-elle qui répondit, ses compères étant occupés à échanger quelques mots dans le moment présent. « Ici Grady. Une énorme cage, tu dis ? Me dis pas que ça devrait me ravir parce que je pourrais enfin te mettre dedans et t’analyser des heures durant, ce serait gênant sur le canal, Lewis. Mais je prends l’info. Ici on se met en route vers l’ouest de l’enceinte de la zone. On va la longer pour trouver la brèche qui a permis à tous nos petits copains d’élire domicile par ici. On a les constructeurs avec nous. Terminé. » Il faudrait aussi retrouver les fameux Gallimimus pour mettre en place un stratagème permettant de créer un entonnoir momentané afin de les renvoyer vers la jungle. A moins qu’ils n’y soient retourné d’eux-mêmes ?