« M’man, t’aurais pas vu le… Oh merde, m’man ! » Se tournant vers son fils, Leanne put capter toute l’intensité de ce moment précieux qu’elle avait pourtant cru ne jamais vivre. Parker la dévisageait de bas en haut, le regard brillant d’étoiles émerveillées. Le garçonnet d’une dizaine d’année semblait retrouver sa mère pour la première fois depuis bien longtemps. D’ailleurs, interrompant même le fil de ses pensées, il s’avança vers la blonde alors que l’un de ses oncles lui rappelait gentiment qu’il était bien supposé aller chercher les alliances dans une autre pièce de la maison. La mère louve ouvrit ses bras et laissa l’enfant venir l’étreindre avec force. « Tu veux bien nous laisser un moment ? » Son frère acquiesça, lui rappelant qu’ils ne seraient pas bien loin et que, en dépit du nombre restreint d’invités, la mariée était priée d’être là à l’heure lors de la cérémonie. Elle leva les yeux au ciel, doucement amusée par tous ces déploiements divers pour quelque chose d’aussi trivial.

N’avait-elle pas demandé expressément le mariage le plus simple de la Terre ? Et puis, les proches prévenus, il avait finalement fallu trouver une robe, envisager de se faire coiffer et maquiller, trouver les services d’un traiteur… Même si les effectifs étaient réduits, cela nécessitait une logistique que la génération du dessus avait joyeusement déployé. La mère d’Owen avait été enchantée de la nouvelle autant que les parents de Leanne. Son père ne regrettait dès lors qu’une chose : ne plus être capable physiquement de la mener jusqu’à son époux, s’étant bêtement brisé une jambe quelques semaines avant cela. Tout s’était enchaîné. La demande avait eu lieu, précédent le départ de la petite famille pour les Etats-Unis, avant tout dans le désir de se renseigner quant à ce retour probablement de leurs travails passés. Ils avaient entendu les dires de Laura Masrani, de ses associés… Ils avaient écouté avant de statuer sur leur propre volonté de rempiler. Parker ne serait pas du voyage, cette fois-ci. Le souvenir encore brûlant de l’enfant perdu dans l’aquarium alors qu’un terroriste cinglé rôdait dans le parc l’avait vaccinée. Il avait râlé, bien évidemment, le pré-adolescent… Mais il comprenait et savait qu’une place lui serait bien réservée quand les circonstances le permettraient. En attendant, il séjournerait principalement dans le Vermont et irait également de temps à autres chez la mère d’Owen qui avait plus qu’adoré l’ensemble des nouvelles que la petite famille avait à répandre. Ils se marieraient. Parker serait officiellement l’enfant d’Owen, faisant d’elle une grand-mère un peu particulière mais enchantée. Et alors, les choses s’étaient compliquées car tous avaient voulu mettre leur grain de sel dans des préparatifs qui s’annonçaient expéditifs.

« T’es trop belle, maman. » Son cœur sembla fondre face à ces mots et, prenant soin de ne pas décoiffer ses mèches châtain, elle caressa ses cheveux avec tendresse. « Merci, mon ange. Tu es parfait, toi aussi. » L’enfant releva son visage vers elle, les yeux humides, se retenant fortement de ne pas pleurer. Inquiète, Leanne fronça ses sourcils parfaitement redessinés pour l’occasion, se baissa légèrement. (color=teal]« Qu’est-ce que… ? Ça ne va pas ? Tu ne veux pas… ? Un mot de toi, Parker, et je te jure que j’annule tout, quand bien même ta grand-mère me tuerait… »[/color] Il rit de bon cœur, hochant la tête de gauche à droite. « Mais non ! Je suis… heureux ! J’ai toujours voulu que ce jour arrive, tu sais… Toi, merveilleuse, tout sourire… Moi avec la chance d’avoir quelqu’un qui accepte de m’avoir comme fils… » Sa maturité, parfois, la désarçonnait. Elle savait, évidemment, que l’absence de son père depuis son plus jeune âge était une chose qu’il avait peiné à s’expliquer. Et puis, finalement, Owen était entré dans sa vie assez tôt pour que chacun de ses souvenirs soit entouré de lui, d’une façon ou d’une autre. Un ami pour sa mère, puis un amant et aujourd’hui, un mari. Même s’il craignait l’appeler « papa » par peur de mettre tout le monde mal à l’aise, Parker le considérait comme tel et il ne pouvait être que plus heureux de voir que la réciproque était tout assez vrai. Ce n’était pas un conte de fée, mais ça y ressemblait grandement. « Owen va chialer en te voyant… Il aura pas le choix de toutes manières, si il pleure pas de lui-même, je lui mets un coup de pied dans le tibia. » Elle rit de bon cœur, serrant un peu plus son terrible enfant contre lui. « L’homme qui a dressé une dizaine de raptors et ne sait pas gérer son fils de dix ans… Parfait, je crois que je l’aime vraiment… » Les regards se firent complices et le garçon finit par s’écarter de la robe de sa mère. « Je vais y retourner… Je cherchais les boutons de manchette de papy mais je pense pas que tu saches où ils sont ? » « Pas aujourd’hui, non… Et oui, on va devoir filer dans le jardin avant d’être en retard. »

Le jardin, pour l’occasion, avait été décoré de guirlande à grosses ampoules qui illuminerait leur soirée de façon guinguette. Une grande tablée rectangulaire avait été dressée sous le grand chêne de la propriété des Owens, annonçant un repas familial et pourtant bien tenu. Et non loin de là, quelques chaises en bois avaient été alignées en un nombre restreint de rangées, devant une arche fabriquée à la va vite et joliment fleurie. L’essentiel n’était pas matériel. L’essentiel se trouvait dans les cœurs et l’amour que ces deux familles réunies s’échangeait était merveilleuse. Leanne attendit avec sa sœur et témoin, cette dernière la regardant avec tendresse. Le premier mariage de la blonde avait été un elopment, expédié en si petit comité que sa famille l’avait appris par la suite. Là, ils avaient tous fait souhait de célébrer cette nouvelle union en se montrant présents. « Ils sont en place ? » Oui, tout le monde était là et tout le monde était prêt. « Alors… Musique et qu’on en finisse. » L’autre blonde leva les yeux au ciel, la quarantenaire précédent sa cadette dans le cortège alors que la musique commençait à se faire entendre. Poussant un profond soupir, Leanne entama sa marche nuptiale.

Ses mèches claires avaient été remontées en un chignon bohème et bouclé, entrelacement de torsades imparfaites orné de quelques fleurs sauvages. Son regard océan avait été souligné par des tons fumés, ne faisant que rendre le bleu plus perçant encore alors que ses lèvres étaient maquillées d’un bois de rose discret. Déjà, elle était maquillée, ce qui était un véritable effort en soi. Sa robe, elle, était un mélange savant de simplicité et de travail fourni. Sa silhouette lui permettait aisément de jouer avec une forme qui venait épouser son corps, un col bateau venant à peine dissimuler ses épaules. L’ouvrage était dentelé de haut en bah et une légère traîne suivait ses pas hésitants en raison du manque d’habitude d’un tel choix de vêtement. Des escarpins blancs achevaient sa tenue, la hauteur du talon étant plus que raisonnable pour celle qui avait milité à porter des baskets malgré les circonstances. Sa main droite tenait alors un bouquet de fleurs sauvages et blanches, dans la même idée que sa coiffure. Le regard porté devant elle, elle sourit alors qu’Owen lui apparut finalement au bout de cette longue allée.

Il était là. Putain mais, heureusement qu’il était là ! Elle serait allé le chercher jusqu’au bout du monde pour le ramener par la peau du derrière pour que vienne cet instant s’il avait tenté de fuir. Mais comment cela aurait-il pu seulement arriver dans un monde où il avait été celui qui avait posé le genou à terre, dégainant cette bague qui rayonnait à son doigt pour mieux lui demander d’être sa moitié pour l’éternité ? La pensée la fit sourire de plus belle révélant ses dents blanches alors que l’émotion l’assaillait. Son fils était là, aux côtés de ce père qu’il avait tant espéré, tant rêvé d’avoir. Tout était parfait.

Avisant les visages des quelques présents, de ce petit comité rassemblé à la va-vite qui leur était finalement l’essentiel, elle déroula sa marche le long de cette allée, faisant jouer ses courbes dans cette robe hypocritement immaculée. Mais qu’est-ce qu’elle s’en foutait car personne ici ne penserait à mal. Ses fleurs dans une main, elle acheva les derniers mètres qui la séparait de l’homme qui, après ce jour, serait lié à elle pour le restant de leur vie. Lisant l’émotion dans son regard, elle tenta vainement de lutter contre la sienne, souriant avec nervosité, sentant les larmes monter à leur tour, irritant ses prunelles azurées. Reniflant lamentablement, elle finit par glisser machinalement une main dans la sienne. Leanne, alors, se laissa aller contre lui, l’homme si beau dans ces vêtements qu’elle n’aurait jamais cru le voir porter de toute sa vie. Il le faisait pour elle, pourtant…

« Monsieur Grady… » Elle lui sourit, sa voix vibrant de ces trémolos émus qu’elle pensait ne jamais entendre résonner dans sa propre voix. Lui volant un baiser, elle ne tenta pas de dissimuler le regard qu’elle passa sur lui, de haut en bas, le détaillant dans les moindres détails. « C’est vrai que ça manque de praticité pour aller chasser des dinos mais… Je pourrais bien m’habituer à ce genre de look… » Une manière taquine de lui souligner comme elle le trouvait beau, comme elle l’aimait. Le pasteur toussota, comme pour rappeler les jeunes époux en devenir à l’ordre, faisant ricaner les adelphes de la blonde. Alors, il entama le cérémonial. Celui-ci ne serait ni long ni fastidieux mais était bien nécessaire pour acter ce mariage, pour que vivent les souvenirs.

L’homme retraça la vie de l’un et de l’autre et les pensées de Leanne s’égarèrent un bref instant à la mention de Jayden et sa disparition subite. Oh non, elle n’hésitait pas face au moment présent, bien au contraire, mais cette part de son histoire demeurerait, quand bien même aujourd’hui, elle couvait d’amour un autre homme. D’une certaine manière, cette cérémonie était une façon pour elle d’achever son deuil. Machinalement, elle avait porté un regard vers ce petit bonhomme qui grandissait à vue d’œil. Il n’avait été qu’un bébé, ne se souvenant pas le moins du monde de son père, ouvrant la porte à Owen pour prendre ce rôle sans même hésiter. Ils échangèrent un bref sourire avant que Leanne ne relève son regard vers celui qui représentait désormais son avenir tout entier.

Vint alors l’instant des vœux. Parker s’était avancé, les alliances soigneusement glissées dans une boîte qu’il portait avec soin, tendant le carnet précieux dans lequel Leanne avait consigné toutes ces choses qu’elle pensait bon de rappeler à son époux, sur lui, sur eux. Laissant son bouquet aux bons soins de sa sœur, elle releva ses prunelles d’azur vers Owen, lui offrant un sourire tendu par l’angoisse de devoir prononcer ces mots à voix haute. Elle qui se cachait souvent derrière sa franchise décapante sentait bien qu’il lui en coûtait de laisser son cœur parler avec la simplicité requise. Pour autant, elle s’était appliquée à rédiger ces mots et ce fut le corps tremblant qu’elle se lança. « Il y a un peu plus de dix ans, je suis entrée dans un parc bien particulier pour une raison tout aussi particulière. A cette époque, j’ignorais alors que la jeune tête blonde que j’étais allait affronter les meilleurs et les pires moments de sa vie. J’ai eu la chance d’être engagée à une place que beaucoup auraient jugée mortelle, au sens propre comme au figuré. Un emploi qui m’aura permis de me découvrir… Mais aussi de rencontrer celui qui deviendrait, au fil des ans, un ami fiable et sur lequel je pouvais compter. Bon, il était arrogant, fier et fanfaronnait de ses exploits aussi, autant vous dire que ce n’était pas gagné, surtout quand on me connait un peu. » Les parents de Leanne échangèrent un léger rire alors que le sourire de leur fille s’étirait un peu plus, le regard brillant de cet amour qu’elle lui offrait. « Et puis… Il y a eu une longue traversée du désert. J’ai perdu… Une part de moi, lors de ce terrible incident sur l’île. Du jour au lendemain, je suis passée du paradis à l’Enfer, tout en étant responsable d’une adorable frimousse rose. Et je pensais sincèrement ne plus jamais être capable d’aimer parce que… A quoi bon aimer si les choses doivent inlassablement se terminer dans la douleur ? Tout cela, je l’ai eu en tête, bien des fois. Et puis, aussi invraisemblable soit cette situation, il m’a fallu retourner sur place pour mieux réussir à avancer. Et retrouver cet arrogant collègue qui a eu l’audace de devenir mon supérieur. » Son sourire s’étira en coin. « Tu as été l’ami inattendu dont j’avais finalement le plus besoin. De tous, tu n’as jamais cherché à me traiter autrement qu’avant, jamais tu n’as eu à me prendre en pitié ou à t’inquiéter ouvertement pour moi ou pour Parker. Et pourtant, tu avais de quoi, étant donné que cet enfant t’a rapidement prouvé qu’il n’était pas le mieux élevé en te grimpant sur le dos ou autres acrobaties. Tu as toujours été à nos côtés, à mes côtés et c’est probablement pour cela que, de fil en aiguille, les choses ont su évoluer. Ton arrogance est devenue un charme dont je ne pouvais me défaire et ta fierté nourrissait la mienne. Je crois bien qu’aujourd’hui, on peut le dire : Fuir la menace d’un T-Rex dans une zone prise d’assaut par un terroriste après avoir cherché un enfant désespérément, ça rapproche. » Car c’était bien de là que tout était perdu. Ce jour-là, quand elle avait vu Owen sortir de l’aquarium avec Parker, elle aurait pu mourir de bonheur et l’embrasser immédiatement.

« Notre monde s’est écroulé, momentanément… Mais nous nous sommes mutuellement soutenus et ces dernières années passées à tes côtés demeureront les plus douces à mes yeux. Tu me rends plus forte, plus ambitieuse. Tu me pousses à plus encore et je n’ai de cesse de vouloir lire en toi la fierté de m’avoir à tes côtés. Tu es… Tu es ce père que Parker a toujours rêvé d’avoir et tu n’aurais su me rendre plus heureuse qu’en m’annonçant ton choix de faire de lui ton fils. Alors, aujourd’hui, devant nos familles et quelques-uns de nos amis, certes rares, j’aimerais te promettre de toujours être là, à tes côtes. Peu importe où nous nous trouvons sur cette planète, peu importe les dangers, je serai toujours là. Que ce soit pour endormir un lion ou pour fuir des vélociraptors, je resterai à tes côtés. Et si l’avenir nous promets encore de belles aventures… J’espère que celles-ci sauront parfois s’apaiser pour nous laisser l’opportunité d’admirer ensemble tout ce que nous avons pu vivre et bâtir. Je t’aime, hier, aujourd’hui… Et plus encore demain. » Avec délicatesse, elle referma le carnet pour mieux s’emparer de l’alliance de l’homme et le glisser à l’annulaire de sa main gauche.

Ses vœux sont dits et par eux, elle s’engagerait à lui être l’épouse aimante et soutenante qu’elle avait su être avec Jayden par le passé. Pour Owen, elle serait cette meilleure amie, cette conseillère, cette épaule, cette amante… Elle souhaitait être son tout et faire de lui l’équivalent en son cœur qui pouvait paraître plus grand qu’elle ne le montrait véritablement. Glissant l’anneau à l’annulaire de cette tendre moitié, elle fit de lui son époux avec tout le solennel nécessaire à l’instant. Et puis, vint le tour de l’homme qui lui faisait face.

Honnêtement, il aurait lâché un « Je t’aime et puis voilà » qu’elle ne s’en serait nullement offusquée, ne le connaissant que trop bien pour penser le voir s’éterniser dans des envolées lyriques donc il n’avait pas le talent autant que peu la nécessité. Mais pour elle, il fit l’effort. Elle sourit de concert avec lui quand il souligna vouloir faire court par crainte de perdre certains convives. C’était une possibilité mais elle, elle aurait pu l’entendre toute la soirée clamer son amour pour elle. A présent, vous êtes ma famille et putain, j’ai de la chance… Elle retint ses larmes, tournant l’œil vers son fils pour mieux le voir céder à ses émotions lui-même, trop heureux de constater le plaisir profond et mutuel de ces démarches, de ces moments. Tu sais comment je suis, l’étalage de sentiments, ce n’est pas trop mon truc mais aujourd’hui, je vais faire un effort. Elle pouffa, au milieu de ses émotions, manquant de lever les yeux au ciel avec insolence pour mieux s’amuser de cet effort qu’il faisait de devoir s’épancher de son amour pour elle. Quelle plaie, vraiment !

Tout chez toi me plaît, tout chez toi rayonne… même ton sale caractère. L’un des frères de la blonde rit dans l’assemblée, comme donnant raison à son beau-frère. Bien des gens étaient d’accord sur ce point et pourtant, tous ne l’aimaient-ils pas pour cela ? Pour ce caractère aussi détrempé que décapant ? Il finit par lui promettre toutes ces choses qui comptaient et même de gueuler en cas de besoin. Une vraie meute de lions enragée que cette tribu familiale, vraiment. Tu es la pièce manquante de mon puzzle et je suis reconnaissant d’avoir su te trouver. une larme roula sur la joue de la blonde alors qu’il soulignait la pérennité de leur attachement, glissant à son tour l’alliance à son doigt. Le Pasteur vint reprendre le fil mais il n’y avait pas lieu de le suivre car il lui suffisait de s’accrocher à son regard pour comprendre que plus rien d’autre n’existait hormis Owen en cet instant. Et les mots les plus importants furent prononcés, faisant d’eux un époux et une épouse, les autorisant à un baiser qui fut passionné, Owen allant jusqu’à la soutenir dans le dos pour mieux la forcer à s’incliner, son bras venant s’enrouler autour de sa nuque pour assurer cette étreinte alors que résonnaient les applaudissements de leurs proches. Tous semblent heureux, enchantés par ce mariage. Nul n’a rien à redire car tous peuvent lire en ce trio le bonheur et le plaisir de ne faire qu’un. Parker les rejoint et vient finalement resserrer l’étreinte familiale. Oui, là est la juste place de Leanne en ce moment précis.

On vint les féliciter, Les parents, les sœurs, les frères et les amis, tous défilèrent alors qu’on offrait quelques rafraîchissements aux jeunes époux. Dans sa tête, Leanne n’aspire qu’à se retrouver un peu seule avec lui, partager un peu de douceur et de tendresse dans ses bras mais l’heure est à la petite réception orchestrée par la famille réunie. Une longue table d’une trentaine de couverts trône sous le grand érable de la propriété des Owens, décorées de fleurs, éclairée par les milles bougies qu’elle avait demandé alors qu’un rideau de lumière semble l’envelopper, LED délicates qui se font arche gigantesque. Le dîner serait agréable et les grillades seraient à l’honneur, loin des traditionnels traiteurs aux plats servis à l’assiette. La convivialité était le mot d’ordre et tous avaient su mettre la main à la pâte pour résoudre les quelques problématiques des demandes de la jeune femme qui n’étaient que bien peu de choses.

Pour l’heure elle se saisit de sa flûte de champagne français pour mieux venir la faire tinter avec le verre de son époux. « A nous, monsieur Grady. » Elle espérait bien qu’il use sur elle de cette nouvelle dénomination qu’elle venait de conquérir par ce lien sacré devant Dieu. Se penchant doucement vers lui, elle souffla à son oreille. « Si tu veux me kidnapper, je t’en donne le droit… Même si je crois que ta mère est actuellement en train de nous regarder… » En réalité, fuir aurait été bien bête au regard de la soirée qui s’annonçait, mais elle désirait tant se retrouver un court instant dans une bulle avec lui et rien de plus que lui…

Madame Grady. Voilà bien une douce appellation à ses oreilles. Il n’en fallait pas plus pour lui donner le sourire, elle qui n’avait plus qu’envie d’être cette nouvelle femme pour le restant de ses jours et à la vue du monde entier. Il aurait pu l’emmener Dieu sait où, elle s’en moquait car à partir de maintenant, ils étaient unis par ce même patronyme qu’elle avait à cœur de porter comme elle avait su garder celui de Jayden jusqu’à la fin et même encore après.

Face à sa main tendue, elle eut un regard légèrement suspicieux. Pourtant, elle se laissa tenter et aller dans cet instant, leurs doigts se retrouvant pour mieux s’enlacer, la poigne ainsi tendrement réalisée encourageant la jeune femme à se relever et à quitter son assise. Lui suivant avec docilité, elle se laissa emmener jusqu’à la piste de danse sous le regard des convives qui, soudainement, laissèrent les conversations en cours pour mieux regarder ces deux-là faire étalage de leur amour. Les premières notes retentirent et Leanne laissa ses mains se glisser autour de la nuque de son époux, plongeant son regard dans le sien pour s’y noyer avec ivresse.

Dans le rythme lent qu’offrait l’instant, ils se balancèrent, de droite à gauche, leurs corps ainsi liés se promenant à petits pas sur l’ensemble de l’espace sous les regards émerveillés de tous qui se turent, laissant la bulle autour d’eux se façonner avec tendresse. Les lèvres d’Owen vinrent chatouiller son oreille par le souffle chaud qu’il lui offrait, récitant les tendres paroles de cette chanson qui avait tout d’une déclaration. Fermant les paupières, elle se laissa finalement happer toute entière dans l’instant, posant sa joue contre son épaule, un sourire attendri sur les lippes rougies. Elle se laissa bercer dans une quiétude parfaite, le laissant la guider dans cet instant parfait qu’ils façonnaient. Et puis, à contrecœur, la musique prenant fin dans quelques accords, elle se redressa doucement, relevant le regard vers lui avant de l’embrasser avec ferveur. L’instant dura plusieurs secondes durant lesquelles elle ne réalisa pas vraiment que les invités applaudissaient la performance du couple et cette image merveilleuse qu’ils renvoyaient, ensemble. Elle soupire d’aise, ses lèvres quittant celles de son époux avant de le regarder par-dessous les cils. « Merci, Owen… Pour ça et pour tout le reste… »

Une autre chanson, un peu plus entraînante s’élançait et naturellement, le bal étant désormais ouvert, les autres invités se levèrent un à un pour venir sur la piste de danse. Elle rit en voyant certains se lancer dans des mouvements véritablement artistiques avant de reporter une nouvelle fois son attention sur son mari. « Tu aurais tout aussi bien pu chanter pour tes vœux, en réalité… » Car sa voix n’était pas déplaisante et elle s’amuserait encore volontiers de l’entendre dans le creux de son oreille des années durant.

Nul autre lieu sur cette Terre n’aurait su la combler autant que l’espace entre ses bras. C’était comme si, depuis tout ce temps, c’était là que devait résider sa place et nulle part ailleurs. Les bras de la blonde encerclaient la nuque de l’homme, le regard azuré plongé dans celui d’Owen, échangeant en silence bien plus de choses qu’ils n’auraient été véritablement capables de se dire avec des mots bruyants. Le monde aurait pu brûler, ils n’auraient su le remarquer dans cette parenthèse qu’ils s’offraient avec tendresse.

Et finalement, la musique prit fin, rappelant l’un et l’autre à la réalité dans un dernier baiser aussi tendre qu’appuyé, une musique plus entraînante se faisant entendre pour mieux que les convives puissent se joindre à la fête. Pourtant, ils demeurèrent un instant là, dans leur cocon précieux, échangeant un sourire et un dernier baiser venant être déposé sur son front. J’ai fait la promesse de te chérir, pour le meilleur et le pire, et je compte bien appliquer cette promesse. Le sourire de la blonde s’étira en coin tandis que déjà, naissaient les pires idées pour mieux lui faire regretter ses mots dans sa tête. « Donc si je désobéis à tes ordres d’ici quelques semaines, fait preuve d’insubordination et commence à mener une mutinerie à ton égard… Tu m’aimeras toujours, c’est bon à savoir, ma foi ! » Elle savait qu’elle n’avait nul besoin de se montrer aussi peu encline à obéir à la hiérarchie quand il s’agissait d’Owen car tous deux avaient bon nombres de points communs quand il s’agissait du bien être de leurs dinosaures préférés. Et puis, l’un comme l’autre n’hésiterait surtout pas à faire entendre à son vis-à-vis son point de vue, en ca de désaccord, cela avait déjà été le cas par le passé et des compromis avaient été trouvés. Travailler avec son conjoint relevait finalement d’une diplomatie qui n’était pas leur fort mais qui, allez savoir pourquoi, fonctionnait plutôt bien.

Profitant de l’instant pour mieux relever ses talents de chanteur, elle rit face à sa réponse avant de lui adresser un clin d’œil. « Oh ! Mais ton prix sera le mien… » Parker arriva alors, coupant court à cet échange, kidnappant Owen à son épouse qui pouffa en voyant l’entrain du jeune adolescent. Applaudissant les pas de danse et encourageant de la voix les danseurs, elle rit, encore et encore, de cette merveilleuse journée qu’ils avaient sur façonner, pourtant avec bien peu de moyens et le désir de faire les choses à la hâte. Un instant, elle croisa le regard de sa mère dans lequel demeurait une profonde tristesse. La blonde lui avait souri, cherchant à l’encourager à mieux l’imiter et pourtant, elle ne savait que trop bien ce qui se cachait dans ce regard embué : L’absence à venir de sa fille et les trop nombreux dangers qu’ils prenaient, Owen et elle. Quelques jours avant cela, le ton était monté dans une discussion passionnée entre la mère et sa fille, notamment quand il s’était agi d’évoquer l’avenir de Parker. Un avenir momentanément loin de sa mère puis plongé à nouveau dans les dangers qu’ils avaient déjà traversé. Jayden ne t’a donc pas suffit ? Comment peux-tu être aussi égoïste, Leanne ? Les mots l’avaient marquée, évidemment. Mais à travers les poignards acérés qui sortaient de la bouche de sa mère, Leanne entendit sa peur de la perdre, de les perdre. Alors elle avait tout fait pour la rassurer. Elle ne prendrait pas de risques inconsidérés. Elle ne tenterait pas le Diable. Pour Parker. Pour Owen. Pour l’entièreté de sa famille.

Déviant son regard, elle le reposa sur cet homme, sur ce phare dans ses nuits sombres, qui s’agitait tant bien que mal pour imiter Parker qui tentait visiblement de lui apprendre quelques mouvements de break-dance qu’il avait pu voir sur Internet. Et en voyant cela, une conviction forte se créa en elle : Tout irait bien.

Ces deux-là étaient faits pour se trouver, c’était une évidence. A les voir s’amuser avant de tomber mutuellement dans les bras, Leanne sut qu’elle avait offert à Owen et Parker la possibilité de trouver un partenaire complémentaire pour les multiples bêtises à venir… Si tant est qu’ils puissent se retrouver sur le même territoire prochainement. Attendrie par la scène, elle laissa son sourire s’étirer sur ses lippes, le regard porté sur ces deux hommes qui faisaient de sa vie quelque chose d’un peu plus supportable. Et finalement, leur étreinte rompue, Parker s’employa à attraper la main de sa nouvelle grand-mère d’adoption pour mieux tenter de la faire tournoyer sur elle-même. Owen, alors, sembla retrouver le soleil de son propre système en se dirigeant vers elle, se glissant dans le dos de la blonde pour mieux venir passer ses bras contre sa taille. Avec malice, il vint déposer ses lèvres dans son cou, remontant peu à peu jusqu’à son oreille contre laquelle il murmura quelques mots à sa seule attention. Tout va bien ? Elle hocha la tête en guise de réponse, se délectant de ces baisers qu’il venait parsemer contre sa peau avec tendresse. Avait-il su lire cette expression moins joviale sur ses traits qu’une pensée fugace avait su apporter ? Peut-être. Mais ça n’avait pas la moindre importance car ce souvenir ne changerait rien à l’avenir.

Pitié, dis-moi qu’il ne va pas me falloir une heure pour te retirer cette magnifique robe… Elle ricana. « Oh, ne t’inquiète pas, cinquante-neuf minutes seront suffisantes… » Parker tenta alors à nouveau de lui enlever son époux qui n’opposa pas grande résistance. Mais la lionne possessive finit par mieux se retourner, glissant ses pattes autour de la nuque de son mari, plissant le regard pour mieux toiser son fils. « Tut tut tut, jeune homme, bas les pattes ! Monsieur Grady m’est tout réservé pour ce soir… » Parker s’amusa légèrement de la situation, venant hausser les sourcils avec hâte, sous entendant largement la proximité que cette nuit de noces allait bien pouvoir engendrer, si tant est qu’ils puissent encore avoir l’énergie pour cela. « Eurk, j’veux rien savoir ! » Il agita les mains, venant affirmer son dégout avant de finalement laisser ses nouveaux parents dans un sourire amusé et moqueur. Relevant son regard bleu vers Owen, Leanne lui sortit son plus beau sourire en coin. « Tu sais pourtant que je ne suis pas partageuse… D’ailleurs, ne tarde pas trop à me kidnapper loin de tout ce monde… Sinon c’est moi qui vais devoir le faire. »