Un soupir de soulagement lui échappa alors qu’elle reposa un premier pied sur le Renaissance. Plus de 24h étaient passées depuis leur départ et ces dernières avaient été plus qu’éprouvantes. Les douleurs physiques venaient jouer avec le manque de confiance qui trahissait un mental ébranlé. Lorna ne chercha pas à se faire bonne camarade, quittant les lieux sans même un regard pour quiconque si ce n’était une moue mauvaise à l’égard de celle qui avait envisagé de la renvoyer fissa à la maison. Elle qui avait cru que Gordon pourrait être de celles avec qui elle avait envisagé de tisser quelques liens à côté de leur travail, la brunette s’était ravisée, n’ayant pas envie d’aller connaître ses motivations pour le sujet. C’était encore trop vif pour qu’elle puisse essayer d’en discuter. Shaw fut le seul capable d’une interaction à son attention, lui sommant d’aller s’assurer que tout était ok pour elle, d’un passage à l’infirmerie. Apparemment, il avait déjà fait le nécessaire pour tout ça, et elle était attendue. Miller était aussi sur sa liste des bras cassés et Lorna se contenta de hocher docilement la tête.

Serrant les dents, elle embarqua ses affaires jusqu’à son dortoir, saluant en grommelant ceux qui croisaient sa route. Projetant son sac sur son lit, elle lâcha un long soupir qui s’achevant dans une grimace qui ne faisait que démontrer que le mal qu’elle s’était causé la veille était probablement plus important que ce qu’elle ne pensait. La mine soucieuse, les sourcils froncés, elle s’assura que personne n’était présent dans la cabine partagée à six pour mieux tirailler sur son T-Shirt. Baissant le regard sur son flanc, elle lâcha une légère plainte désabusée quand elle constata que sa peau n’était plus laiteuse mais violacée à l’endroit même où elle avait accusé le coup de cette foutue poutre. C’était plus grave qu’elle n’avait voulu le faire croire, comme elle s’en était finalement douté. Seulement, c’aurait été un échec plus grand encore que d’être rapatriée et traitée en infirme. Et puis, intérieurement, elle refusait de donner raison à Gordon.

Persuadée qu’une douche chaude ne lui ferait pas de mal, Lorna s’empara hâtivement de ses affaires de toilette, désireuse de s’éclipser avant que Booker ne débarque et ne puisse lui faire la leçon. Se glissant dans l’une des cabines soigneusement verrouillées, elle ôta ses vêtements, un à un, grimaçant selon les gestes qu’elle pouvait faire. Le pire fut sa brassière, la douleur lui arrachant une larme qu’elle essuya d’un revers de main rageur. Tout ça pour ça. Était-elle vraiment si incapable ? Lorna se souvenait des abysses dans lesquels elle avait plongé la dernière fois que cette conclusion s’était durement imposée à elle. Et les démons ne dormaient jamais loin, finalement… L’eau chaude fut momentanément salvatrice Lorna laissant le jet venir masser ses muscles endoloris, prenant soin, cependant, de ne pas l’orienter directement sur sa blessure. Ses doigts vinrent défaire les nattes serrées et soigneusement fixées à son crâne avant de se glisser dans ses cheveux qu’elle mouilla sans relâche. Elle ne sortit de là que plusieurs minutes plus tard, quand le minuteur lui fit comprendre qu’elle n’avait que trop traîné, propre comme un sou neuf.

Se rhabillant de manière plus confortable, elle omit volontairement de repasser un soutien-gorge ou une brassière, ne souhaitant pas s’imposer le calvaire déjà vécu. Qu’allait-on lui dire, à l’infirmerie ? Probablement de s’arrêter pour un certain temps et déjà, elle s’imaginait volontiers tourner en rond sur cet immense bâtiment, dans l’attente d’un mot lui permettant de se rendre à nouveau utile. L’idée qu’on puisse lui donner des anti-douleurs était un combat qui faisait tout autant son quotidien. Il était si facile, quand on commençait, de replonger dans une addiction tout autre, d’autant plus que les médicaments avaient parfois su suppléer l’alcool dans son passé. Elle serait forte. Elle n’avait pas le choix.

Un T-shirt ample et un legging passés, elle prit finalement la route des soins qui lui étaient prédestinés. Se présentant à l’infirmerie, on lui indiqua un box de soin où elle s’assit sur un lit, soupirant doucement en attendant qu’un médecin ne vienne l’ausculter.

Hatori revenait d'une pause à la cantine où il avait dégusté un thé en lisant les derniers rapports de ses pairs.  Il savait que les équipes commençaient à se rendre sur un terrain d'exercice afin de se préparer en conditions réelles. L'enfer n'allait pas tarder à s'ouvrir sous ses pieds. Il se sentait prêt cependant, comme la dernière fois. N'était-il pas venu pour ça ? Les statistiques demeuraient sans appel.
Dans l'ensemble, les patients qui se présentaient souffraient principalement de piqûres d'insectes, de déshydratation ou de difficultés d'acclimatation. Rien de bien terrible. Les problèmes mentaux étaient un peu plus compliqués à gérer et il n'hésitait pas à les renvoyer vers les psy du bateau.
Certains commençaient à angoisser avec l'approche de Isla Nublar, d'autres s'impatientaient et semblaient souffrir de bore-out.
Il ne pouvait traiter que les problèmes physiologiques, c'était déjà bien assez. La veille, un homme s'état cassé le tibia en tapant trop fort lors d'un entraînement. Les sacs de frappes ne suffisaient plus vraisemblablement, mieux valait essayer les murs pour tuer les nerfs et devenir invincible.

Il se présenta au comptoir d'accueil ou l'une des infirmières lui tendit une tablette dont l'écran affichait un dossier médical.
-Elle t'attend dans le box 2, lui annonça-t-elle avec un sourire avant de se replonger dans sa paperasse.
Le chirurgien la remercia et se dirigea à l'endroit indiqué en découvrant le dossier. Lorna Forbes.
Il haussa les sourcils de surprise et s'arrêta sur place. Elle était présente sur le navire ? Et déjà à l'infirmerie ?
Sans s'en rendre compte, il reprit sa marche et pressa le pas.
Arrivé à destination, il toqua deux fois, puis abaissa la poignée.
Lorna lui apparut, assise sur le lit. On aurait dit un chien battu en attente d'une adoption. Dans le fond, elle n'avait pas vraiment changé en quatre ans. Les cheveux plus courts peut-être ? Il n'en était même pas sûr.

- Bonjour Lorna, lança-t-il d'une voix enjouée pour tenter de contraster avec la mine morose de la jeune femme.

C'était peut-être un peu trop. Il n'allait pas se réjouir qu'elle soit à l'infirmerie quand même !
Il marqua une pause puis s'avança vers elle avant de reprendre :
- Tu te souviens de moi ? Le Docteur Hatori. Alors qu'est-ce qui t'amène ici ?

Il aurait pu lire le dossier mais il préférait la discussion ouverte avec les patients, histoire de détecter justement leur état mental et s'assurer qu'ils s'ancraient toujours dans le réel.

Attendre n’était pas la plus grande des vertus de Lorna. Tapotant inlassablement le matelas du bout de ses doigts, elle soupira à plusieurs reprises, sa patience s’épuisant à mesure que le temps s’égrainait. Aurait-ce été pour une activité toute autre, peut être aurait-elle pu puiser dans ses réserves pour mieux accorder au temps un peu de répit mais, dans la situation présente qui ne lui était pas réellement favorable, elle espérait davantage qu’on abrège ses souffrances plutôt qu’on ne la laisse éternellement dans l’inconnu.

Le regard baissé sur ses genoux, elle se remémorait l’ensemble chaotique de la journée précédente. Sa grimpe bancale qui n’avait été louable que par sa capacité à se rattraper dans quelques mouvements improbables, et puis cet enchaînement d’obstacles apocalyptique qui lui avait valu cette douleur lancinante qui se rappelait à elle à chaque fois qu’elle prenait une profonde inspiration. Elle était bien moins opérationnelle que quatre années auparavant et, pourtant, tous ceux qui avaient été là savaient de quelle manière ça s’était achevé, pour elle.

La porte s’ouvrit, finalement, et elle se redressa, retenant un gémissement de douleur et un grognement devant ce geste, tournant son regard vers l’ouverture sur le monde extérieur. Et alors, quelle ne fut pas sa surprise de croiser le regard doucement étiré d’un médecin bien particulier. Haussant les sourcils, elle fut presque surprise du ton enjoué qu’il employa. S’il pouvait être heureux de la croiser à nouveau sur sa route, elle espérait bien qu’il ne le soit pas de savoir qu’elle puisse à nouveau s’être salement amochée…

Tu te souviens de moi ? Le docteur Hatori. Elle hocha la tête, tachant d’esquisser un sourire sur ses minces lèvres. « Yup… Contente de vous revoir, doc. » Après tout, il l’avait bien accompagnée lors de l’incident qui avait fait d’elle un dommage collatéral. Elle avait fort apprécié son implication et sa volonté de servir et d’aider son prochain en réalisant un travail exemplaire. Alors, qu’est-ce qui t’amène ici ? « Au moins, cette fois, je suis consciente pour vous le dire moi-même, hein ? » Le sourire en coin s’étira avant qu’elle ne soupire longuement, tiraillant son T-shirt pour montrer une partie de son flanc abîmé. « Une mauvaise chute en entraînement. J’aime bien me faire remarquer, qu’est-ce que vous voulez… » A tel point qu’elle avait été l’origine même de quelques dissentions au cœur de l’équipe Alpha. La prochaine fois, mieux valait peut être s’abstenir d’une telle chose… « Mon côté chevronné vous dirait de mettre un peu de crème pour calmer tout ça mais… J’suis pas sûre que ça suffise. » Parce que, la vérité, c’était qu’elle souffrait énormément en réalité. Se redresser réveillait a douleur interne, tout comme se tordre dans un sens ou dans l’ordre. Elle n’osait même pas imaginer ce qu’il se passerait quand elle rirait. « Après, si un pansement licorne suffit, j’suis preneuse ! » Non, ne pas rire. Surtout, se retenir. Elle appliqua ce mantra en grimaçant légèrement avant de soupirer à nouveau. « Ca fait plaisir de vous revoir, en tous cas. On est entre de bonnes mains, avec vous. » Et elle lui offrit un sourire franc et chaleureux.

Hatori fut quelque peu surpris. Elle était contente de le revoir ? C'était bien la première fois qu'un patient lui disait ça. Comment pouvait-on être heureux de se retrouver ici ? Non la plupart des gens râlaient ou montraient de la mauvaise volonté face aux soins.
Il se surprit encore plus en laissant échapper un petit rire à sa plaisanterie. Au moins, elle vivait bien le fait d'avoir survécue indemne à une commotion cérébrale de cette ampleur il y a quatre ans.
Alors elle releva son t-shirt et lui montra l'étendu des dégâts. Une mauvaise chute (encore ?) et vu la couleur de sa peau, il n'était pas très optimiste pour la suite.
Restait à savoir si ses os avaient tenus bons ou non.
Il n'avait pas besoin de tâter pour le savoir, déjà parce que cela serait sûrement très douloureux pour elle et aussi parce qu'il avait déjà une vague idée de ce qu'elle avait.
Il hocha la tête en la regardant avec compassion.

-J'ai bien peur qu'un pansement ne suffise pas.

Il l'observa un instant, évaluant la douleur qui émanait d'elle à travers les grimaces et ce qu'elle tentait de camoufler. Suite à quoi, il reprit la tablette et lu le rapport déjà saisi par l'infirmière qui avait admis Lorna.
À nouveau il hocha la tête avant de se retrouver nez à nez avec le sourire de la jeune femme qui venait encore une fois de le complimenter.

- Je ne fais que mon travail, assura-t-il avec humilité. Moi aussi je suis content de te revoir, même si j'aurais préféré d'autres circonstances. Qui plus est, tu risques de moins apprécier ta visite avec ce qu'il va suivre. Est-ce que tu peux me décrire ta chute et ta douleur ? À quels moments as-tu le plus mal ? Dans quel mouvement ? Pour être honnête, je suspecte une fracture d'une ou deux côtes ou à minima une fêlure. Je te dirais bien qu'on peut le vérifier à la radio mais dans la réalité, on ne voit pas toujours ce genre de blessure par ce biais et même si on les voit, ça ne nous apporte pas grand chose, alors si on peut l'éviter...


Attendant ses réponses, il tapotait déjà sur la tablette ce qu'il était certain d'administrer. Des antidouleurs, des anti-inflammatoires et beaucoup, beaucoup de recommandations qui, il n'en doutait pas, allaient la déprimer.
Il allait devoir surveiller que cette blessure ne tourne pas en pneumopathie comme cela pouvait arriver parfois. Pour l'éviter, elle devrait marcher le plus possible malgré la douleur. Dans tous les cas, seule la patience la guérirait. Il n'y avait pas grand chose à faire en réalité en dehors d'attendre que le corps se remette. Comment le prendrait-elle lorsqu'il lui annoncerait qu'au bas mot, elle était arrêtée pour un mois complet ?
Il craignait plus le mental que le physique la concernant et oour cela, il n'était pas le plus indiqué pour l'aider.

J’ai bien peur qu’un pansement ne suffise pas. Elle grimaça, se doutant plus ou moins que les choses étaient plus graves que ce qu’elle ne pouvait le penser. Evidemment, vu la couleur que prenait son épiderme, un pansement ne suffirait pas. Soupirant longuement, elle essaya de ne pas se laisser abattre par toute la situation car l’abattement était le symptôme premier qui la ferait replonger dans les méandres de son Enfer personnel. Au moins, comme elle le verbalisa, elle n’avait pas à craindre de mauvais soins. Je ne fais que mon travail. Et certains le faisaient mieux que d’autres. Au moins, elle devait cela aux grandes instances de Jurassic World : Ils ne recrutaient que les meilleurs.

J’aurais préféré d’autres circonstances. Un rhume aurait suffi, probablement, même si elle se demanda si on pouvait déranger le médecin pour si peu. Une infirmière pouvait largement faire l’affaire pour traiter les petits tracas du quotidien. Là, ses côtes demandaient un peu plus d’attention que le reste, visiblement. Qui plus est, tu risques de mois apprécier ta visite avec ce qui va suivre. Machinalement, elle grimaça, prenant une profonde inspiration aussi douloureuse que supposée l’aider dans la gestion de ce qu’il comptait lui annoncer. Est-ce que tu peux me décrire ta chute et ta douleur ? A quels moments as-tu le plus mal ? Dans quel mouvement ? Pour être honnête, je suspecte une fracture d’une ou deux côtes ou a minima, une fêlure. Il évoqua ensuite une radio qui pouvait être éviter parce que ne permettant finalement pas d’aider au maximum la pose de diagnostic. Lorna expira doucement, essayant de contrôler son souffle pour que les choses soient la moins douloureuse possible. « Je vais mériter le trophée de la pire agent de sécu, à ce rythme… » Deux déplacements sur terrain, deux hospitalisations. Un plaisir, vraiment. Et encore, elle avait momentanément réussi à oublier les soucis de cohésion que cela avait pu engendrer.

Relevant ses yeux verts sur le médecin, elle lui adressa un pauvre sourire. « J’ai glissé de la poutre, à l’entraînement. J’ai à peine eu le temps de comprendre ce qu’il m’arrivait : mes jambes sont parties d’un côté et je me suis pris la poutre sur le flanc avant de m’écraser encore plus bas. Avec mon sac de matériel sur le dos. Et… Je ne voulais pas être évacuée donc… De la marche, une nuit en hamac… » Elle n’était pas fière, en réalité, du bilan qu’elle faisait. Sa vie valait-elle réellement tout ça ? Intérieurement, elle grogna car cela revenait à accorder raison à Gordon et elle n’en avait pas envie. Qui était-elle, pour essayer de lui dire ce qu’il y avait de mieux pour elle ? C’était surtout ça, qui la dérangeait. « J’ai mal… Tout le temps ? Vous savez comment on est foutus, ici. On a beau avoir mal, ça finit par devenir secondaire. J’ai surtout mal quand je dois porter des trucs ou bien me tordre vers la gauche ou la droite. Et un peu quand je respire un peu fort. » Fêlée ou cassée, finalement, c’était la même chose. Elle risquait d’être mise au banc pour une durée qu’elle ne pouvait qu’imaginer. « Et finalement, la douloureuse, ça va être plutôt vous qui allez me l’annoncer, non ? » Elle ne parlait pas d’argent mais bien de temps. Merde, mais allait-elle seulement un jour servir à quelque chose dans cette entreprise ?

La jeune Forbes face à lui souffrait, c'était certain. Et pas que physiquement à en juger par ses premiers mots. Il n'avait pas oublié la commotion cérébrale qui l'avait coulée au lit un moment. Cependant, sa petite expérience au sein de Jurassic World, avait appris à Hatori que les agents d'intervention étaient souvent blessés. Après tout, ils étaient en première ligne et prenaient souvent des risques inconsidérés.
Pour rien au monde il n'aurait souhaité être à leur place mais il admirait leur ferveur et leur volonté de ne pas céder à la peur. Car ils devaient bien être soumis à cette puissante émotion n'est-ce pas ?
Lorna devant lui, avait peut-être l'apparence d'une jeune biche blessée, il la savait forte. Certainement plus forte que lui même.

Tandis qu'elle le regardait pour lui narrer l'incident, il l'observait et tentait d'imaginer la scène, juste pour se faire une idée.
La chute avait du être belle avant même d'y ajouter la marche, la nuit en hamac et la marche à nouveau dès le lendemain.
Oui, elle était forte.
Elle aurait du être évacuée ceci dit, il fut surpris que son responsable ne prévienne pas.
Ceci dit, il n'était pas là pour traiter des dysfonctionnements de communication.
À présent, il avait à traiter une jeune femme qui devait avoir une ou plusieurs fractures. Peut-être de simples fêlures. Dans tous les cas, il doutait que des éclats se promènent présentement dans le corps de la jeune femme. Si cela avait été le cas, elle aurait déjà montré des signes de détresse.
C'était donc moins grave que ce que l'on pouvait croire.

Il prit des notes, suite à ce qu'elle était entrain de lui raconter et commençait déjà à mettre en place un processus de soin, directement sur la tablette. Le silence s'était abattu entre eux, rapidement rompu par la jeune femme, sur un trait d'humour.
Le chirurgien sourit naturellement et vint s'installer sur un tabouret, qu'il fit glisser face à elle.

- Ça va dépendre car ça peut varier de 1 mois à 6 en fonction de fracture ou fêlure, commença-t-il. Le corps est plutôt bien fait et dans ces deux cas, on a juste à laisser faire le temps et à surveiller. Donc pour commencer, tu vas venir t'installer ici pour les 6 prochains jours pour plusieurs raisons.
Il montra son pouce pour commencer à compter. La première, c'est que je veux m'assurer qu'il s'agisse d'une fracture simple et qu'il n'y aura pas de complications. La seconde (il ajouta l'index), c'est que le lit médicalisé peut-être surélevé et que tu dormiras mieux que dans le lit du dortoir. La troisième (déployant son majeur) c'est qu'il va falloir que tu marches tous les jours et que tu pratiques aussi des exercices de respiration, c'est pour éviter des complications pneumo thoraciques. Mieux vaut les faire avec nous que toute seule dans un dortoir. Après ces 6 jours on verra où tu en es niveau douleur et on ajustera.

Lorna avait le don de développer chez lui un instinct paternel. Parfois, il pensait à cette fille qu'il n'aurait jamais, celle qui avait péri avec l'accident de sa mère. Aurait-il été un bon père ? Il aimait à penser que oui. Faute d'enfant à lui, il était extrêmement doux et gentil avec ses patients.
- Je peux te donner des antidouleurs si tu le souhaites. Ce n'est pas une obligation.
Il préférait le préciser, compte tenu du dossier de sa patiente. Dans le même temps, était-elle vraiment apte à choisir ? Elle qui n'avait pas eu la présence d'esprit de se faire rapatrier.

Ca va dépendre car ça peut varier de un mois à six en fonction de fracture ou fêlure. « Putain de merde… » Le juron lui échappa alors qu’elle prenait conscience du problème. Un mois, elle pouvait l’entendre. Six… Merde mais comment pouvait-on espérer qu’elle attende six mois durant à ne rien foutre ? C’était impensable. On la renverrait loin d’ici avant la fin de l’échéance et alors… Quoi ? Que deviendrait-elle, exactement, sans but ? Cherchant à prendre une grande inspiration pour garder son calme autant que possible, elle grimaça à nouveau, toisant pourtant le médecin qui poursuivait ses dires. Laisser faire le temps et surveiller. Quelle plaie… Pourquoi fallait-il toujours que ça tombe sur elle ? Pour commencer, tu vas venir t’installer ici pour les six prochains jours pour plusieurs raisons. La première, c’était parce qu’il rêvait d’avoir une colocataire, c’est ça ?

Agitant ses doigts un à un, il énuméra tranquillement les faits, allant de poser un diagnostic fiable à une histoire de confort en passant par une forme de rééducation déjà à mettre en place. Après ces six jours, on verra et on ajustera. Avait-elle réellement le choix, de toutes façons ? Entre être à moitié cassée et être définitivement cassée, quelle était la meilleure option, vraiment ? « C’est le moment où je suis supposée vous dire que vous en faites trop et que ça va aller, c’est ça ? » Mais elle ne serait pas une mauvaise patiente. Elle l’avait été à demi la première fois et ça lui avait valu le droit d’être tenue sur la touche alors que Banks foutait un bordel monstrueux. « J’ai le droit d’aller chercher mon pyjama pour mieux encaisser les soirées à venir ou bien vous me clouez au lit dès maintenant ? » Mieux valait tenter de garder un peu de légèreté. Avec beaucoup de chance, elle se remettrait plus vite qu’il ne l’annonçait. Parce qu’elle avait déjà un karma de merde, ça ne pouvait pas être pire, non ?

Je peux te donner des antidouleurs, si tu le souhaites. Ce n’est pas une obligation. Elle se mordit la lèvre inférieure. Les médicaments tels que ceux-là lui avaient été fortement déconseillés depuis qu’elle avait entrepris sa cure de désintoxication car il était évident qu’une addict pouvait plonger dans le vice voisin pour se faciliter l’existence. Une poignée de médocs pouvait bien remplacer un litre de bourbon, non ? « Ca va aller… Je vais encaisser. » Son jeton des mille jours de sobriété était bien là, quelque part, dans ses affaires, non ? Il allait falloir qu’elle le récupère, lui aussi, comme un doudou étrange qui lui permettrait de tenir pour de bon. « Ils vont me renvoyer sur le continent ? » Parce qu’une bouche à nourrir pesait son poids et qu’elle n’avait pas idée de comment les choses pouvaient être gérées dans ce genre de cas. Après tout, c’était un accident de travail comme Jurassic World avait l’habitude d’en faire, des coups de crocs en moins…

Le juron que la jeune femme laissa échapper ne le surprit pas vraiment. À peine arrivée et déjà blessée. Il y avait de quoi se senir minable et inutile. Encore plus lorsque l'on travaillait dans la sécurité et que les missions sur l'île n'allaient pas tarder à reprendre. Il fit mine de n'avoir rien entendu pour ne pas porte l'emphase sur son ressenti. Et puis, qu'aurait-il pu ajouter de toute façon ?
À la place, il lui expliqua la procédure à mettre en place dans un premier temps.
Calmement, sans pour autant minimiser l'événement. Elle allait souffrir c'était certain, encore plus sans anti-douleur. Cependant, ce pouvait aussi être bien moins grave que ce qu'il prévoyait et elle pouvait être remise d'ici un mois. Il ne voulait pas qu'elle se fasse des idées et jouait de transparence avec elle.
La fourchette était large, 1 à 6 mois mais c'était la vérité.

Il lui offrit un sourire compatissant à la remarque qui suivit. Elle savait qu'il n'en faisait pas trop, il savait qu'il n'en faisait pas trop. Tous deux savaient pertinemment que Hatori ne plaisantait jamais sur les soins à apporter sans pour autant tomber dans le trop.
Son sourire s'élargit encore à l'évocation du pyjama. Il préférait lui fournir un pyjama de l'infirmerie, enfin, une blouse qui était plus adaptée à la réalisation des soins.

- Tu peux aller récupérer tes affaires mais pas de pyjama. On a des blouses ici, ça sera plus pratique pour moi, assura-t-il. Je t'accompagnerais pour porter ton sac et tu vas devoir marcher avec une canne pour limiter tes efforts. Ou alors, tu peux me dire ce que tu veux et je peux aller te le chercher.

C'était un peu un traitement de faveur en réalité, il aurait pu envoyer une infirmière. Cependant, il ne croulait pas sous le travail non plus et pouvait bien prendre ce temps durant sa pause par exemple.
D'autant plus qu'elle refusait les antidouleurs comme il s'en était douté.
Il posa la tablette sur sa cuisse et la regarda avec sérieux.

- Dans l'immédiat non, commença-t-il. Je préfère que tu sois traitée ici. Il faut bien que tu comprennes Lorna que même si d'ici un mois ça va mieux, tu ne retourneras pas sur le terrain en mission d'exploration tout de suite. On devra te trouver d'autres occupations, peut-être en logistique mais rien qui n'induise que tu doives porter une charge.

Désolé pour elle, il afficha un sourire compatissant avant de se lever.

- Mais tu es solide, je peux en attester et je suis convaincu que tout ça n'est pas si grave.

Elle aurait voulu rire en pariant sur son sort, elle aurait probablement misé sur la triste réalité qu’elle affrontait maintenant. Lorna Forbes, celle-qui-ne-s’en-sortait-jamais-indemne. Voilà ce qu’il faudrait songer à mentionner dans son dossier. Certains, peut-être, iraient même jusqu’à la voir comme maudite, à ce rythme. Si c’était l’équipe alpha, finalement, ce n’était peut être pas plus mal… Au moins, elle n’avait pas l’intention de s’éterniser avec eux, pas après les dissensions que cet entraînement avait su montrer.

Tu peux aller récupérer tes affaires, mais pas de pyjama. Hein ? Il compta la faire dormir dans ces fringues ? On a des blouses ici, ce sera plus pratique pour moi. Elle dut lutter pour ne pas rire, l’ironie allant jusqu’à lui imposer une tenue qu’elle jugeai déjà comme sacrément inconfortable. Et sinon, il y avait une vraie bonne nouvelle dans tout ce merdier ? Je t’accompagnerais pour porter ton sac et tu vas devoir marcher avec une canne pour limiter tes efforts. Bon Dieu, il voulait la tuer de honte, c’est ça ? Qu’il s’économise : une injection suffira largement à l’endormir pour toujours, non ? Ou alors tu peux me dire ce que tu veux et je peux aller te le chercher. « Donc soit vous mettez le nez dans mes affaires, soit je me tape la honte de la décennie en débarquant à moitié handicapée là-bas ? J’imagine déjà la tête de Booker, tiens… A choisir, je préfère que vous évaluiez vous-même ma collection de sous-vêtements, je n’utiliserai pas la moindre canne. » Et pourquoi pas un fauteuil roulant… ? En réalité, peut-être l’avait-il envisagé mais s’était-il rendu compte, seul, du manque de praticité d’un tel engin dans un bateau tel que celui-ci…

Elle mit machinalement sa tête dans ses mains, retenant un soupir. Mais pourquoi, bordel ? Pourquoi le sort jouait-il autant avec ses nerfs ? Il faut bien que tu comprennes, Lorna, que même si d’ici un mois ça va mieux, tu ne retourneras pas sur le terrain en mission d’exploration tout de suite. On devra te trouver d’autres occupations, peut être en logistique mais rien qui n’induise que tu doives porter une charge. « Vous savez que là, plus vous parlez, plus j’me dis que j’aurais mieux fait de tomber sur la tête en fait… » Elle laissa échapper un demi-rire, sa main droite venant machinalement soutenir ce flanc gauche et douloureux. Mais tu es solide, je peux en attester et je suis convaincu que tout ça n’est pas si grave. Elle hocha machinalement la tête. « Mais je vais manquer le meilleur de la fête, hein ? C’est ça ? » Elle soupira longuement ses doigts venant resserrer le matelas du lit d’infirmerie avec force. « J’ai pas envie de me retaper de la logistique, doc… Et même ça, ça va demander de porter des trucs… Je suis un foutu poids mort, c’est dingue d’avoir autant la poisse que ça… Il n’y a rien à faire pour accélérer le processus ? » Plus vite. Toujours plus vite. Le temps s’égrainait et Lorna ne pouvait que constater sa ridicule survie quand d’autres s’écroulaient autour d’elle. Pourquoi survivait-elle tout en demeurant inutile ?

À son grand regret, Lorna refusait d'utiliser une canne, invoquant une histoire de honte auprès de ses collègues, dont un certain Booker. Le nom ne lui était pas inconnu mais il ne se souvenait plus vraiment et n'avait pas la tête à chercher présentement. Il pinça délicatement les lèvres cherchant à laisser passer l'orage dans les propos de la jeune femme. Elle avait placé la tête entre ses mains, accusant le coup de ce que lui, dans son rôle d'enquiquineur, lui imposait.
Il avait l'habitude. On trouvait toujours que les docteurs en faisaient trop, ici encore plus qu'ailleurs. Il savait aussi que ses mises en garde et ses diagnostiques s'avéraient toujours exacts.
Il n'était pas là par hasard.
Alors, sans dire un mot, il la laissa faire. Elle s'épencha, montra son désaccord dans un brin de détresse et quelques fils de colères. Le sarcasme semblait être son arme de prédilection et à nouveau, il ne renchérit pas, même quand elle se fit mal toute seule en riant.
Ce rire avait du secouer ses côtes.
Quand enfin elle acheva de faire le tour de la question, elle lui en posa une nouvelle. Que faire pour accélérer le processus ?

Hatori planta ses yeux en amande dans ceux de la jeune femme.
- Si, annonça-t-il s'attendant à voir l'espoir illuminer les traits de Lorna.
Il marqua une courte pause comme s'il faisait durer un suspens pas forcément nécessaire alors qu'il cherchait juste ses mots.
- M'écouter en prenant en compte mes conseils. Je t'assure que je ne te dis pas tout ça pour t'embêter. La canne sera nécessaire pour te déplacer. Tu vas devoir marcher, tous les jours, je te l'ai dis. Le principal risque dans ton cas, c'est une complication pneumo thoracique. Les seules méthodes pour y échapper, c'est de marcher et de bien respirer. Ce sera douloureux, je ne te le cache pas.
Alors si tu veux savoir comment accélérer le processus ? Et bien mange bien, dors bien et fais tes exercices. Dans une semaine on pourra réévaluer la situation.

Il ne pouvait pas faire plus. Quelle était cette étrange attitude à toujours vouloir aller au devant du danger, encore et encore. À croire que les agents d'intervention développaient une sorte d'addiction à l'adrénaline dans une sorte de quête de celui qui en ferait le plus sur l'île.

- Bon, on va les chercher ces vêtements ? Pas de pyjama mais des affaires dans lesquelles tu seras à l'aise pour ton séjour et tes exercices.

Il se releva et lui offrit un sourire. C'était tout ce qu'il pouvait faire en plus de la motiver à se bouger pour qu'elle ne se sente pas parfaitement inutile. Elle ne l'était pas. Personne ici ne l'était.
Sur le point de franchir la porte de la salle d'auscultation en quête d'une béquille, il se retourna vers elle.

- Les agents de sécurité logistique ne font pas que porter des trucs, il y a aussi toutes les télécommunications. Ils seraient sûrement un peu vexés de voir comment tu réduis leur métier.

Il plaisantait. Enfin, il essayait.

Si. Lorna avait écarquillé les yeux, soudainement emplie d’un espoir neuf et brillant. Vraiment ? Elle pouvait espérer améliorer sa guérison et la rendre plus courte et plus rapide ? La pause qu’il fit lui sembla longue, pour ne pas dire éternelle. Et puis… M’écouter en prenant en compte mes conseils. Oh wow. Le regard de la brunette se fit désabusé face à cette réponse aussi évidente que l’était cette affirmation qui nous rappelait que l’eau mouille et le feu brûle. Je t’assure que je ne dis pas tout ça pour t’embêter. La canne sera nécessaire pour te déplacer. Tu vas devoir marcher, tous les jours, je te l’ai dis. Elle aurait été allongé, elle aurait probablement enfoncé sa tête dans son oreiller pour mieux tenter de passer outre sa frustration. Là, elle ne pouvait que soupirer en hochant la tête, grommelant intérieurement sur l’injustice qui était la sienne. Il évoqua alors les complications, les risques et, forcément, en soldat optimisant au mieux sa récupération, elle savait que n’importe laquelle de ces options ne serait favorable à un retour sur le terrain plus rapide. Ce sera douloureux, je ne te le cache pas. Tant mieux. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle méritait cette douleur mais si ça pouvait être une manière pour elle de l’endurer et de s’endurcir plus encire, sans avoir recours à un quelconque substitut médicamenteux, alors soit.

Dans une semaine, on pourra réévaluer la situation. Elle soupira doucement, tant pour ne pas raviver la douleur de son flanc que pour faire part de sa faculté à encaisser les paroles du docteur. Après tout, il savait de quoi il parlait, lui qui avait déjà su la retaper une fois… On va les chercher ces vêtements ? Elle hocha doucement la tête. « J’espère qu’elle est solide, votre canne… Si Booker commence à se marrer, elle pourra m’être utile… » Avait-on le droit d’assommer ses camarades ? Peut-être pas, mais bon, elle entretenait, avec l’autre agent de sécurité, une relation comparable à celle d’un chat et d’un chien. Elle le regarda quitter la pièce avant de s’arrêter. Les agents de sécurité logistique ne font pas que porter des trucs, l y a aussi toutes les télécommunications. Ils seraent sûrement un peu vexés de voir comment tu réduis leur métier. « Si vous m’envoyez bosser avec ce tas de geek, j’vous jusre que c’est contre vous que je vais me servir de cette canne, doc… » A son tour, elle étira son sourire en coin, cherchant à lui prouver qu’elle plaisantait, elle aussi… Enfin, plus ou moins.

Un sourire éclaira le visage de l'asiatique. Au moins elle n'avait pas perdu son sens de l'humour. En revanche, si elle envisageait de frapper quelqu'un avec une béquille les conséquences pouvaient être douloureuses pour elle. Le simple mouvement la ferait grincer des dents. Cependant, n'avait-elle pas parcouru une île entière en revenant de son entraînement ? La fille était solide, c'était un fait.
Malgré toutes les blessures qu'il lui connaissait, elle était encore là.
De ce qu'elle disait, l'ambiance dans son dortoir semblait bon enfant. Ce Booker devait avoir la moquerie facile mais Lorna semblait être capable de gérer ça.

Alors qu'il franchissait la porte après lui avoir servi une petite plaisanterie sur la réaction des agents de sécurité dans la logistique, Lorna le menaça de lui donner un coup de canne à lui s'il l'envoyait travailler avec les "geeks".
Il eut un éclat de rire bref sans pour autant se tourner vers elle.

L'infirmière à l'accueil releva le nez de son écran et le regarda, un sourcil levé.
Il lui sourit pour toute réponse et lui demanda une béquille pour sa patiente. Sa collègue se leva et se dirigea vers la réserve de matériel pour lui rapporter ça.
De son côté, Hatori passa derrière le comptoir et entama d'inscrire Lorna dans les effectifs de l'infirmerie pour les sept prochains jours en attendant que la jeune femme franchisse le seuil à son tour.
Après tout, la paperasse n'était pas du seul ressort des infirmières.
Celle-ci réapparut juste après l'arrivée de Lorna, une béquille à la main.
Hatori rejoignit les deux éléments féminins et présenta à Lorna sa nouvelle meilleure amie pour les prochaines semaines.

Il la posa au sol, droite aux côtés du corps de Lorna et régla la hauteur avant de lui demander de la prendre en main.

- N'hésite pas à t'appuyer dessus. Ça va t'aider pour marcher tu verras.

Alors il la laissa prendre ses marques avec ce nouvel outil pendant quelques instants, le temps qu'elle fasse quelques pas et ajuste naturellement sa posture. L'être humain avait cette capacité à apprendre tout seul à limiter la douleur en adoptant une posture qui le soulageait.

- On y va ?
Il ouvrit la marche, préférant être devant elle pour les deux étages à descendre. Pas d'ascenseur ici, les marches seraient les pires ennemis de la jeune femme, mais encore une fois, il avait foi en ses capacités.

Le rythme était donné par la jeune femme, jusqu'au dortoir où il l'accompagna dans le but de lui confectionner un sac, selon son bon vouloir.
Il tenait à être serviable, même s'il doutait qu'elle lui demande quoique ce soit. Au moins, il était là.

Le médecin avait lâché un rire avant de s’éclipser, laissant un instant à Lorna pour ajuster son état d’esprit. Doucement, tant parce qu’elle ne souhaitait pas laisser la douleur l’envahir à nouveau que parce qu’elle avait besoin de cette lenteur pour mieux contrôler son esprit tourmenté, elle soupira profondément, ses doigts se resserrant péniblement sur le matelas du lit qui serait potentiellement le sien pour les prochains jours, si ce n’était plus. Les paupières closes, elle tâcha de contrôler ce qu’elle pouvait, acceptant difficilement la situation, cherchant, comme on le lui avait enseigné, à se focaliser sur l’espoir d’une guérison rapide et, plus globalement, sur le positif. Quand elle rouvrit les paupières, quelques secondes avaient passé et la situation n’avait pas changé. Seulement, Lorna avait appris, ces dernières années, que si une situation ne changeait pas, elle pouvait changer sa manière de la vivre selon sa manière d’accepter les choses.

Glissant au sol avec prudence, elle finit par se remettre sur ses pieds, s’avançant prudemment et en grimaçant légèrement jusqu’à la sortie, sur les pas du docteur. Lui adressant un maigre sourire, elle avisa l’infirmière qui revenait, elle aussi, une béquille en main. Elle soupira à nouveau alors qu’il la lui tendit, après l’avoir ajustée pour elle. N’hésite pas à t’appuyer dessus. Ca va t’aider pour marcher, tu verras. Elle n’était pas franchement convaincue mais s’il insistait pour qu’elle le fasse, c’était que, potentiellement, cela viendrait soulager son fardeau et alléger sa convalescence. Obéissante, elle tenta quelques pas, cherchant le bon rythme entre l’utilisation de cette troisième jambe et les deux déjà en place. Elle grimaça, quelques fois, découvrant comment la douleur pouvait s’intensifier si elle agissait mal. Et puis, finalement… On y va ? Elle hocha la tête, suivant le médecin, abordant les marches avec prudence et lenteur, cherchant à assurer ses pas plutôt qu’à s’empresser. A chaque fois qu’il pouvait lui adresser un regard qu’elle percevait, elle lui adressait un sourire pour mieux le rassurer.

Finalement, ils parvinrent à atteindre le dortoir de la jeune femme, fort heureusement vide. Elle se retint de soupirer de soulagement, la grimace qu’elle tira alors qu’elle gonflait ses poumons suffisant à traduire son attention. « Bon… Rappelez-moi de quoi j’ai potentiellement besoin ? » Des vêtements confortables ? Avisant le placard dans lequel reposaient ses quelques affaires, elle s’empara de quelques T-shirt amples et de pantalon de jogging taille basse. Exit les leggings qui pouvaient mouler son corps en remontant plus haut que sa taille, ou bien les brassières. Comment avait-elle seulement réussi à retirer la sienne, elle ne se l’expliquait toujours pas. Sa main se referma un peu rapidement sur son jeton rappelant les mille jours de sobriété traversés et les médailles militaires de son frère qu’elle fourra machinalement dans le sac qu’elle embarquait à l’infirmerie. « J’ai pas franchement de quoi me divertir, là-bas, vous savez ? » Oh, elle devait bien avoir un livre qui traînait mais, soyons honnête, la lecture n’était pas son passe-temps favori, elle qui prenait plutôt soin de son corps d’ordinaire. Elle embarqua ses écouteurs, son chargeur et de quoi survivre avec son téléphone pendant ces quelques jours. Son regard se posa sur le lit de Booker. Devait-elle lui laisser un mot ? C’était cliché, ça non ? Un SMS ferait bien l’affaire, non ?

Après un énième soupir et un léger haussement d’épaule, elle vérifia qu’elle avait su prendre son nécessaire de toilette avant de hocher la tête. « Je crois bien que j’ai tout doc… A moins que vous n’ayez des recommandations supplémentaires à soumettre ? »

Selon ses directives, Lorna s'empara de vêtements confortables : t-shirts, pantalons de jogging et sous-vêtements. Il la laissa préparer son sac, observant ses mouvements et les grimaces qu'ils provoquaient.
Il aurait pu lui proposer de le faire à sa place mais quelque chose lui disait qu'il faisait bien de rester en retrait. Lorna se sentait déjà inutile et les prochaines semaines lui donneraient probablement un peu raison.
Tout faire à sa place n'allait pas l'aider. Il voulait juste s'assurer qu'elle n'en fasse pas trop, qu'elle ne pousse pas trop loin les limites. Les exercices respiratoires étaient déjà éprouvants et la marche qu'elle devrait faire chaque jour aussi.

Un léger sourire étira ses lèvres lorsqu'elle parla de divertissement.

- Je doute que tu aies seulement le temps de te divertir.
Entre les exercices, elle dormirait sûrement. Parce que ses nuits seraient entrecoupées de réveils à chaque mouvement de son corps. Personne ne dormait immobile. Sans antidouleur, elle allait passer de très mauvaises nuits.
Aussi, il y avait fort à parier qu'entre les exercices, elle tomberait de fatigue.
Il la laissa cependant s'armer de ses écouteurs et de son chargeur.

Hatori patientait à l'entrée du dortoir, l'épaule appuyée sur le montant métallique, bras croisés sur la poitrine. Il s'avança seulement pour venir récupérer le sac de la jeune femme qu'il chargea sur son épaule sans même le lui demander. Avec sa béquille et ses côtes, il était hors de question qu'elle porte une charge supplémentaire.

- Tu as tout ce qu'il faut je pense, concéda-t-il. Et puis s'il manque quelque chose, on pourra revenir le chercher. Ce n'est pas comme si tu quittais le navire.

Comme ils étaient arrivés, ils repartirent. Hatori se plaça derrière elle pour remonter les marches, au cas où elle chute. Marcher avec une béquille n'était pas forcément aisé pour tout le monde, encore moins dans des escaliers étroits de bateau en métal.
Sur le chemin qui les ramenait au dortoir, il lui demanda :
- Tu écoutes quoi comme musique ?
Car si elle avait pris ses écouteurs, c'était bien pour écouter de la musique n'est-ce pas ?
Il faisait la conversation avec le seul but de proposer à la jeune femme de penser à autre chose qu'à sa tourmente du moment. Il se doutait un peu qu'elle ruminerait déjà bien assez tôt dès qu'il l'aura laissée seule.
Sur le chemin, ils croisèrent quelques membres de l'entreprise ou bien du navire qui les saluèrent poliment.
C'était un peu comme une ruche ici, chacun vaquait à ses occupations pour faire tourner la machine.

- Tu voudras manger à la cantine ce soir ou bien te faire livrer un plateau à l'infirmerie ?
La cantine ne livrait pas à proprement parler mais il pouvait lui apporter à manger après son propre repas si elle le souhaitait. Restait à savoir si elle voulait affronter le regard des autres ou bien s'isoler dans un premier temps.
Elle semblait prendre à cœur le regard des autres, comme si elle avait quelque chose à prouver.
À part sa volonté de survivre, il ne voyait pas à quel genre de compétition on pouvait s'adonner.

Je doute que tu aies seulement le temps de te divertir. Elle haussa les sourcils, considérant un instant les mots qu’il venait de prononcer. Était-ce une réalité ou un moyen de la provoquer ? Elle préféra croire, tout simplement, le professionnel de santé, bien qu’il s’exprimât de manière bien énigmatique. « Va pour un ennui mortel. » Parce que les méninges, elles, ne s’arrêtaient jamais de cogiter, finalement. Finalement, elle lança un dernier regard pour faire le tour d’horizon de ses maigres possessions à bord, préférant également inclure le médecin dans ses choix. Celui-ci s’avança, venant s’emparer de son sac pour la délester. Bordel, voir son barda ainsi porté par un civil, ça lui fendait presque le cœur.

Tu as tout ce qu’il te faut, je pense. Et puis, s’il manque quelque chose, on pourra revenir le chercher. Ce n’est pas come si tu quittais le navire. « Peut-être pas, mais si je peux m’éviter la marche de la honte de façon quotidienne, ça me va. » Lorna était ainsi, à plutôt se lancer dans des grands chamboulements. Son éducation avait été militaire dès son plus jeune âge, pour entrer dans un moule qu’elle peinait à comprendre, ce qui nécessitait d’emmagasiner un paquet de règles assez rapidement. Elle avait donc appris assez aisément à anticiper pour s’éviter des situations cocasses. Soupirant doucement après l’effort, elle finit par s’emparer à nouveau de la béquille qui était la sienne, quittant finalement son dortoir sans avoir même la garantie d’y revenir à un moment donné. Bordel, il faudrait vraiment qu’elle envoie un message à Booker.

Ils firent la route en sens inverse, la brunette se montrant toujours plus attentive à ses pas, sentant son corps arriver en bout de course. Bon Dieu, qu’elle paierait cher pour un sommeil bien mérité et bien reposant. Cette nuit salement passée dans la jungle dans un hamac ne l’avait pas épargnée du tout… Tu écoutes quoi comme musique ? Elle reposa son attention sur le médecin qui semblait désireux de faire la conversation autrement que pour lui annoncer qu’elle allait devenir secrétaire si elle souhaitait rester sur ce navire. « Ca dépend du moment. Là, j’aurais bien envie de me défouler avec un bon son d’électro mais j’ai bien peur que la basse répétitive ne m’aide pas des masses à aller mieux. » Ces sons graves et réguliers avaient tendance à encourager la montée du rythme cardiaque, après tout. « Mais j’écoute un peu de tout… Si vous avez des recommandations, c’est le moment doc ! Me dites pas que vous écoutez de la pop par contre, je serai forcée de demander à changer de médecin. » L’humour soignait tous les maux, elle en était persuadée et si elle était amenée à faire de Hatori son colocataire du moment, mieux valait pour lui qu’il perçoive de quoi il pouvait en retourner.

Le plus dur, sur cette longue route qui la ramenait à l’infirmerie, c’était encore de croiser des collègues. Et allaient savoir pourquoi, la honte ne l’emportait pas dans le cas présent, l’étroitesse de certains passages demandant une coordination parfaite qui demandait un réel effort à l’agent d’intervention remisée au banc de touche. Tu voudras manger à la cantine ou bien te faire livrer un plateau à l’infirmerie ? « Service cinq étoiles ? J’aurais su, je me serais arrangée pour venir vous voir plus tôt… Mais je vais prendre le coche : En chambre si c’est possible. » Elle ne le montrait pas mais plus que sa fierté, c’était la douleur qui parlait. Elle avait le sentiment de ne plus être capable de sortir d’un lit. Soufflant longuement, elle ne put retenir une énième grimace. « J’aurais une suggestion à faire à Masrani sur la praticité de la proximité entre les dortoirs et l’infirmerie… »

Si elle croyait s'ennuyer, elle avait tort. Entre les exercices quotidiens et la douleur, elle n'aurait pas le temps de penser à quoique ce soit d'autres, du moins la première semaine.
Qui plus est, elle allait devoir rattraper le sommeil de la nuit passée et n'importe qui savait que cela ne se faisait pas en 24h.
Tandis qu'il y réfléchissait, so cerveau élaborait déjà les plannings de ces exercices quotidiens à venir.

De par sa nature serviable, Hatori avait pris le sac de la jeune femme. Il ne pouvait pas décemment la laisser porter son barda comme s'il n'en avait rien à faire. Le médecin était souvent proche des ses patients, convaincu que la santé se trouvait déjà dans le mental. On parvenait mieux à se remettre lorsque l'on était soutenu que seul. Voilà ce qu'il pensait.
Aux propos de Lorna, Hatori comprit qu'elle voyait la blessure comme une véritable honte aux yeux de ses coéquipiers. mais s'ils étaient sincères avec la jeune femme et qu'il se souciaient vraiment d'elle, aucun ne la jugerait ainsi. C'était un peu triste de la voir de recroqueviller en solitaire. Lorna avait beaucoup de choses à offrir, en dehors de son humour tranchant.

Sur le chemin du retour, il lui fit la conversation pour ne pas qu'elle vive cet instant comme un plaie supplémentaire. Il lui demanda quel type de musique elle écoutait et sourit à sa réponse.
- On va éviter les basses oui. Je crains en revanche que mes recommandations ne te soient pas propices, à moins qu'un peu de classique ou de chant traiditionnel japonais puisse te convenir, lança-t-il en riant délicatement.

Ils croisèrent de temps à autres d'autres agents qu'il salua d'un signe de tête en songeant qu'il les verrait dans son cabinet un jour ou l'autre. Vivants, si c'était possible.
Alors pour rompre le silence il lui avait demandé comment elle souhaitait prendre ses repas. Seule évidemment, mais cette fois ci, quelque chose lui disait qu'au déla de la honte, il y avait peut-être autre chose.
À nouveau il rit à son trait d'humour.
- Crois moi, personne n'aime venir me voir. C'est pour ça que je m'arrange toujours pour que le séjour soit agréable. En chambre donc, j'irais te chercher un plateau.
Et comme elle se plaignait de la praticité du navire, il renchérit.
- Les navires de guerre sont rarement taillés pour accuellir du personnel inapte à se promener dessus librement. Allez courage, on y est presque, l'encouragea-t-il.

Comme ils revenaient à l'infirmerie, Hatori lui ouvrit la porte et lui indiqua une chambre un peu plus loin du menton. Il se tourna alors vers l'infirmière et lui demanda d'admettre Lorna Forbes à la chambre 001.
Tous les éléments étaient sur la tablette, dans le dossier de la patiente.
Il rejoignit ensuite sa patiente déposa son sac non loin du lit et lui indiqua le fonctionnement du lit qu'elle pouvait surélever comme elle le souhaitait.
Suite à quoi, il lui fit tout un topo sur son séjour en ses lieux pour s'assurer que tout se passerait bien pour elle. Oui, tout se passerait bien, même sans antidouleur.

« Du chant traditionnel japonais ? Il va quand même falloir me faire écouter ça, j’ai aucune idée de ce que ça peut donner… » Un sourire en coin éclaira son visage légèrement tordu par la douleur lancinante de cette côte brisée qui lui rappelait sa bien mauvaise existence. Elle était véritablement curieuse aussi, elle ne tint pas compte de l’avis du médecin quant à la probabilité qu’elle puisse ne pas apprécier cela. Après tout, elle n’était pas si difficile…

Finalement, ils poursuivirent leur route, prenant garde à ne pas risquer de blesser plus encore la brunette. A la mention de la venue du plateau jusqu’à elle, elle n’hésita pas, songeant qu’elle s’épargnerait là plus de peines en demeurant recluse et au repos qu’à devoir répondre de cet entraînement foireux auprès de ceux qui auraient bien de multiples questions à lui poser concernant tout ça. Les autres résumeraient ça mieux qu’elle, non ? Et puis son absence les pousseraient peut être à la plaindre plus qu’à la moquer… Le médecin ne trouva rien à en redire et acquiesça face à sa demande, soulignant que bien peu de monde n’avait souhait de venir le voir. Puis, il lui rappela dans quel genre d’endroit ils se trouvaient et comment celui-ci n’était pas adapté à sa situation complexe. Voilà pourquoi elle craignait bien être débarquée dès qu’ils réaliseraient qu’elle nécessiterait peut-être plus que quelques soins dans sa chambre.

Ils regagnèrent l’infirmerie et elle ne tarda pas à découvrir ses nouveaux appartements pour les prochains jours. Il la rejoignit assez vite, lui expliquant bon nombre de choses et Lorna se fit attentive à chacune d’elle, hochant doucement la tête pour affirmer sa compréhension de tout cela, souriant doucement devant certaines choses plus logiques que d’autres. Et finalement, il cessa de parler et Lorna lui tendit machinalement son téléphone. « Allez, notez moi l’une de ces chansons qui a votre préférence, doc ! J’écouterais ça avant de m’endormir ! » Car elle avait plutôt intérêt à récupérer au mieux et au plus vite, la nuit ayant été courte dans la jungle…

Hatori s'apprêtait à la laisser s'installer, se mettre à l'aise. Elle pouvait prendre une douche, il y avait des sanitaires disponibles. Rien de très folichon, mais le strict nécessaire pour les patients qui comme elle, ne pouvaient pas regagner les sanitaires officiels.
Il comptait aller lui chercher un plateau repas puis la laisser se reposer. Elle en avait bien besoin d'autant plus que dès le lendemain, les exercices commenceraient.
Toutefois, la jeune femme ne l'entendait pas de la même façon. Elle lui tendit son téléphone en lui demandant d'inscrire une chanson traditionnelle japonaise qui avait sa préférence.
Un léger sourire étira les lèvres du chirurgien et il hésita un instant avant de prendre le téléphone. Il s'en saisit pourtant, après un regard à la jeune femme.
Appuyant sur l'icône de Youtube, il se demanda un moment ce qu'il pourrait bien lui laisser écouter.
Il redoutait sa réaction sur des chants ou musiques très anciennes que seul l'orient savait apprécier.
Peut-être pouvait-il trouver quelque chose d'un peu plus moderne mais qui gardait des notes conservatrices ?
Quelque chose de suffisamment doux pour la faire dormir ou qui la ferait le détester pour de bon. Amusé, il faillit lui faire une bonne blague et lui mettre un générique d'anime qu'elle avait potentiellement regardé étant jeune du genre Pokemon ou Digimon mais se ravisa finallement. L'heure n'était plus aux plaisanterie. Et puis, il n'avait jamais été très doué dans ce domaine.
À la place, il pianota "Kousuke Atari Natsuyuusora" et lui rendit son bien, satisfait.

- Bonne découverte ! lui lança-t-il alors. Au fait, tu as douches et toilettes au bout du couloir. Je vais aller te chercher un plateau, une préférence ?

Sur le point de sortir de la pièce, il attendit sur le seuil qu'elle lui réponde et s'éclipsa.
En chemin, il songeait déjà à ce qu'il lui ferait faire dès demain matin, il n'avait que peu de patients en long séjour ces temps-ci et fort heureusement, personne n'avait encore débarqué sur l'île ! En dehors d'une appendicite qui quitterait sa chambre dès le lendemain après trois jours d'hospitalisation, Lorna serait la seule. Il aurait donc tout le loisir de se concentrer sur la jeune femme et puis, il devait bien avouer qu'il l'aimait bien. Elle faisait ressortir un coté paternel chez lui.
Et c'est pensif qu'il arriva au réfectoire. Il récupéra un plateau qu'il garnit de mets nécessaires puis remonta tranquillement jusqu'à l'infirmerie.

Alors il frappa doucement à sa porte et dans l'attente d'une autorisation d'entrer, annonça :
- Le repas est servi !

Le téléphone tendu vers lui, elle l’invitait du regard autant que par les mots à s’en saisir. La brunette n’avait pas l’intention de céder, quand bien même le geste créait un déséquilibre dans sa posture qui vint réveiller la douleur de son flanc. Mais elle ne flancherait pas. Et le médecin le perçut probablement, lui adressant un sourire avant de tendre les doigts pour s’emparer de l’engin. Satisfaite, Lorna profita de ce moment pour se rasseoir sur son lit, relevant tant bien que mal une première jambe pour mieux s’occuper de ses lacets et se débarrasser de ses chaussures. Après tout, il lui avait fait savoir à plus d’une reprise qu’elle serait ici comme chez elle pour les prochains jours alors, autant se mettre à l’aise dès les premiers instants. La tâche ne lui opposa nulle résistance mais les gestes nécessaires pour la réaliser lui tirèrent quelques rictus douloureux qu’elle tenta vainement de masquer. Un peu plus à l’aise, elle reprit en main son appareil que lui rendait le médecin, lui souhaitant une bonne écoute. « Une première, pour sûr ! » Le sourire de la jeune femme ne la quittait pas et elle regarda machinalement la vidéo correspondant à la recherche du toubib avant de relever la tête vers lui quand il lui demanda si elle désirait manger quelque chose en particulier. « De quoi aider mon corps à vite aller mieux. » Car c’était bien sa priorité, dans le fond.

Il quitta les lieux, la laissant face à elle-même. Elle notifia évidemment la présence des sanitaires au bout du couloir mais n’en avait pas besoin : elle avait su prendre sa douche avant de venir, craignant trop que l’on découpe ses vêtements préférés – et n’ayant surtout que très peu envie de se faire assister à ce point. Attrapant les écouteurs dans son sac, elle vint machinalement refermer ses doigts sur son jeton des 1000 jours de sobriété, le faisant tourner entre ses doigts alors qu’elle lançait la musique, s’attendant à tout comme à rien. Effectuant une rotation, elle s’allongea sur le lit en position relevée, sachant pertinemment que s’allonger entièrement relèverait de la douleur immense quand elle tenterait de se redresser. Fermant un instant les paupières, elle se laissa aller à l’écoute de cette chanson inattendue accompagnée par une guitare acoustique. Elle n’en comprenait évidemment pas le ses mais la mélodie avait quelque chose d’apaisant, lui permettant de caler sa respiration douloureuse sur le rythme lent de l’air entonné par une voix masculine. Etrangement, cela ne l’étonnait guère du médecin, ce genre de chant délicat bercé d’une émotion palpable. Et ça la changeait de ses habitudes plus folks et occidentales.

Elle eut le temps de l’écouter une seconde fois avant qu’il ne revienne, lui apportant le plateau qu’elle avait demandé. Souriant un peu plus, elle retira ses écouteurs, ramenant ses jambes en tailleur. « Vous êtes génial ! Les rations de mission, c’est bien, mais ça reste dégueu. Ce plateau-là, il me fait bien plus envie. » Observant rapidement ce qu’il lui avait amené, elle releva ses yeux verts vers lui. « Elle parle de quoi, la chanson ? J’avoue ne pas avoir appris le Japonais… » Et pouvait-on l’en blâmer ? Ce n’était pas la langue la plus répandue, après tout, et le pays n’étant pas en situation de conflits, elle n’avait que peu de chance d’être envoyée en mission là-bas. Posant son jeton sur le plateau, elle s’empara du pain pour mieux en voler un morceau qu’elle fourra dans sa bouche.

Hatori observa le plateau préparé par ses soins et destiné à Lorna. Pour sûr, il avait veillé à mettre tout le nécessaire sur ce plateau pour qu'elle guérisse au plus vite. Une bonne portion de viande de poulet accompagnés de brocolis et d'une salade verte, ainsi qu'un yaourt, un grand verre de lait, une petite assiette de sardines à l'huile et une salade de fruits en dessert. Evidemment, il avait ajouté un petit pain aux céréales pour agrémenté le tout et apporter quelque chose de réconfortant. Les occidentaux aimaient bien ça non ?

Une fois à l'intérieur de la pièce, il fut ravi de voir le sourire posé sur les lèvres de Lorna à la vue du plateau. Au moins, elle ne ferait pas sa difficile !
Ses paroles lui confirmèrent qu'il avait choisi des mets au goût de Lorna, en plus de détenir une vrai qualité nutritionnelle pour l'aider à réparer son corps.
Ce fut son tour de sourire délicatement lorsqu'elle mentionna la chanson. Il se rendit compte alors, qu'après avoir déposé le plateau, il était resté simplement là, debout, à l'observer.

- De nostagie, lui apprit-il. Celle que l'on éprouve à la fin de l'été grâce aux souvenirs que l'on s'en fait. La lueur changeante des ciels en cette période, les lanternes des festivals, le chant des cigales, l'odeur si particulière qui survient après une averse et qui nous rappelle les jours vibrants passant inlassablement. On prend alors le temps de se rappeler de ce que l'on protège, des pensées que l'on médite, aux souvenirs de cet été.

À l'écoute de cette chanson, il pensait toujours à Nanami et aux étés qu'ils avaient traversé, à cette vie qu'ils n'auraient plus, à cet enfant qu'il ne rencontrerait que dans ses rêves. Les souvenirs avaient une saveur particulière aux yeux du Japonais. Ils étaient synonymes de beaucoup de joies et de beaucoup de douleurs. Pourtant, il persistait à choisir la joie. La résilience dont il faisait preuve le rendait certainement un peu fleur bleue aux yeux de nombre de ses semblables mais elle lui donnait aussi la force de continuer à vivre avec positivité. Il se moquait bien qu'on puisse le juger.
Un peu gêné de se montrer en quelque sorte vulnérable, il sourit toutefois et inclina doucement la tête avant de poser son regard sur l'étrange jeton que Lorna avait posé sur son plateau.

Comme elle mordait dans son petit pain, il lui demanda simplement en avisant l'objet :
- Qu'est-ce que c'est ? Une médaille ? Enfin, ne te sens pas obligée de répondre. Je fais mon curieux alors que tu devrais manger et te reposer !

Et lui terminer ses dossiers et préparer la journée du lendemain.