Cela faisait à peine une semaine que Julian était arrivé sur l'ancien bâtiment de guerre. Durant tout ce temps, il avait réussi à éviter Laura. Oh lui l'avait vue de loin mais il avait fait son possible pour que l'inverse ne soit pas vrai.
Et il pensait bien avoir réussi puisqu'à ce jour, l'indienne n'avait pas fait irruption devant lui pour lui demander des explications.
Ce n'avait pas été facile de trouver des excuses pour quitter la pièce dès qu'elle y pointait le bout de son nez, encore moins d'être tout le temps sur le qui-vive, à l'affut de sa simple présence pour mieux l'esquiver.
Honnêtement, il ignorait de quoi il avait l'air avec cette attitude et préférait ne pas le savoir.

Contre toute attente, sa réhabilitation se passait plutôt bien. Il avait pris ses marques et avait retrouvé une partie de son équipe. Forbes et Booker étaient de la partie, Shaw était son responsable comme il aurait pu s'en douter.
Il n'avait pas réussi à joindre Marika et avait renoncé, pour le moment.
A la place, il prenait un malin plaisir à venir retrouver son meilleur pote, le sac de frappe chaque jour.
Aujourd'hui ne faisait pas exception, il était là dès 6h du matin. Il venait de faire trente minutes de course sur le tapis, le regard rivé sur l'horizon en espérant apercevoir l'île mais encore une fois, c'était râté. Il pleuvait averse et le ciel gris se reflétait dans la mer sombre.

Après sa course, il avait bifurqué sur un entrainement de cross fit. A ses yeux, c'était le meilleur moyen de récouvrer une forme physique dans un temps imparti.
Après son échauffement, il avait donc enchainé son training du jour pour voir comment son corps se comportait.
Il n'y avait pas été trop fort pour ce retour dans la salle d'autant plus qu'il souhaitait se garder un petit temps de frappe. La relaxation attendrait.

Aussi, il était déjà en sueur, son t-shirt gris entièrement trempé dans le dos. Son short collait légèrement son corps, dévoilant une silouette qui ne demandait qu'à s'épaissir encore. Quelques mèches de cheveux s'étaient accrochées à son visage et comme à son habitude, il ne s'en souciait guère, pas plus que de sa barbe mal rasée de trois jours.

Ses écouteurs en place, musique battante à fond, il était entrain de bander sa main droite, celle qui restait à protéger, en prévision de la frappe à venir.
Sans y prêter attention et se croyant seul à cette heure très matinale, il se mit à siffler en rythme. Donnant un premier crochet dans le vide, il s'avança vers son vieil ami dont il caressa le cuir, un sourire flottant sur les lèvres.
Et sans hésiter, il donna le premier coup.
Après les bagarres qu'il avait provoqué volontairement ces dernières années, être le premier à frapper lui sembla presque naturel. Etait-ce parce qu'il savait que ce sac ne lui rendrait pas la pareille ?


Rapidement, les sensations affluèrent, comme si son corps se souvenait de tout. Son rythme cardiaque se calqua sur sa respiration et le reste suivit sans difficulté. Et dans ce semblant d'euphorie, pour la première fois depuis son arrivée, il fut capable de virer toutes ses pensées qui l'entravaient.

Grommelant, elle sentit son corps tout entier se rappeler à elle dans un engourdissement qui n’annonçait rien de bon. Ouvrant les yeux, il ne lui fallut que quelques minutes pour réaliser qu’elle n’avait pas passé la nuit dans sa chambre, une sorte de routine qui n’était pas réellement plaisante. Se redressant sur sa chaise de bureau, elle s’étira, tant bien que mal, essayant de sortir de la torpeur tout en se reconnectant avec ce qu’elle pouvait bien faire auparavant. Enfin, auparavant… Un regard lancé vers le coin inférieur droit de l’écran d’ordinateur lui communiqua une information horaire. 6h30. Haussant les sourcils, comme peu surprise de cette donnée, elle essaya de retracer le cours de sa nuit et de se souvenir de ce qu’elle pouvait bien faire avant d’avoir sombré lamentablement sur les coups de 2h. Malgré un retour à la normal et une réacclimatation en cours depuis plus de quatre mois, Laura peinait à dormir convenablement, sans médication. Sa cabine l’effrayait, petite, close. Une boite dans laquelle elle se sentait prise au piège et, si elle l’avait évoqué, elle avait fini par donner raison à Miller quant à la possibilité de dormir la porte ouverte. Elle ne dormait dans son lit que lorsqu’elle peinait à trouver le sommeil et qu’elle enfournait dans sa bouche de quoi l’aider à sombrer.

Tirant sur son jean, elle se releva, frottant ses yeux, essayant de réveiller son corps avec douceur. Elle avait besoin de bouger. Faute de sauter du lit, elle verrouilla sa session avant de se diriger vers sa cabine. Le bateau était calme à cette heure. Le personnel n’était pas entièrement arrivé à bord. Les arrivées se profilaient encore sur une bonne dizaine de jours avant de ralentir en cadence. Après quoi… Les choses sérieuses pourraient commencer. Laura entra dans son antre personnel, se déshabillant à la va-vite pour mieux enfiler brassière et legging, afin de procéder à sa rééducation revue dans une sauce plus personnelle. Elle avait repris du poids. Elle n’avait jamais été grosse, sa carrière de mannequin la forçant trop souvent à des extrêmes déplaisants pour conserver une silhouette qui ne nécessiterait que très peu de retouche dans les magazines. Puis, avec ses entrainements, elle avait obtenu un profil plus athlétique, plus musclé bien que demeurant un petit gabarit à la force de mouche. Et ces quatre années étaient tombées, faisant d’elle un légume rachitique qu’il avait fallu remplumer par tous les moyens. Elle se reconstruisait, dans sa tête et dans son corps. Le sport était devenu une nécessité pour sa survie et elle s’était relancée dans ce sens.

Prenant soin d’attacher ses cheveux correctement, elle prit la direction de la salle d’entraînement, sa serviette sur son épaule et sa gourde glissée sous son bras. Elle avait ses habitudes et ne prêta pas réellement attention à qui d’autre pouvait se trouver là. De toutes façons, la chanson était toujours la même : Elle était Laura Masrani, celle qui avait ressuscité. On venait la plaindre, on venait la soutenir. Mais on oubliait parfois qu’elle était aussi humaine que les autres. Bercée dans une solitude familière, elle démarra son entraînement sur le tapis de course. Elle marcha, tout d’abord, comme pour mieux encourager son corps, pour redévelopper sa mobilité encore raide dans certaines situations. Puis, elle adopta un pas de course léger. L’endurance n’était plus ce qu’elle était. Ah, comme elle regrettait ces quatre dernières années et pour plus d’une raison. Au moins, elle ne pensait plus à Julian.

La suite de son entraînement consistait à se remuscler. Miller avait élaboré pour elle des circuits qu’elle suivait dans la salle. Au moins, ici, il ne la forçait plus à ramper sous une planche bien trop basse. Elle enchaînait sur les différents pôles quand elle remarqua la présence de quelqu’un sur un sac de frappe. Visiblement, le pauvre sac subissait un sort qu’il ne méritait probablement pas. Cela lui rappelait… Non, Laura. Pas plus qu’hier, on y pense pas. Secouant la tête, elle s’en retourna à son exercice du moment : les tractions. Caressant ses mains de magnésie, elle s’empara de la barre, tirant sur ses bras autant qu’elle le pouvait pour mieux se hisser. La force lui manquait et pourtant, elle progressait. Allez savoir pourquoi, ce fut à ce moment là qu’elle put voir celui qui s’acharnait sur le sac de frappe. Et la surprise l’en fit perdre prise. Son dos vint rencontrer le tapis avec lourdeur, la grimace se dessinant bien vite sur ses traits. Gémissant, elle ne se releva vivement que parce qu’elle voulait vérifier que sa santé mentale était bien définitivement foutue à lui balancer des fantômes de la sorte. Mais non. Il n’avait pas disparu. Il avait beau être marqué par l’effort, elle le reconnut immédiatement. Julian Blake était à bord.

Elle cilla. Encore. Rien ne l’enlevait de son champ de vision. C’est une blague. C’est forcément une blague. Miller ne lui avait rien dit. Il l’en aurait informée. Forcément. Et Julian… Merde mais il ne pouvait pas l’appeler pour la prévenir ? Salut Laura, tu te souviens quand je t’ai dit de te démerder ? Bah je voulais voir ça par moi-même. Mais quel enfoiré… Sans réfléchir plus que cela, elle s’avança vers lui, son pas s’accélérant à mesure qu’elle s’approchait. « Julian ? » Levant la main pour mieux l’interpeler, pour mieux vérifier la réalité de sa présence, elle ne prit pas garde aux mouvements propres à l’acharnement de l’homme sur le sac.

LANCER DE DES COMPETENCES - CONSTITUTION : ECHEC

S'empalant sur son coude en mouvement, elle reçut un coup dans l'abdomen, jurant instantanément et cherchant à reprendre son souffle. "Putain de merde ! Julian !" Pliée en deux, une main en appui sur sa cuisse, elle vint placer son autre bras sur son ventre doucement endolori. Plus de doute : Il était bien là.

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'Dé : Compétences' : 12

Crocher du gauche, crochet du droit, protection des côtes. Expire, inspire, rester concentré.
Le regard rivé sur le cuir rouge du sac de frappe, Julian poursuivait son entraînement, concentré sur son souffle, concentré sur chacun de ses mouvements. De ses phalanges qui heurtaient le cuir, à ses pieds tantôt ancrés dans le sol, tantôt en l'air dans un sautillement équilibré, son environnement disparaissait.
Les écouteurs en place, les muscles contractés, il revivait.
La musique était forte et entêtante, tout pour l'empêcher de penser et pour s'enfoncer dans cet étrange état de flow où le temps semblait s'arrêter.

Il ne remarqua pas Laura qui s'entraînait plus loin, ni ne sentit sa présence lorsqu'elle se rapprocha.
It's what you do, it's what you see, I know if I'm haunted you you must be haunted me.
Et à mesure que la musique résonnait dans sa tête, il se sentit perdre pied l'espace d'un court instant. Hanté, c'est bien ce qu'il était. Hanté par ses souvenirs, hanté par sa culpabilité, hanté par elle.
Il ne pourrait pas se cacher pendant des mois, le navire était grand mais pas suffisamment pour qu'il puisse l'éviter. Aussi, il avait hâte de commencer les missions, hâte de pouvoir s'évader dans un endroit où elle ne serait pas.
Mue par ces idées, il accélera le rythme avec l'objectif d'une petite montée en puissance avant la fin.
Soudain, son coude heurta quelque chose lorsqu'il l'arma en arrière pour frapper. Pas quelque chose, ce ne pouvait-être que quelqu'un à cette hauteur et dans cette salle. Sûrement quelqu'un qui venait de passer à côté sans se méfier du recul de ces mouvements. Putain, comment les gens pouvaient être aussi amateurs !
Il se retourna vivement en retirant ses écouteurs, prêt à coller un savon à l'ignorant qui aurait eu mieux un hématome.
Au moment où il découvrait Laura pliée en deux, face à lui, son prénom encore suspendu à ses lèvres il demeura complètement immobile.
Il n'avait pas entendu le début de sa phrase, il eut le sentiment de prendre un train en marche.
Laura était là, face à lui. Sa crainte venait de se réaliser et pourtant, la seule chose qu'il parvint à faire fut de l'engueuler après un temps que lui-même jugea trop long.

- Laura ! Ça va ? Qu'est-ce qui t'a pris d'arriver comme ça sans prévenir ? J'aurais pu te blesser sérieusement !


L'inquiétude le matraquait en la voyant peiner à reprendre son souffle. La culpabilité lui fit l'effet d'une gifle. C'était donc à ça qu'allaient ressembler leurs retrouvailles ? Pitoyable. Il n'était qu'une grosse brute. Aussi, sans aucune hésitation il porta une main à son bras pour l'aider à se redresser.

- Ça va ? répéta-t-il encore. Respire.
Et dans son ton cette fois-ci, vibrait l'espoir qu'elle lui pardonnerait.

Julian est là. Il vient de te retourner un coup de coude magistral, il ne peut qu’être là. Et c’était douloureux. Pas le coup en lui-même, bien qu’elle dût reconnaître ne pas s’être attendue à un tel choc. Non, ce qui faisait mal, dans tout ça, c’était de constater que le jeune homme était finalement dans le même environnement qu’elle et que personne n’avait cherché à la prévenir. Alors, certes, rares étaient ceux qui étaient au courant de tout ceci. Miller, à dire vrai, aurait été le seul apte à la prévenir. Et dans l’esprit doucement choqué de Laura, la colère grondait déjà, le concernant. Pour sûr, elle ne tarderait pas à lui montrer comme elle n’appréciait pas les cachoteries.

Ça va ? Elle était rhétorique, cette question ? Non parce que personne n’irait bien après un tel coup inattendu. Qu’est-ce qui t’a pris d’arriver comme ça sans prévenir ? Elle releva vers lui un regard noir. Merde mais ça allait être sa faute, en plus ? Grimaçant alors qu’elle regonflait ses poumons, elle ne maintint pas longtemps ce regard, préférant se concentrer en observant le sol. Elle toussa un coup, comme si cela pouvait l’aider, comme pour vérifier que ce réflexe-ci était toujours fonctionnel, bien que douloureux. Gémissant un instant, elle finit par sentir sa présence tout près d’elle. Et sa main sur son bras.

La sensation réveilla mille sentiments en elle. L’envie de se laisser aller contre lui primait sur celle de lui retourner une gifle. Tout était contradictoire. Et rien n’avait le moindre sens. Elle avait cessé de respirer, relevant son regard sur ce geste anodin qui ne l’était en rien. Le contact physique était une chose toujours étrange pour elle, à donner comme à recevoir. Laura peinait à reconstruire les barrières adéquates quand il s’agissait de donner et de recevoir. Un coup, la toucher provoquait un sursaut, une envie de fuir voir même de se rebeller contre cela. L’instant d’après, elle pouvait étreindre quelqu’un pour le saluer alors même que les codes sociaux lui imposaient des distances plus respectables. Dans son entourage proche, on s’était fait à ces revirements de situation parfois explosifs. Pour les autres… C’était toujours surprenant.

Elle restait là, figée, immobile, à regarder cette main venant soutenir son bras alors qu’il l’aidait à se redresser. Le regard de Laura, naturellement, finit par se porter sur le visage de l’homme à ses côtés, pour y lire cette inquiétude qu’elle pouvait lui connaître. Bordel, pourquoi n’avait-il pas changé ? Tout serait si simple s’il n’était plus le même. Ca va ? Respire. Ah oui. C’est vrai qu’il fallait faire ça. Tirant brusquement sur son bras alors même que les larmes bordaient ses yeux, se libérant de sa présence qui avait le don d’inhiber sa raison, elle finit par relancer le mécanisme d’inspiration et d’expiration. « T’en as d’autres, des questions aussi bêtes ? Mais qu’est-ce que tu… Je… Bordel, Julian, qu’est-ce que tu fais là ?! » La question était légitime, à dire vrai, et elle lui brûlait la langue depuis l’instant où elle s’était relevée, le voyant toujours là, affairé à frapper ce sac. Certaines choses ne changeraient donc jamais…

Laura demeura un instant immobile et il se demanda si elle respirait.
Statufiée, le visage tourné sur son bras, il se demanda ce qu'elle regardait avec autant d'intensité.
Il ne sut que dire, que faire, ses paroles s'étant évanouies dans l'instant.
Combien de fois avait-il imaginé ce moment où ils se retrouveraient face à face ? Des dizaines de fois, peut-être plus même, il avait perdu le compte.
Son imagination avait orchestré bien des scénarios, de la gifle à l'étreinte, des rires aux larmes, de la colère au pardon mais jamais, jamais il n'avait imaginé qu'il pourrait la blesser de la sorte.
Ses paroles avaient été dures à Melbourne et depuis, il n'avait pas osé la rappeler pour s'excuser.
Et puis il y avait eu l'interview de Oprah, durant lequel il avait appris tout ce que Laura avait traversé ces dernières années. Alors égoïstement, il lui en avait voulu.
Il lui en avait voulu de raconter ça à une inconnue, face à un public présent ou non, plutôt qu'à lui.
Elle avait émis quantité de détails alors qu'elle était restée évasive à ses questions.
Pouvait-on cacher autant à l'homme qu'on aimait pour mieux venir le jeter à la face du monde ?
A priori oui et il s'était senti blessé qu'elle ne lui fasse plus suffisamment confiance pour se confier.
Après quoi, il s'était souvenu avec amertume qu'il était le responsable de cette situation mais malgré tout, la rancoeur était là, tapie au plus profond de son être, prête à bondir à la moindre occasion.

Il savait qu'il devait la relâcher, tout de suite. Il avait promis qu'il garderait ses distances auprès de Miller et il ne respectait pas sa parole, ce qu'il détestait.
Bizarrement, il avait menti à Marika pendant plus de trois ans mais dès que cela touchait de près ou de loin Laura, il en devenait incapable. Elle le rendait plus intègre et plus honnête.

Ce fut elle la première qui tira son bras d'un geste vif et il fut heurté par ce comportement. Le voyait-elle comme un galeux à présent ? Certainement.
Il dévia le regard, préférant observer le sol u bref instant, n'importe quoi tant qu'il évitait de croiser ses yeux, il avait peur d'y lire le dégoût et l'amertume.

Pourtant, lorsqu'elle lui parla, il ne put se retenir de la regarder, reportant toute son attention sur elle. Ses yeux légèrement brillants comme si elle était sur le point de pleurer, son expression indéchiffrable, il n'aurait su dire à cet instant précis ce qu'elle ressentait le rendirent perplexe et à la fois agacé contre lui-même.

A quelle question faisait-elle allusion ? Il lui avait simplement demandé si elle allait bien. Et puis, face à son attitude, lui aussi perdit pied. Ses questions étaient bêtes ? Tiens donc, voyons donc s'il ne pouvait pas renchérir avec ses réponses alors.

- J'ai eu envie de faire une croisière, on m'a parlé de ce circuit incroyable, je me suis dit bingo !, ironisa-t-il sans sourire pourtant. On dirait que je ne suis pas le seul à avoir des questions stupides.

Il rangea ses écouteurs dans la poche de son short, comment repartir faire du sport après ça ?

- Sérieusement, qu'est-ce que tu crois que je fais là ?

La question était-elle sérieuse ou non? Une part de lui le croyait, mais une autre...le laissait se vautrer dans ses travers de connard irrécupérable.
Pourquoi se comportait-il ainsi avec Laura alors que la seule chose à laquelle son corps le poussait était de la prendre dans ses bras, de sentir son corps contre le sien et de goûter à sa peau.
Son esprit pourtant, persistait à l'envoyer dans l'auto-sabotage, pour mieux expier ses fautes et ses manquements.

Elle avait fait un saut dans un monde parallèle pendant cette nuit passée devant son ordinateur. C’était l’explication la plus rationnelle à la présence de Julian à bord, non ? Elle le dévisageait sans comprendre, n’ayant que cette question en tête. Qu’est-ce que tu fais là ? Julian devait être à Melbourne, en sécurité, en train d’étreindre une jolie blonde qui n’en gémirait que plus de plaisir. Cette pensée lui arracha un frisson de dégoût, jalousie amère qui se plaçait en travers de sa gorge. Julian ne pouvait pas être sur le Renaissance. Pas après les mots qu’il avait eus, le jugement qu’il avait formulé concernant tout ceci. C’était impossible. Et surtout… Bordel, mais pourquoi Miller ne lui avait-il rien dit ?!

J’ai eu envie de faire une croisière, on m’a parlé de ce circuit incroyable. Merde mais pourquoi devait-il toujours être comme ça ? Même dans le noir, même dans le silence, Julian lui parlait sur ce ton dans ses pensées, usant d’un sarcasme qui la poussait à sourire. Elle avait été habituée à celui-ci et constater qu’il n’avait pas changé était rassurant autant que déstabilisant. Elle cilla, accusant ses mots le cœur battant ses côtes avec force. Sa voix était un baume à son cœur et peu importe ce qu’il pouvait lui dire, ce simple son l’encourageait à aller mieux. Enfin, elle aurait préféré qu’il lui clame quelques sentiments plutôt que la prendre pour une idiote.

Sérieusement, qu’est-ce que tu crois que je fais là ? « J’en sais rien. » La réponse avait filé de sa bouche sans qu’elle n’y réfléchisse, ses grands yeux noirs le dévisageant avec une part d’espoir. Elle aurait aimé entendre qu’il était venu pour elle, qu’elle ne serait pas seule face à tout ceci… Pas que ses questions étaient au moins autant stupides que celles qu’il pouvait poser. Mais Laura se savait égoïste et jamais elle n’oserait lui jeter à la figure la considération qu’elle supposait qu’il lui donnait. Fronçant les sourcils, se massant encore un peu son abdomen, là où la peau était visible entre sa brassière et son legging, elle soupira longuement. « T’avais pourtant été clair sur le fait que tout ceci était une bonne idée de merde… » Elle renifla légèrement, l’accusant du regard de ces mots. Pouvait-il plaider autre chose que coupable ? Certainement pas. Soupirant à nouveau, elle regarda autour d’elle, s’assurant que personne n’était présent. « Ca a dû être long… Quatre années à cogner ce genre de sac. » Tout était prétexte à dévier la conversation sur des banalités, non ? Et puis, elle savait très bien qu’il allait la passer au radar, lui claquer qu’il fallait qu’elle mange… Et elle n’avait pas envie de tout ça. Elle ne voulait pas revivre l’enfer mental qui était le sien, pas face à lui.

J’en sais rien.
Mais comment c'était possible bordel ! Comment pouvait-elle ne pas avoir la moindre idée de pourquoi il était là. Il avait mille arguments. Le plus logique aurait dû être que sa place était simplement ici. Il était lié à Jurassic World depuis bientôt dix ans même quand elle l'ignorait.
10 ans. Il se sentit subitement si vieux et fatigué. Même si ces années avaient été entrecoupées de vide et de retours au pays, Julian n'avait connu que cela : le combat.
A l'armée et dans le parc, ses journées avaient été rythmées par la lutte constante pour sa survie ou pour la protection des autres.

Il était agacé et blessé qu'elle lui pose la question en réalité. Outre le fait qu'il ne s'était jamais senti aussi vivant que sur l'île, sa présence pouvait tout autant s'expliquer par sa seule existence à elle.
Depuis qu'il la connaissait, tout avait changé et il savait, même si ça l'emmerdait, qu'il serait prêt à parcourir la terre entière pour elle.
Comment devait-il interpréter ses grands yeux noirs qui le dévisageaient ? Il l'ignorait et préféra baisser le regard sur sa main qui se massait le ventre. Il ne l'avait pas ratée.
Serrant la mâchoire, il avait voulu continuer à regrouper ses affaires mais la phrase qu'elle lui lança le figea un instant.
Son regard croisa à nouveau le sien, accusateur quant à son attitude à Melbourne. Leur dispute était partie de cette idée, petite étincelle qui avait embrasé sa détresse à l'idée de la perdre à nouveau.
Il la toisa à son tour, bien décidé à ne pas lui laisser croire qu'il était le seul fautif dans l'histoire.
Lorsqu'il l'avait enfin retrouvée, il avait eu l'impression de voir son fantôme. Maigre, fragile, presque invisible. Où était passé son caractère de feu ? Où était passée sa force ?
Et aujourd'hui c'était pareil, elle était là devant lui, à lui fourrer le nez dans sa merde, à le rendre responsable de leur séparation en Australie.
Il n'avait pas besoin qu'elle le lui pointe du doigt, il savait qu'il avait merde mais il n'était pas le seul. Sa décision de revenir sur l'île n'était pas meilleure, pas après tout ce qu'ils avaient déjà traversé, pas sans savoir qui était derrière son enlèvement et sa séquestration. Elle se mettait en danger, tout le temps et ça le rendait dingue.

Il eut à son tour un reniflement de dédain. Quatre années à cogner contre ce sac. Putain si seulement. Non à la place il avait dû se contenter d'une thérapie, de méditation, de yoga et de putain de footings à la con pour se sevrer des médicaments. Mais il ne pouvait pas le lui dire.
Son regard dévia sur le sac comme s'il s'agissait de son meilleur ami et toujours un peu crispé, il posa une main à plat sur le cuir. Ce simple contact lui donna la force de continuer.

- C'est toujours une idée de merde, assura-t-il d'une voix tendue. Mais je suis là quand même.

Pour reconstruire, pour l'emmener à la volière, pour mettre sa vie en jeu, oui, il était là à n'en pas douter.
Il se dirigea vers son sac, récupéra sa petite serviette et s'essuyan le visage puis la nuque.

- Si tu veux te remettre au sport t'as intérêt à mieux manger, lui lança-t-il sans même la regarder tandis qu'il rangeait ses affaires, tirant ses écouteurs de ses poches. Pas sûr que tu fasses le poids face à un tapis de course.

Citation :

jet de dés
1-2-3 : deux agents de la sécu se pointent
4-5-6 : ils sont encore seuls

A ce moment là, deux autres agents firent leur apparition en discutant bruyamment. Le navire s'éveillait. Il les connaissait, étant eux aussi des anciens de l'époque de la reconstruction et qui savaient que Julian avait été l'instructeur de Laura.

- Mademoiselle Masrani, Blake, bonjour ! Vous êtes super matinaux ! On allait s'entraîner, un peu de combat au corps à corps pour garder la forme ? Ca vous dit ?

Tout mais pas ça, songea Julian. Il ne put s’empêcher de regarder dans la direction de Laura pour s'assurer qu'elle refuserait.

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'Dé: Jura6' :

C’est toujours une idée de merde. Ah bah formidable… A l’occasion, il faudrait peut être qu’elle discute avec les ressources humaines car elle avait soudainement un doute quant à leur faculté à employer du personnel fiable… Mais je suis là quand même. Prenant une profonde inspiration, elle détourna le regard, comme elle le faisait bien trop souvent, le contact des pupilles étant bien dur à supporter. Autrefois, elle aurait gardé ses yeux braqués sur lui et aurait ainsi plissé les paupières jusqu’à le voir céder sous ses prunelles noires. Aujourd’hui, elle n’était plus capable de fixer qui que ce soit plus d’une poignée de secondes sans sen sentir sondée, observée… Epiée. Se frottant machinalement la nuque tandis qu’il bougeait à son tour, récupérant ses affaires pour mieux ôter la sueur qui perlait sur son front, les souvenirs venaient se confondre avec la réalité et ce furent les mots qu’il prononça qui la reconnecta à cette dernière.

Si tu veux te remettre au sport, t’as intérêt à mieux manger. Ah. Voilà. Si elle avait pu échapper à ce genre de remarque en Australie, bien cachée sous son jean et son sweat, elle savait bien que sa stature ne serait pas dissimulée en cet endroit. L’avait-il donc regardée avec tant d’attention ? L’idée qu’il puisse avoir fait couler son regard sur elle lui arracha un léger frisson qu’elle rejeta en pinçant les lèvres. Pas sûr que tu fasses le poids face à un tapis de course. Il était arrogant. Nom de… L’espace d’un instant, elle crut être de retour au jour où ils s’étaient côtoyés pour la première fois dans le cadre de son entraînement. Il avait éclaté de rire, pensant à une mauvaise blague que sa responsable avait pu lui faire. Mais ne l’avait-elle pas suffisamment surpris ? Son corps se reconstruisait, oui, après quatre années face à la maigreur et des apports restreints. Elle peinait même à marcher, quand on l’avait sortie de là… « Ne t’inquiète pas. Damian veille bien à ce que je remplisse mes fourchettes et John s’inquiète de ce qu’il y a dedans. La brigade des baby-sitters est donc au complet, désolée de te l’apprendre. » Parce que sa nutrition était autant surveillée que son exercice physique, tout comme sa santé globale. Les dessous de son retour cachaient un suivi médical des plus importants et cela, elle avait tenu à ce que ce ne soit pas divulgué. Les prises de sang étaient régulières pour vérifier qu’elle ne manquait plus de rien. Et afin de fêter l’anniversaire de ses six mois de ressuscitation, elle aurait droit à une nouvelle batterie de tests intégrale à la fin du mois prochain. Un plaisir, vraiment.

« Et aussi surprenant que cela puisse paraître, mon poids est suffisant pour gérer le tapis de course. » Et pas que. Miller avait veillé à ce qu’elle soit d’attaque. Si la base était faite d’une rééducation sur sa mobilité, il n’avait pas hésité à s’occuper personnellement de Laura dans son approche de sa remise en forme, travaillant autant sur l’auto-défense qu’il jugeait probablement plus que nécessaire depuis les derniers incidents que sur son renforcement musculaire. Laura était mince, oui, maigre à certains niveaux. Mais la graisse n’avait jamais fait bon ménage avec elle et les muscles se cachant sous sa peau se renforçaient jour après jour. Elle aurait aimé pouvoir s’en vanter auprès de Julian mais la porte s’était ouverte sur deux agents de sécurité qui ne cherchaient pas à se montrer discret. Machinalement, rappel d’une autre époque, Laura avait reculé d’un pas, replaçant une distance plus respectable entre elle et celui qu’ils saluèrent par son nom de famille. Vous êtes super matinaux. Laura n’avait plus réalité du matin ou de l’après-midi. Elle dormait peu, entrecoupait sa vie de siestes, pouvait se montrer insomniaque… Le temps était une notion qu’elle ne maîtrisait plus vraiment, quand bien même on forçait son corps à s’y plier.

On allait s’entraîner, un peu de combat au corps à corps pour garder la forme ? Ça vous dit ? Une voix en elle manqua d’aboyer un non ferme mais le regard de Julian croisa à nouveau le sien, la forçant à regarder ses pieds. « Je ne sais pas si c’est une bonne idée… L’agent Blake tend à penser qu’un simple tapis de course peut me rendre la vie dure, alors je n’imagine même pas ce qu’il se dit d’un combat physique… » Il y eut un silence avant que les deux agents ne pouffent légèrement. « Il vient d’arriver, il vous a pas encore vu à l’œuvre, mademoiselle Masrani… Moi je prends le pari sur vous. » Un sourire en coin vint étirer les lèvres de Laura tandis que son regard glissait vers le principal concerné. « Alors… On a peur, Blake ? Promis, je ne vous virerai pas si vous n’êtes pas à la hauteur. » Il s’attendait sûrement à ce qu’elle possède encore cette frappe de mouche ridicule, celle qui lui avait laissé croire qu’elle s’était brisé la main en donnant un misérable coup dans un sac de frappe. La vérité, c’est que ce sac sur lequel il s’agaçait quelques minutes avant, elle avait fini par l’expérimenter, elle aussi. Après tout, quand on s’accuse d’avoir été si misérable dans sa propre défense quelques années plus tôt, il était plus que normal de finir par envisager de rendre les coups. Ce qu’elle oublia aisément, en revanche, dans cette volonté de lui affirmer qu’elle n’était pas si fragile, c’est que le corps à corps impliquait plus de contact qu’elle ne saurait l’imaginer.

Damian...
Il avait grimacé rien qu'à la mention de ce nom. Il savait pourtant qu'il lui devait la vie de Laura mais rien n'y faisait. Ce type le rendait dingue juste par son existence et surtout par le lien qu'il partageait avec Laura.
Il devait s'y faire pourtant, Laura avait d'autres hommes dans sa vie et ne l'avait plus, lui.
A en croire le journal qu'il avait vu avant d'embarquer, elle avait même un type qui s'était rapproché d'elle. Il n'avait pas lu l'article, ni la légende mais à en juger la photo, ce n'était pas un simple rendez-vous avec un banquier.
Il avait bien plus confiance en John et fut soulagé de savoir qu'il veillait sur elle. Le connaissant, il devait lui préparer des menus sur mesure et avait certainement reprit l'élaboration de ses entraînements.
Sinon que faisait-elle ici ?

Et aussi surprenant que cela puisse paraître, mon poids est suffisant pour gérer le tapis de course. Il leva les yeux au ciel, évidemment qu'il l'était. Il n'avait mentionné ce fait que pour souligner sa minceur. Depuis qu'il la connaissait, il s'était toujours inquiété qu'elle mange bien. Laura était capable de s'affamer si son mental s'écroulait. Quel était l'état de son mental après ce qu'elle avait traversé ?
Il l'avait déjà remarqué à Melbourne mais à présent qu'il la voyait en tenue moulante dans son legging c'était encore plus flagrant, même s'il lui sembla qu'elle s'était un peu remplumée.
Sa tenue si près du corps dévoilaient ses courbes qui attiraient toujours son regard soit-dit en passant.
Il avait beau essayer de s'en détourner, rien n'y faisait. Chaque centimètre carré de sa peau l'attirait comme un aimant. Se faisant violence, il avait alors déglutit en détournant le regard quand les deux agents avaient fait irruption.

Il n'avait rien répondu à la requête, laissant le choix à Laura tout en la suppliant presque du regard de refuser. Première erreur.
Elle mentionna ses propos précédent concernant ses capacités comme une petite vengeance destinée à lui faire ravaler sa salive.
Il avait voulu tenir ses distances en ce montrant arrogant et désintéressé et voilà qu'il se reprenait l'ensemble de plein fouet.

Les deux sourirent et pouffèrent face à la réplique de l'Indienne en renchérissant sur ses capacités de combat.
Et lorsque Julian remarqua le sourire ourler les lèvres de Laura, il sut qu'il était foutu car elle allait accepter.
Elle planta son regard dans le sien et il remarqua que ce même regard avait changé. Un éclat d'assurance le rendait plus brillant quand lui avait l'impression de se liquéfier.

Machinalement, sa main droite vint caresser doucement la zone située juste à côté de l'os de sa hanche, près du bas-ventre.
La cicatrice d'un de ses derniers combats le démangeait. Large, en forme d'étoile, souvenir d'un tesson de bouteille charitablement enfoncée dans ses chairs durant cette période sombre juste après la disparition de Laura. Une période qu'il souhaitait effacer.
Les paroles de Laura le frappèrent comme un poing dans l'estomac. L'entendre le vouvoyer tenait déjà du surréaliste mais l'entendre le provoquer fit réagir son sang.

- Je suis là depuis 1h30 et je rêve d'une douche, tenta-t-il d'argumenter tout en cherchant à ne pas rentrer dans le jeu de Laura.

Ce n'était qu'un prétexte évidemment. Il n'était même pas essoufflé après trois ans de courses d'endurance quotidienne, mais il n'avait pas combattu depuis longtemps, encore moins une femme. Il se savait incapable de lever la main sur Laura, pas après tout ça, même pour faire semblant.

- Allez Blake, sois pas rabat-joie ! Continuez à le provoquer mademoiselle, il ne pourra pas résister.

Julian émit un rire bref et coupa court :

- Ça ne sera pas nécessaire, allons y. Si je ne risque pas d'être viré, je n'ai pas grand chose à craindre pas vrai ? coula-t-il vers Laura.

Il récupéra son sac et suivit le petit groupe jusqu'au ring. Sur un banc non loin, il tira sa gourde, en bu une bonne gorgée et reposa l'ensemble.
Alors il se glissa sous les cordes, ses mains étaient déjà bandées, il était prêt. Son cœur battait à tout rompre d'une excitation qu'il n'avait pas connue depuis des années mais aussi de peur.
Peur de ne pas être à la hauteur, peur qu'on se moque de lui, peur de la blesser surtout.
Il inspira un bon coup pour calmer son rythme cardiaque et se mit en position de défense.

- Bon, qui commence ?

Il avait certainement espéré qu’elle se dégonfle. Bordel, comment pouvait-il la connaître si mal ? Elle n’était pas de ceux qui baissaient les bras, quand bien même les choses pouvaient être d’un inconfort certain. La simple présence de Julian la plongeait dans un malaise certain et pourtant, face à cette proposition doublée de l’avis aussi machiste qu’idiot de Julian, elle avait plus qu’envie de lui montrer qu’elle était bien plus en forme qu’il ne pourrait l’estimer simplement en la regardant. Il devait la voir bouger. Il devait sentir sur lui les coups de la jeune femme pour comprendre qu’au-delà de sa survie, elle avait ravivé en elle un feu combatif et hargneux, nourri par ces quatre années qu’on lui avait volé. Et qu’il était bien présent, dans ce brasier.

Je suis là depuis 1h30 et je rêve d’une douche. Elle leva les yeux au ciel avec une insolence qu’elle ne dissimula même pas. Lâche. Il lui devait bien ça, pourtant, non ? Un droit de réponse face à ses propos à Melbourne qui l’avaient plantée là, dans le décor de ce parc. Le rétroviseur du SUV de location avait encaissé sa frustration, détruit par ses coups répétés avant qu’on ne puisse l’arrêter. Devait-elle transmettre également la facture des frais de réparation à Julian ? Il l’aurait bien mérité. Continuez à le provoquer mademoiselle, il ne pourra pas résister. Elle ouvrit la bouche, pleine à rétorquer bien des choses mais Julian vint mettre un terme à cette comédie. Si je ne risque pas d’être viré, je n’ai pas grand-chose à craindre, pas vrai ? Elle le dévisagea un instant avant de hausser les épaules. « Quelques bleus, peut-être ? » Elle suivit le mouvement, rejoignant le petit groupe. L’un des agents de sécurité présent l’aida alors à placer convenablement les bandes sur ses mains afin de se protéger un minimum. Elle n’avait nullement envie de lui faire mal tout comme elle souhaitait s’en préserver et pourtant, au fond d’elle, une colère sourde grondait peu à peu. Celle de la jalousie. Celle de la trahison.

Hochant la tête quand on lui demanda si ça lui convenait, elle se glissa à son tour dans l’espace réservé aux combats. Combien de fois Miller l’avait entraînée ici ? A lui tordre les bras dans le dos, à l’inciter à agir pour mieux survivre. Si elle avait été une enragée désordonnée, elle avait fini par laisser la discipline lui enseigner les bons coups à porter. Elle n’était pas démunie face à cette silhouette qu’elle ne connaissait que trop bien, dévisageant Julian autant qu’elle le pouvait. Tout repose déjà dans l’attitude. Il faut chercher les points faibles et les exploiter. Respirant profondément, tâchant de forcer le calme malgré les hormones qui s’insinuaient dans son corps face à l’idée même de ce combat, elle détailla la silhouette de Julian. Il n’avait plus les muscles d’autrefois. Il semblait si faible, là, face à elle. Jamais elle n’aurait cru être capable de penser ça.

Bon, qui commence ? Elle le regarda faire alors qu’il campait sur ses jambes, prêt à se défendre, prêt à la voir certainement lui courir dessus telle une harpie. Droite, les bras tendus le long de son corps, elle le regarda faire., cherchant à lire dans sa posture ce point faible qu’il protégerait davantage. « Visiblement, c’est moi. » Parce qu’il ne semblait pas indiquer vouloir l’attaquer. Alors, sans réellement donner l’impression de quoi que ce soit, elle s’avança vers lui, finissant par gagner quelque peu en inertie dans sa démarche, ses appuis se faisant plus souples. Et alors qu’elle fit mine de vouloir lui porter un coup au visage, elle lui envoya son genou dans le flanc.

Lancé de dés:

Le choc de sa jambe contre le corps de Julian avait quelque chose de plaisant autant que d’étrange. Un court instant, une partie d’elle désira s’excuser instantanément et pourtant, tel un chat, elle se contenta de reculer pour mieux le regarder alors que, derrière elle, une voix réclamait déjà cinq dollars à son coéquipier.

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'Dé : Compétences' :

J'ai besoin d'un jet d'agilité (10)

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'Dé : Compétences' : 19

Julian aurait du le savoir. Il aurait du savoir que Laura se porterait volontaire pour ce premier combat. Pourquoi fallait-elle qu'elle soit si...si...elle-même !
A cet instant, il crut que tout ce qu'il voulait éviter ne faisait que se concrétiser.
Il avait pris soin de l'esquiver depuis son arrivée et dix minutes avant, il avait encore fait le nécessaire pour couper court à leur interaction.
Mais non, voilà que portés par la volonté d'autres, il se retrouvait dans cette situation de merde.
Devoir se battre contre elle au risque de la blesser ou de la toucher et ainsi réveiller les braises qu'il peinait déjà à endormir au quotidien.
Il ne savait pas ce qui serait le pire en réalité et il n'eut pas le loisir d'y réfléchir davantage.
Déjà Laura lui faisait face, bien décidée à lui montrer de quoi elle était capable.
Qu'elle soit faible ou forte, ce n'était pas le problème à ses yeux. Ses propos n'avait eu pour but que de l'éloigner, se rendre suffisamment détestable pour lui ôter l'envie de l'approcher.
Belle réussite !

Le problème c'était qu'il ne voulait pas se battre contre elle, tout simplement parce qu'il n'avait plus aucune confiance en ses capacités, réduites à néant par trois années de footing et de relaxation forcée.
Il avait peur et cette peur le paralysa complètement. Il craignait de la blesser en ne contrôlant pas sa force ou ses coups, il craignait d'établir un contact entre eux et de ce que ça pourrait éveiller, il craignait qu'elle le juge inapte et plus à la hauteur.
Lire la pitié dans ses yeux l'anéantirait.

Toujours bien campé sur ses jambes, il releva légèrement le poing pour protéger son visage. Tandis qu'elle s'approchait avec une certaine assurance, ses jambes à lui refusaient toujours le moindre mouvement. La posture des bras de Laura lui indiqua qu'elle cherchait à attaquer son visage et une pensée fugace traversa son esprit. Allait-elle le gifler ?
Pourtant, c'est son genou qu'il réceptionna dans son flanc, s'écrasant contre son foie.
Il aurait pu chercher à saisir sa jambe et à la faire basculer mais la simple idée d'enrouler sa main autour de sa cuisse le ramena des années en arrière, alors qu'ils partageaient d'autres types d'exercices.
La douleur fulgurante lui arracha une expiration sonore et il recula de quelques pas en grimaçant, tout en se tenant le côté.
Son regard s'était perdu sur le sol du ring mais son ouïe perçue sans difficulté les paiements du pari.

Il recula encore et son équilibre vacilla, mal assuré par un pied glissant subitement. Alors il rencontra la corde du ring dans son dos, en se rattrapant in extremis d'un bras maladroit. La corde lui brûla la peau en frottant dans le mouvement accidentel. Il était à peu près sauf contrairement à sa dignité qui venait de franchir un seuil négatif. Reprenant son souffle, combattant la douleur, lorsqu'il releva un regard vers elle, il sut ce qu'il ferait.
Secouant ses mains, tout en effectuant quelques sautillements sur place, il fit l'effort d'ignorer les nouveaux commentaires peu élogieux à son encontre. Ce n'était que l'échauffement après tout, ils n'étaient pas au bout de leur surprise.

Reprenant sa posture face à elle, il se massa doucement le flanc à travers son t-shirt, réprimant une nouvelle grimace sans s'apercevoir que le mouvement relevait le tissu et dévoilait une part de sa cicatrice. Il n'y pensait pas, car il ne quittait pas Laura des yeux.

- Encore ? dit-il d'un ton insolent en écartant les bras, comme si ce premier coup n'avait été que de la chance et qu'il l'invitait à recommencer.

Il savait bien que non, mais il avait compris qu'ici se trouvait le début de son expiation.
Sa défense serait nulle, volontairement. Il n'esquiverait rien, il prendrait tous les coups. N'était-ce pas ce qu'il faisait depuis le début ? N'avait-il pas pris les coups pour elle lors de la prise d'otage ? N'avait-il pas pris ses colères ? N'avait-il pas pris les blessures destinées à d'autres ?
Et si en plus cela provenait de celle pour qui il se sentait le plus coupable alors il n'avait rien à redire et il l'accepterait.

Il n’avait rien vu venir. Le coup avait su faire mouche et, déjà, Laura souriait d’un triomphe certain, les lippes s’étirant en coin face à un Julian qui semblait bien en peine. Le souffle de Julian s’était fait entendre, Laura l’associant à la surprise plus qu’à la douleur. Elle n’y mettait pas toute sa force. Elle ne pouvait pas. Le seul qui avait su mériter l’ampleur de ses coups, c’était Miller parce que lui n’avait jamais cherché à plaisanter avec les siens. Il l’avait endurcie. A force de poings et de mots, il avait forcé Laura à se montrer sous un nouveau jour. Julian ne faisait que découvrir cette version 2.0 de la jeune femme et c’est en relevant le menton qu’elle le regarda se rattraper tant bien que mal dans les cordages. Instinctivement, elle avait fait un pas en avant, prête à le rattraper, à lui venir en aide. Mais son geste resta en suspens, l’Indienne demeurant à sa place, le toisant tant avec force, rage que surprise. A dire vrai, elle ne s’était pas réellement attendue à faire mouche.

Elle attendit qu’il se redresse, expirant longuement, sautillant sur place. Lui avait-elle fait mal ? Tant mieux. Non. Mince. Zut. Que devait-elle penser ? Il se repositionna devant une Laura qui ne bougeait plus, l’observant simplement, le corps moins tendu, essayant de comprendre ce qui se déroulait devant elle. Se massant les côtes, il attira nécessairement le regard de Laura sur cette zone qu’elle venait de frapper. Et sur le fragment de peau qui se révéla à ses yeux noirs. Une peau qu’elle avait tant admirée, qu’elle avait parcouru encore et encore de ses doigts… Et sur laquelle elle ne reconnaissait pas cette marque qu’elle entrevoyait. Ses sourcils se froncèrent alors qu’elle ouvrit la bouche, prête à lui demander comment cela était arrivé… Avant de se rappeler qu’elle n’avait ni le droit de se montrer si curieuse, et surtout pas en présence de membres du personnel qui n’étaient pas au fait de ce qu’elle et lui avaient pu vivre par le passé. Au lieu de cela, elle releva le regard, sa mine soucieuse s’effaçant face à son sourire goguenard. Encore ?

Il nourrissait la rage qui grandissait peu à peu par ses provocations. Laura n’aurait pas eu de spectateurs, elle se serait probablement ruée vers lui, oubliant tous les principes enseignés par Miller dans la foulée. Il méritait qu’elle s’agace, qu’elle hurle sa peine à son visage. Il aurait été le seul à pouvoir l’arrêter. Au lieu de ça, les deux agents spectateurs reprirent leur rôle, lui permettant de garder la tête froide. « Allez, il en redemande ! Continuez mad’moiselle Masrani ! » Fermant ses poings, Laura ne quitta pas Julian des yeux. Son corps se tendit peu à peu alors qu’elle réfléchissait à une nouvelle manière de faire. Elle devait garder ses appuis. Elle devrait frapper de ses poings. Se prêtant au jeu, elle s’avança vers lui, lançant plusieurs fois ses poings tout en reculant, feintant au mieux pour l’endormir et lui faire même oublier qu’elle pouvait porter un coup. Jusqu’au moment où son poing droit fut envoyé directement dans l’épaule opposée de Julian, la frappant avec force. Cette fois-ci, elle ne sautillerait pas sur place en se demandant si elle ne s’est pas cassé une phalange. Non, cette fois-ci, son regard sombre ne faisait qu’ordonner à l’homme face à elle de lui rendre la pareille.

[Jet de force 12]

Julian la provoquait ouvertement. Il voulait voir Laura le frapper de toutes ses forces, il trouverait seul l'interprétation de tout ceci. Une interprétation qui l'arrangerait forcément.
Sur le bord du ring, les deux autres agents ricanaient face au spectacle et à sa demande insolente.
Il avait toujours été insolent peu importait l'époque de sa vie.
Laura le fixa longuement avant de préparer une nouvelle attaque. Son foie le faisait souffrir et il se préoccupa juste de protéger cette zone pour éviter d'aggraver la situation.
Le reste restait libre. La difficulté de l'exercice allait être de se laisser frapper en faisant croire que ce n'était pas volontaire.
Il le savait, s'il refusait simplement de se battre, elle lui en voudrait.
Au tout début de l'entraînement qu'il lui avait prodigué, un siècle de cela, il lui avait promis qu'il ne la ménagerait pas. Aujourd'hui il ne pouvait tenir cette promesse car il ne savait plus ce dont il était capable. Son retour était trop récent et elle ignorait qu'il n'avait pas touché à un combat depuis quatre ans, sa remarque sur le sac de frappe le prouvait.

Aux yeux de Laura, il était encore ce type sûr de lui, capable de se battre avec hargne même pour un entraînement.
Elle se trompait, ce type avait disparu et il ignorait s'il réapparaîtrait jamais.
Il n'était là que pour les dinosaures, que pour pouvoir emmener la jeune femme à la volière, accomplir sa volonté, exhausser son souhait. Après, il disparaîtrait.

Reprenant sa posture défensive, il l'observa, la tête légèrement inclinée sur le côté, la jaugeant pour savoir où elle allait cogner.
Intelligemment, elle donna le change, plaçant divers coups de poings dans les airs pour brouiller les pistes. Le coup arriva toutefois sur son épaule et la vibration du choc traversa tout son être. Elle avait de la force et un soupçon de rage. Toutefois, il se demanda à quoi elle jouait ? Son visage était dégagé et elle avait choisi de ne pas y toucher.

Leurs regards se croisèrent et il comprit immédiatement qu'elle voulait qu'il rétorque. Que faire alors pour lui laisser croire qu'il était sérieux tout en se laissant battre ?
Contrairement à son premier coup, elle n'avait pas eu ce geste de recul et son poignet encore légèrement relevé était à portée de bras pour Julian.
Sans hésité il s'en saisit, resserrant sa poigne autour de l'articulation gracile.

Dans un réflexe, il sentit qu'elle venait juste de chercher à s'en dégager mais il avait encore bien plus de force qu'elle et son bras demeura de marbre entre eux.
Alors il la tira violemment en avant, la tractant de son bras qui même s'il avait perdu de la masse, avait conservé une certaine force brute.
Dans la seconde qui suivit et tandis qu'elle basculait vers lui, il lui fit effectuer un quart de tour et arrima son bras autour d'elle, la ceinturant pour la maintenir prisonnière.

- Et maintenant ? souffla-t-il.

S'il ne pouvait pas la frapper, et qu'elle refusait de simplement s'acharner sur lui, alors il lui donnerait des raisons de changer d'avis. Bien qu'elle ne fut pas totalement contre lui, ni totalement dos à lui, cette proximité soudaine fit manquer un battement de son cœur.
L'espace d'une fraction de seconde, il eut envie de la relâcher, de repousser cette sensation parasite, avant de se souvenir qu'ils n'étaient pas seuls et qu'il fallait donner le change. Ce n'était qu'un simple entraînement, un simple exercice entre deux individus comme il devait y en avoir tous les jours ici.

Convaincu qu'il ne devait pas se laisser aller et espérer quoique ce soit, il ressera sa prise.

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'Dé : Compétences' :

Allez Julian… Bouge-toi, putain ! Ses pensées l’encombraient. Elle voulait un retour. Elle voulait un échange. A quoi bon cet entrainement s’il ne s’appliquait pas à lui renvoyer les coups, s’il s’amusait à remplacer un misérable sac de frappe ? Elle n’avait pas besoin de cela, elle avait déjà donné. Miller ne lui demandait pas de frapper cela pendant des heures, ne désirant pas la voir augmenter sa force de frappe ou la qualité de celle-ci. Il voulait qu’elle soit réactive et qu’elle soit capable. Il voulait qu’elle puisse surprendre.

Croisant le regard de Julian alors que son poing s’enfonçait contre son épaule, elle lui adressait ce reproche silencieux qui commençait à court-circuiter le reste de ses pensées. Bats-toi. Frappe-moi. Il n’y avait plus rien entre eux. Enfin, le pensait-elle, s’essayant de se convaincre de ses propres sentiments, à oublier tout ce que ces yeux clairs pouvaient lui faire ressentir rien qu’en se posant sur elle. L’image de la blonde fit irruption dans ses pensées, lui rappelant l’amertume de cette absence, de ces quatre années passées loin de lui, morte. Elle laissa entrer cette troisième personne dans l’espace de combat. Et ce fut peut-être pour cela qu’elle en oublia de se replacer après avoir attaqué.

La main de Julian se referma sur son poignet, vive, rapide. Laura ne put que battre des cils, le regardant faire avant de tenter de reprendre le contrôle, cherchant à tirer fortement sur son bras sans réussir à se dégager. Les sourcils froncés, elle finit par lâcher un petit cri de surprise quand il l’entraîna en avant. Si elle pensa un instant entrer en collision avec son torse, ce fut son dos qui se retrouva coincé contre lui, Laura tirant par tous les moyens sur son corps pour mieux se faire souris dans l’étau de chair et de muscles qu’il réalisait autour d’elle, son bras venant l’encercler. Son cœur fit une embardée quand elle comprit où elle se trouvait, là, contre lui. Sa juste place.

Lancé de dé:

Et maintenant ? Le souffle de Julian vint chatouiller sa nuque, lui arrachant un frisson. Elle laissa échapper une nouvelle plainte entre ses dents serrées, se tortillant dans l’espoir de mieux lui échapper. Mais l’étreinte, doucement, se resserra sur elle. Si telle était sa place, alors pourquoi se sentait-elle si mal ? Son souffle se faisait plus court, plus rapide, à l’image de son pouls qui gagnait en vitesse. Un instant, son instinct lui poussa à envisager de le mordre pour mieux se libérer. Laura était gagnée par la peur qui se lisait maintenant dans son regard, qui brillait dans ces prunelles sombres. La peur, oui. L’espace restreint qu’il formait avec ses bras, incapable de s’en libérer, vint alimenter la terreur qui vivait en elle depuis maintenant plusieurs années. Si la claustrophobie de Laura était une conséquence qui n’avait pas été rendue publique, elle était peut-être celle qui mettait le plus à mal son quotidien. Et là, dans les bras de cet homme qui avait œuvré, sans le savoir, à sa survie, il n’y avait soudainement plus que la peur qui la dévorait.

Lancé de dé:

« Lâche… Moi… »Sa voix était tendue, à l’image de son corps qui s’épuisait, l’adrénaline venant peu à peu se glisser en elle. Le réel n’avait plus lieu d’être et se confondit dans les souvenirs et les horreurs. Un instant, elle sembla être de retour ce jour-là, traînée de force par Banks dans un hélicoptère. Laissant échapper un nouveau cri aussi désespéré qu’enragé, elle souleva son pied pour mieux écraser les orteils de Julian avec son talon.