Leanne est partie en mission pour reprendre le port et les nouvelles se font rares et surtout hachées. Elle n'est pas partie depuis longtemps mais je ne peux pas m'empêcher de m'incruster aussi souvent que possible au poste de commandement ce qui m'a valu plusieurs engueulades et ce qui leur a valu quelques insultes. Oh je fais confiance à Leanne, à 100%, mais cet endroit a été laissé à l'abandon depuis tellement de temps qu'on a aucune idée de ce qu'on va y trouver... En tout cas, aux dernières nouvelles, les carnivores semblaient être absents de cette zone ce qui, en vérité, est une très bonne chose.
C'est donc après m'être pris une nouvelle salve de remontrances et j'en pense, que j'ai décidé de rejoindre la salle commune. J'ai besoin de m'occuper pour me vider la tête et surtout pour arrêter d'être en boucle sur le fait qu'une fois le port sécurisé, ça annoncera le début des recherches pour Blue.
Assis à l'écart, sur un fauteuil, un bouquin dans la main, parce que oui, ça m'arrive de lire, je prends une profonde inspiration et termine le fond de ma 5ème tasse de café de la journée... Ouais, vraiment, être enfermé sur ce navire, c'est pas ma came... j'ai juste la sensation d'être un rat sur un vieux rafiot et c'est pas très ragoûtant.
Je profite de ces quelques instants de paix pour appeler Parker en visio. Il est content de me voir, moi aussi et puis comme sa mère n'est pas là, il peut me parler en toute liberté de cette fille pour qui il a craqué et en bon mec que je suis, je ne peux pas m'empêcher de lui donner quelques conseils en faisant mon max pour ne pas que ça dévie. La discussion dure un bon moment et finalement, Parker est rapidement rappelé par ses horaires et nous devons nous dire au revoir. Une fois l'appel terminé, je coupe l'ordinateur portable.
Nouvelle inspiration, je penche ma tête en arrière et fixe les lumières froides au plafond... Je cligne des yeux une fois puis une seconde et sans m'en rendre compte, je m'endors comme une masse.
C'est en sursaut que je me réveille, sans plus aucun repère et aucune idée de l'heure qu'il est.
- Merde !
Je souffle, passe ma main sur mon visage et me gratte le menton. Ouais, passer des nuits sans dormir, très peu pour moi, ça ne me réussit pas.
J'avais eu vent de la mission qui consistait à reprendre le port qui s'était lancé il y a peu. Reprendre le port...J'avais l'impression de parler d'une mission militaire contre un groupe terroriste ! Souvent, je m'accoudais à la rambarde sur le pont et je fixais en direction de l'île en me demandant ce qui s'y passait. Tout paraissait si calme sur ce navire et si ça se trouve, là-bas par delà les vaguelettes de l'océan, il y avait un grabuge assourdissant sur les côtes infestées de dinosaures. Oh j'espérais que non ! Ou du moins, s'il y en avait, que ce serait en faveur de la mission. Après tout, mes collègues étaient là-bas. Même si je ne les connaissais pas plus que ça, je ne pouvais m'empêcher de m'en faire à leur sujet. Alors que, clairement, ils avaient plus d'expérience que moi.
Je longeais le pont. On aurait pu croire que je baillais aux corneilles mais je gardai l'esprit préoccupé par la mission dont je ne faisais pas parti. Il y avait quelque chose de frustrant à être là, à attendre que d'autres finissent le sale boulot. Je n'avais encore jamais ressenti ça auparavant et ça ne me plaisait pas vraiment. Mais peut-être que je m'en faisais pour rien ? Peut-être que tout roulait de leur côté ! Vivement les nouvelles.
Tablette en main, je me dirigeai vers la salle commune, songeant à m'occuper de la meilleure façon qui soit en attendant de pouvoir réellement être utile une fois l'île sécurisée : en apprendre toujours d'avantage sur ce à quoi j'allais rapidement être confronté une fois à terre. Les dinosaures, oui, certes, c'était déjà un bon début. Je m'étais toujours intéressé à eux de près mais maintenant que je savais que j'allais devoir tôt ou tard me retrouver en face et travailler avec, il était nécessaire de peaufiner tout ça et pas seulement en sachant reconnaître les espèces -ça, je savais le faire depuis tout petit déjà, vive les jouets !-
J'ai pu glaner les informations des pensionnaires du parc, enfin quand c'était encore un parc bien sûr ! La façon dont on s'était occupé d'eux, l'environnement qui leur était dédié, et finalement tout ce qui les concernaient de près ou de loin. Même si c'étaient des dinosaures, ils restaient des créatures inventées de l'Homme. Je ne pouvais pas dire qu'ils étaient à cent pour cent des dinosaures. Leurs gènes n'avaient finalement pas grand chose à voir avec ceux des authentiques reptiles de l'ancien temps. Beaucoup de modifications, de nouveaux besoins...C'était la partie un peu scientifique et compliqué à cerner mais je devais admettre que c'était fascinant.
Je faisais glisser les textes et les images du bout de l'index sur l'écran tactile, regardant à peine où je marchais, absorbé par tant de choses qui n'étaient désormais plus que ruines sur l'île. J'avais quelques photos du site avant la catastrophe. Toutes ces structures si sophistiquées avaient dû coûter plus chers encore que tous les reins trouvables sur cette planète. Mais où diable trouvaient-ils encore assez d'argent pour remettre à flot tout...
- Merde !
— Wooh !
La tablette ! La tablette ! LA TABLETTE ! Ouf...! Je l'ai ! Ou plutôt la réceptionnais-je bien maladroitement après l'avoir bêtement fait jaillir de mes mains au moment où j'entendis hurler juste à côté de moi. Je n'avais clairement pas fait gaffe qu'il y avait quelqu'un dans la salle, planqué dans un fauteuil !
— Ooh...
Et ça, c'était le soupir spécial "omg", signé par Aless -donc moi hein- alors que je m'étais tourné vers celui qui avait haussé la voix en même temps qu'il s'était dressé sur son siège tel un diable sortant de sa boîte. Mais...Mais il n'avait rien d'un diable ! C'était...
C'est le genre de réveil dont je ne suis pas vraiment fan. Se réveiller comme ça, au milieu d'une pièce, sans trop savoir quel jour on est ou quelle heure il est, c'est pour moi la pire chose au monde... Pire qu'une belle mère collante ! Je passe une main sur mon visage, gratte mon menton et regarde partout, tout autour de moi. Mes yeux se posent directement sur un type, sorti de je ne sais où, qui jongle maladroitement avec une tablette pour ne pas qu'elle tombe... Encore un de ces mecs qui ne vit que pour sa technologie tiens. Je passe une main sur mon visage, me frotte une nouvelle fois le dessus du crâne et tente d'émerger comme je peux.
Le yeux baissés vers mes chaussures, la tête prise dans les mains, je prends une inspiration lourde et pleine de sens, lorsque j'aperçois deux pieds qui se sont arrêtés à mon niveau. Je les fixe, fronce les sourcils et espère vraiment de tout coeur que Mr Tablette n'a pas l'intention de faire causette parce que je ne suis pas dans mon meilleur jour.
Il pousse des "Wooh", des "Ooh", je pousse un énième soupir et finis par me redresser pour reprendre une place un peu plus correcte dans le fauteuil. Alors que je me redresse et étire ma colonne vertébrale, il balance un "Owen Grady ?" comme s'il venait de voir la Sainte Vierge en personne.
Je le fixe, plisse les yeux quelques secondes et réponds, sans bouger.
- Ça dépend. Je marque une pause et penche la tête légèrement de côté avant de reprendre. - Je vous dois de l'argent ?
La dernière fois qu'on m'a appelé comme ça, c'est quand Leanne m'a engueulé au sujet d'affaires mal rangées !
Si j'avais pu lire dans ses pensées, j'aurais balancé un grand "je proteste" à ce que j'aurais pu y entendre. Non môssieur, je ne jurais pas que par la technologie ! Et j'avais une attirance folle pour les bouquins également. Seulement, tous les supports étaient bons pour progresser et parfois c'était quand même bien pratique d'avoir sous la main quelque chose de plus transportable qu'une pile de livres et dossiers. Mais comme je n'étais pas télépathe, je ne pouvais percevoir ses pensées. Et comme c'était Owen, même si j'avais pu, je n'aurais jamais eu le cran de protester, donc...Passons.
Je me sentais en cet instant un peu perdu d'ailleurs. Je savais bien que Owen Grady était sur ce navire, qu'il était même mon...mon collègue ! Et avec ma rencontre de Leanne de la dernière fois, il était évident que je finirais par lui tomber dessus un jour ou l'autre. Curieusement, j'aurais presque pu parier qu'il aurait été avec elle pour la mission actuellement en cours et si je n'étais pas en ce moment en train de trop me focaliser sur mon palpitant pour essayer de lui faire baisser d'un ton, j'aurais pu m'interroger d'avantage sur la question.
J'étais probablement en train de sourire bêtement. J'en savais rien, je ne m'en rendais pas compte. Mes yeux voyaient pourtant bien un Owen de sale humeur et la partie de mon cerveau qui traitait la logique me recommandait de tracer mon chemin et de lui foutre la paix mais tout le reste ne traitait rien du tout comme si mes neurones avaient soudainement décidé de faire grève. Bon sang les gars, pas maintenant !
— Hein ?
Il venait de répondre ! Dépêche, dis un autre truc !
— Euh...Mais non ! Pas du tout. Peut mieux faire. Ma tablette serrée contre mon torse, elle ne risquait plus de s'envoler. Mais j'aurais tout de même aimé, là, maintenant, tout de suite, tenir une bonne grosse peluche réconfortante pour m'aider à garder contenance.
...
Me jugez pas, ok ?!
— Je m'appelle Alessandro, repris-je, enfin Alessandro Caldwell et ehm...
Allez, dis-le !
— Bah en fait, je suis...On est collègue quoi. Disons que je suis votre collègue, ou peut-être disons, vous êtes plutôt comme mon boss peut-être, parce que je débute à Jurassic World et euh...Pas vous, donc, voilà.
J'avais la sensation d'être un train en train de dérailler, je ferais mieux de me taire avant une atroce collision explosive ! On respire et on reprend ! On reprends quoi ? Ah non c'est bon, j'ai fais le tour finalement. Bonjour l'approche ! Bon, les neurones, quelles sont vos revendications parce que j'ai vraiment besoin que vous repreniez le travail là !
Le type n'a pas l'air de comprendre de quoi je lui parle à en croire l'expression sur son visage. Je passe une main sur mon visage, me gratte le menton et prends une profonde inspiration avant de me réinstaller confortablement dans le fauteuil que j'occupe. Mon visiteur, lui, ne semble pas vouloir bouger puisqu'il reste là à me regarder, la mine déconfite. Lorsqu'il me fait savoir que non, je ne lui dois pas de l'argent, je pousse un soupir de soulagement et le fixe tandis qu'il serre sa tablette contre lui... Je suis sûr que si elle avait été vivante, elle serait en train d'étouffer là de suite. D'un geste du doigt, je désigne l'objet dans ses bras.
- La serre pas aussi fort, tu vas l'étouffer.
Un sourire rapide file sur mon visage avant de s'effacer. Franchement, je ne sais pas pourquoi il reste là à me fixer mais ça commence à vraiment me foutre mal à l'aise... Je fronce les sourcils et m'apprête à lui demander ce qu'il veut lorsqu'il prend une nouvelle fois la parole pour se présenter. Je lève les yeux vers lui et tente d'essayer de me souvenir de lui... Merde... ma mémoire déconne à ce point là ?? Mais lorsqu'il me dit qu'il débute ici, je pousse un nouveau soupir de soulagement. Ouf, au moins, je ne perds pas la boule.
Machinalement, je lui tends la main pour le saluer.
- Alessandro Caldwell, je te souhaite officiellement la venue chez les fous.
Je marque une pause, pose mon regard sur lui puis sur le fauteuil juste derrière avant de reprendre la parole.
Son soupire lorsque je lui assurai que je n'étais pas là pour quémander de l'argent me surpris plus que de coutume. Je venais de me rendre compte d'une chose : il était possible que Owen ait des dettes financières sur ce bateau ? Je ne sais pas, bizarre cette histoire. C'est alors qu'il reprit la parole en mentionnant le pauvre objet que je torturais contre moi. L'étouffer ? Ouais. C'était fort probable en fait je crois ! Mais je m'y accrochais comme si c'était une bouée de sauvetage et que j'étais actuellement perdu au milieu de l'océan. J'avais peur de la lâcher définitivement si je relâchai mon étreinte et de tomber avec par dessus le marché ! Cependant, les paroles de l'homme me permirent de me ressaisir tout de même pour me rendre compte que j'y mettais sans doute un peu trop de force en effet et je n'avais pas très envie de la casser non plus.
— Euh oui ! lançais-je maladroitement en lâchant un petit rire nerveux.
J'avais jeté un oeil à l'objet qui était intact mais je ne serais pas surpris de l'entendre soupirer lui aussi ! Bref, je me présentais finalement à Owen Grady. Je répète : je me présentai à Owen Grady ! Je crois que mon esprit avait un peu de mal à avaler la nouvelle. Quand l'homme tendit sa main, je ne le fis pas attendre et l'agrippa de la mienne. Je n'avais plus besoin de ma bouée de sauvetage, j'avais l'impression d'être enfin secouru et remonté à bord ! J'étirai un grand sourire.
— Grazie ! Je suis heureux d'être chez les fous, euh, parmi vous, je veux dire !
D'accord, neurones, vous l'aurez votre sucre supplémentaire, vous avez gagné, rangez vos pancartes ! Owen me proposa alors de me poser et, une fois encore, je ne le fis pas prier et m'empressai d'aller m'asseoir face à lui. Bon sang, mais pourquoi ? Qu'est-ce que je pouvais bien lui dire ?!
— Alors...commençais-je timidement, content de reprendre l'aventure...?
