Chaque jour, elle réalisait la même vérification, loin des yeux qu’elle estimait curieux de son époux. De profil, elle s’auscultait dans le miroir, la mine soucieuse face à la constatation qu’elle commençait à faire, son corps se rappelant de son rôle face à la présence dans son être de ce qu’elle voyait davantage comme un parasite, à cette heure. Un parasite. Parfois, elle avait envie de se gifler pour ce manque de considération face à ce qui pourrait être l’heureux événement qu’elle avait tant espéré pouvoir annoncer à Owen. Dans d’autres circonstances, il serait d’ores et déjà au courant. Dans d’autres circonstances, ils vivraient les prémisses de cette vie de famille singulière loin de ce bateau. Mais elle ne pouvait pas le forcer à choisir entre cette famille… et celle qu’il n’avait déjà que trop abandonné sur Isla Nublar. Elle voyait son obsession, son manque d’attention dès lors que Blue était dans une autre conversation. Elle concédait volontiers cette priorité parce que si elle avait consenti à revenir avec lui, c’était pour elle, principalement. Alors de quel droit aurait-elle pu lui en vouloir ?

Chaque soir, elle s’endormait, lovée dans ses bras protecteurs, s’inquiétant de l’entendre lui poser des questions sur ces formes qu’elle commençait à arborer mais qui ne venaient pas. Elle sous-estimait son implication dans les recherches du reptile carnivore et la capacité d’Owen à constater les petites choses simples de la vie déclinait, pour son plus grand soulagement. Leanne s’effondrait généralement de fatigue, épuisée par le travail et par le change qu’elle donnait continuellement sur toute cette situation. Ses nuits étaient généralement ininterrompues, sans rêve, un trou béant dans lequel elle se laissait glisser pour mieux laisser son être reprendre les forces nécessaires à ce qu’il machinait, ce qu’elle espérait bien pouvoir oublier, momentanément ou non.

Cette nuit-là, cependant, quelque chose la tira des bras de Morphée. Fronçant les sourcils, il lui fallut une poignée de secondes pour comprendre qu’elle émergeait alors que la nuit était encore visible par le hublot. Se tournant dans le lit, elle vint machinalement placer une main à l’endroit où Owen était supposé se trouver, ses doigts se refermant sur les draps froids de leur conche maritale. Alors, ses sourcils se froncèrent de plus belle, la poussant à ouvrir réellement les yeux, quelques bruits provenant de ce bureau qu’ils possédaient dans leur cabine privée. Se redressant dans les draps, elle cilla, s’acclimatant à la lueur que renvoyait la petite lampe que son mari avait allumé alors qu’il remuait une montagne d’objets, marmonnant de manière de plus en plus audible. « Owen ? » Elle s’était assise, le drap glissa le long de son corps pour mieux révéler son T-Shirt trop large qu’elle portait la nuit. « Mais qu’est-ce que tu fous… ? »

Depuis combien de temps était-il accoudé à ce bureau, à réviser ce qui semblait être une carte d’Isla Nublar ? Avait-il seulement dormi ? Leanne avait beau être quelqu’un de très directif, elle n’en était pas moins attentionnée quand il s’agissait de ceux qu’elle aimait et Owen avait toujours fait partie de ceux-là, même lorsqu’il n’était qu’un simple ami. L’inquiétude la gagna alors qu’elle réalisa que ceci allait également alimenter sa propre fatigue et, dans son état, elle préférait s’éviter cette peine tandis que la première mission sur laquelle elle s’était portée volontaire s’annonçait. Au moins, elle aura pu être utile avant d’être reléguée au rang des boulets.

Owen était si absorbé qu’il sembla ne pas constater qu’elle était réveillée, tiré de ses pensées quand elle l’interpela. Et alors, il s’anima, quittant du regard ce qui se trouvait devant lui. Un soupir échappa à l’homme qu’elle avait épousé, deux mois plus tôt, faisant écho au sien. Puis, enfin, les mots. Je… Elle est là, quelque part, j’en suis sûr et je n’arrive pas à me sortir cette idée de la tête ! Elle resta doucement silencieuse. La blonde n’avait pas besoin de précisions quant au sujet des insomnies de son époux, le connaissant suffisamment pour savoir qu’il n’y avait bien qu’un seul spécimen qui méritait tant d’inquiétudes. Blue. Les yeux océan de la mère en devenir demeuraient fixés sur lui, ne sachant quoi lui répondre pour le moment. Elle ne réagit pas face à ce haussement de ton, à cet agacement palpable dans la voix, l’obsession le poussant à se montrer sous un jour moins appréciable mais tout autant aimé par sa douce moitié.

Finalement, il détourna le regard pour mieux accorder son attention aux documents devant lui. Je ne voulais pas te réveiller. Désolé. Evidemment, et elle n’aurait jamais présumé le contraire. « Maintenant que c’est fait… » Elle se leva, avançant doucement jusqu’à lui et ce bureau. Avec douceur, ses mains se posèrent sur les épaules du responsable des animaliers pour mieux les caresser, massant ses muscles dans l’espoir de le voir se détendre. Ses lèvres se posèrent sur son crâne, déposant un baiser sur le sommet chevelu de celui-ci avant de regarder la paperasse sortie par Owen, plissant légèrement les yeux face à la luminosité à laquelle elle n’était pas encore habituée. « Je sais… On la trouvera, honey, j’en suis certaine… » Tant que le retour au terrain n’était pas acté, il était difficile de présumer de quoique ce soit. Pourtant, fronçant les sourcils doucement, Leanne laissa ses bras étreindre Owen, venant poser le menton sur l’une de ses épaules. « Les Vélociraptors ont besoin de végétation pour se terrer et mettre leur plan de chasse à exécution… Elles seront probablement plusieurs à s’en être sorties… » Les six au complet, elle ne l’espérait pas. Tant que Blue était dans les quelques rescapées, c’était tout ce qui comptait. « Tu ne m’as pas demandé mon avis mais… En tant que comportementaliste… » Attrapant un crayon de bois, elle entoura une première zone, là où se trouvait la forêt de bambous, avant d’en former une autre, beaucoup plus au nord de l’île. « Elles ont certainement dû élire domicile dans l’un de ces coins là… Mais… Tu sais très bien que tant qu’on ne sera pas allés sur place, ça reste de la théorie. » Et aller sur place, c’était ce qui était envisagé prochainement, même si les étapes se feraient l’une après l’autre. Déposant ses lèvres contre sa joue, elle l’embrassa tendrement. « On est revenu pour ça. Pour elle. On va la retrouver. »

L’homme le plus têtu du monde. C’était probablement lui qu’elle avait épousé, sans le moindre doute. Cherchant à l’apaiser par sa présence, lui offrant un peu de sa chaleur et de son calme, Leanne n’avait de cesse d’écouter l’insomniaque et ses propos qui demeuraient bien cohérents, malgré la fatigue qui se lisait doucement sur ses traits tirés. Blue est une maline… Elle ne pouvait pas le contredire, ne sachant que trop bien qui s’était chargée d’élever comme son propre enfant ce que d’autres auraient perçu comme un monstre et rien de plus. Je suis sûr qu’elle est dans le Nord, je n’arrive pas à me détacher cette idée de la tête… Et ce n’était pas la blonde qui allait réussir ce miracle, bien au contraire. Donnant à moitié raison à Owen, elle hocha les épaules devant cette assurance qu’il avait. « Je ne suis sûre de rien, la concernant. Blue est pleine de ressources… Et de surprises. » De belles surprises, globalement mais… Elle demeurait un animal sauvage et dangereux. Leanne ne pouvait pas s’empêcher de penser, au fond d’elle, que les choses risquaient de ne pas se passer de manière aussi idyllique que l’espérait probablement son responsable de secteur.

Je veux y aller… Je n’arrive plus à attendre… La patience n’était pas la qualité première d’Owen qui était un véritable homme d’action. Il dit, il fait. Elle aimait cette part de lui mais, dans le cas présent, les choses étaient plus complexes que prévues. Il grogna, faisant une nouvelle fois part de son insatisfaction. Tous ces cons, assis derrière leur bureau à jouer avec leurs billes… ls attendent quoi pour nous dire d’y aller ?! Leanne soupira doucement, se détachant momentanément de lui. « Tu sais que je ne porte pas Masrani et ses copains dans mon cœur, mais ils veulent faire ça bien… Mieux, en tous cas, que les dernières fois. A quoi ça servirait que tu y ailles, si c’est pour ne pas revenir, Owen ? » Elle pensa momentanément à cette petite graine, plantée dans son ventre, qui s développait maintenant depuis… Environ deux mois ? Machinalement, elle se mordit la lèvre inférieure, se retenant de lui cracher un morceau aussi difficile à digérer à cette heure avancée de la nuit. Pas maintenant. S’il savait que la vie l’attendait ici aussi, courrait-il si vite et frontalement face au danger ?

Déglutissant sa salive, elle reprit la parole d’une voix douce. « Ecoute… Tu me fais confiance, hein ? On va reprendre ce port. L’ordre de mission est tombé, je suis dans une équipe qui tient la route pour ça, et tu me connais, non ? J’accepte pas l’échec. Une fois que ce sera fait, on va pouvoir commencer à vraiment réfléchir à tout ça. La zone au sud… » Elle pointa son doigt sur la forêt de bambous qu’elle avait entourée. « Elle n’est pas si loin… Ce sera un premier pas pour retrouver notre Blue, d’accord ? Dans quelques jours, je te promets que l’on sera sur Isla Nublar. » Et cette promesse, elle la faisait à elle-même, bien décidée à quitter ce Navire qui avait plus que tendance à la rendre malade.

Il suffit d’un geste pour réunir les deux âmes sœurs. La main d’Owen venant envelopper la sienne, il tira doucement dessus, la poussant à achever de le contourner pour mieux se laisser entraîner jusqu’à ses genoux sur lesquels elle laissa son fessier s’installer, un sourire tendre prenant place sur ses lippes en cœur. Alors, tel le refuge qu’ils étaient l’un pour l’autre, elle le laissa se blottir contre elle, l’étreignant de ses bras, ses doigts venant jouer avec quelques mèches châtaines de ses cheveux. Heureusement que tu es là parce que sans toi, crois-moi, je serais déjà en train de tout retourner ici… Elle laissa échapper un rire amusé, imaginant volontiers la scène. A dire vrai, elle n’avait pas à l’imaginer pleinement puisqu’Owen avait fait part de cet aspect de sa personnalité le jour où on les avait poussés vers la sortie, quatre années plus tôt. Il était un lion en cage qui avait la vilaine manie de ronger ses barreaux pour chercher à tromper l’ennui.

Avec tendresse, il vint caresser la joue de son épouse qui laissa ses prunelles océanes plonger dans celles de son mari. Et ce sourire… Elle se damnerait pour lui. J’ai vraiment de la chance de t’avoir. « Et moi plus… La vie serait bien fade sans un Alpha pour me guider dans tout ça… » Et pourtant, le regard d’Owen laissa passer une ombre quand elle mentionna la mission à venir et sa présence dans celle-ci. Ah oui… Je l’avais oubliée celle-là. Elle haussa les sourcils, doucement surprise. Pas très sérieux de la part d’un responsable, ça… Et puis… « Tu arrives à oublier la seule mission qui va nous permettre de retourner sur cette île ensuite ? Merde, tu dois couver un truc, c’est officiel… » Elle s’était étonnée, d’ailleurs, de ne pas le voir y prendre part. Et puis, elle en avait conclu que s’il le faisait, c’était pour ne pas que leur couple interfère avec leur objectif de travail. Pourrait-elle seulement travailler et accomplir ses tâches si elle s’inquiétait pour lui ? Non. Clairement pas. Alors la réciproque devait être vraie, également. « Cache ta joie, surtout ! » Elle ricana légèrement, le toisant un peu plus intensément. « J’ai hâte de merder pour me faire remonter les bretelles par mon responsable en privé… » D’un doigt, elle lui releva le menton pour mieux le pousser à la regarder. « Même si ton plus gros souci me concernant viendra peut-être de ce nouveau responsable de la sécurité qui va pouvoir te rappeler à quel point ta femme est une tendre emmerdeuse. » Parce qu’elle ne comptait pas ménager King ou Kong. Les militaires qui étaient déployés pour mieux les protéger avaient le don de penser avec leur flingue plutôt qu’avec leur tête aussi, elle avait bien l’intention de leur secouer le cerveau, au besoin. « Tout se passera bien… » Sauf si elle tombait, qu’elle se faisait chahuter… Qu’elle mourrait. La possibilité n’était pas à exclure et cela, elle en avait conscience. Au moins, Parker ne serait plus seul. Mais elle serait responsable de la mort de deux personnes, en réalité… « Owen… Quand cette mission sera terminée… On pourra rediscuter de Blue et d’autres choses plus tranquillement, d’accord ? » D’autres choses, oui. Surtout de cela…

Désolé, beaucoup de choses en tête ces derniers temps… Je m’excuse… Pouvait-elle lui pardonner ? Ou plutôt, pouvait-elle ne pas lui pardonner ? Venant caresser ses cheveux avec tendresse, elle lui adressa un sourire qui ne faisait que traduire comme il pouvait trouver grâce à ses yeux. Elle ne pouvait lui en vouloir d’être tant préoccupé par les aspects annexes à leur travail, lui qui, en plus, était à la charge de responsabilités qu’elle ne désirait que trop peu avoir mais qu’elle épaulait au mieux, parce qu’ils ne formaient qu’un, parce qu’elle l’aimait.

Non… Je ne veux pas que tu merdes… C’était mal la connaître que de dire une telle chose. Leanne n’était pas le personnage le plus adapté à une communauté. Provocatrice, sarcastique, elle avait le don d’agacer plus que d’apaiser et son esprit borné n’aidait pas réellement dans les situations nécessitant un calme certain. Alors oui, elle allait merder, probablement. Mais pas de la manière dont il le comprit. Ne merde pas, s’il te plaît. Elle fronça les sourcils, poursuivant ses mots mais il n’en retint rien. Se saisissant de son corps menu, vêtu de ce long T-shirt et d’un boxer, il la souleva pour mieux l’asseoir sur la carte qu’ils observaient ensemble quelques instants plus tôt. Parce que si tu merdes et qu’il t’arrive quoique ce soit, je n’y survivrai pas… Cette phrase eut le mérite de retrancher Leanne dans le silence. Elle l’observa avec au moins d’intensité que lui le faisait avant qu’il ne vienne à nouveau l’étreindre. Je t’aime. Elle soupira longuement, fermant les yeux à son tour. Seulement, il y avait bien un chose qu’ils devaient éclaircir et elle se doutait bien qu’elle devait le rassurer. « Tu sais que je ferais tout ce qu’il faut pour revenir. » Parce qu’elle avait un instinct de survie particulièrement fort et qu’elle était de ceux qui prenaient des décisions radicales qui permettraient au plus grand nombre de rester sur Terre. Même si quelques dommages collatéraux devaient être décomptés. « Mais tu sais aussi que toute cette vie qu’on a décidé de mener peut être un aller sans retour… Loin de moi l’idée de vouloir finir en snack pour Roberta mais… » C’était une possibilité. Une voie dans le champ des possibles. « Owen, si quelque chose m’arrive tu devras survivre. Parce que Parker aura besoin de toi. Parce que tous les autres auront besoin de toi. Je ne suis pas suicidaire, tu le sais. Moins qu’un mec qui entre dans une cage avec une bande de raptors, en tous cas… » Elle lui adressa un sourire en coin, doucement amusé. Ses doigts glissèrent sur la joue de son mari alors qu’elle vint lui voler un baiser. « Le risque zéro n’existe pas. J’en ai conscience. Toi aussi. » Et c’était consciemment qu’elle plongeait la vie innocente qui s’implantait dans son ventre dans le danger. Il ne pouvait le savoir mais elle, elle assumait cette prise de risque. « Et moi aussi, je t’aime. Sinon, je ne serais pas là à me demander où se trouve l’une des rares bestioles sur cette planète qui peut nous transformer en steak. » Et si c’était Blue, qui l’attaquait ? Quel parti prendrait Owen ?

« Je sais… » Evidemment qu’elle savait qu’il n’abandonnerait pas le garçonnet à son pauvre sort. L’adoption était une affaire de confiance mutuelle et si Parker n’avait eu un père que sur le plan spirituel, Owen avait su prendre cette place dans le cœur de l’adolescent qui s’interdisait pourtant à l’appeler papa uniquement pour ne pas blesser celle qui avait côtoyé l’ensemble des protagonistes de cette famille et qui refusait d’écraser entièrement l’existence de Jayden par celle de son nouvel époux. Elle le savait, intimement, au fond d’elle : elle était celle qui retenait le passé de peur de le voir disparaître. Pour autant, à travers la promesse de sa moitié actuelle, elle entrevoyait l’avenir. Un avenir pour ces enfants qu’ils élèveraient ensemble.

Elle caressa tendrement sa joue, laissant ses lèvres retrouver les siennes, l’embrassant avec tiédeur, l’heure nocturne trahissant la fatigue qui était la sienne et contre laquelle elle luttait pour se trouver là, sur ses genoux, conversant avec lui, essayant de le rassurer sur Blue, sur eux… Et sur cette mission qui s’annonçait. Qu’il ait pu l’omettre si facilement ne faisait que trahir ses préoccupations réelles quant au raptor qu’il espérait bien retrouver sur cette île qui était ce qui s’apparentait le plus à leur maison. L’étreinte, alors, s’éternisa un peu plus, son front venant se poser contre le sien, Leanne fermant ses paupières pour mieux capter l’entièreté de sa présence. Et finalement, ce fut lui qui vint rompre la douceur de l’instant, relevant le regard vers elle, ses doigts s’emparant d’une mèche blonde pour mieux se frayer un chemin jusqu’à son visage. Alors… Impatiente ? Elle haussa les épaules. « Tu te doutes bien que tous les prétextes sont bons pour mieux retourner sur la terre ferme, plus encore concernant Isla Nublar. Donc, oui, plutôt… Et d’un autre côté, j’ai peur de tout ce que cet endroit peut nous réserver comme surprise… Au-delà des dinosaures, c’est un plongeon dans le passé qu’on va f… » Elle s’arrêta, frissonnant alors qu’il glissa ses doigts sous son T-shirt, la jeune femme se tendant bien malgré elle. Sa quête de Blue avait au moins le mérite d’une chose : le distraire. Pas une fois, depuis leur arrivée, il n’avait réellement prêté attention à ses courbes, à elle. Leanne se débrouillant toute seule avec ce qu’elle voyait jusqu’alors comme un problème, elle ne pouvait qu’estimer les choses, les dates. Et ce qu’elle avait su déduire lui faisait aussi alors comprendre qu’elle entrait dans le troisième mois d’une grossesse déjà fort installée. Si, jusque-là, son ventre un peu plus prononcé pouvait être largement expliqué par des soucis divers, elle savait que bientôt, elle ne pourrait plus dissimuler tout ceci. « Désolée… Tu me chatouilles, je n’arrive pas à me concentrer… » Et elle lui afficha le sourire le plus coquin qu’elle avait en réserve.

Invoquer quelque chose d'aussi trivial et anodin que la possibilité d’être chatouillée était encore là meilleure parade pour tenter de faire comprendre à Owen un quelconque inconfort. La vérité, c’était que son sang se glaçait à chaque fois qu'il approchait ses doigts de son bas ventre, réfléchissant déjà à l'excuse qu'elle pourrait bien lui donner, au mensonge qu'elle devrait formuler. Aussi, elle plaqua un sourire sur ses lèvres quand il vint porter ses mains sous ses cuisses pour mieux la soulever du bureau sur lequel elle avait finalement fini assise. Naturellement, ses bras vinrent assurer la prise en se glissant autour de sa nuque, ses cheveux s’agitant naturellement face au mouvement qu’Owen la poussait à réaliser. Alors comme ça, je te chatouille… Elle laissa échapper un léger rire amusé tandis qu’il la déplaçait dans leur cabine, cocon sommaire plus que suffisant pour les jeunes mariés qu’ils étaient.

Déposée sur les draps défaits par le réveil nocturne qui avait eu lieu, elle s’y allongea légèrement, telle Aphrodite prenant place dans un sofa offert par l’un de ses soupirants. Owen la rejoignit, peu désireux de la laisser seule bien longtemps, et dans la pénombre, elle sentit le regard clair de son époux glisser sur elle avec tendresse, avec une attention qu’elle n’avait su voir dans le creux de ses prunelles depuis de longues semaines. Tu vas mieux ? Toujours aussi malade ? Naturellement, le sourire vint étirer les lèvres de Leanne qui passe une main sur la joue de l’homme à ses côtés. « Ca va, ça vient, comme les vagues, tu sais… Je crois que j’ai d’autant plus hâte de retrouver la terre ferme que la majorité des gens ici… J’aurais su tout ça avant que l’on parte… peut-être que j’aurai pu tenter de te convaincre de ne pas le faire. » Son sourire eut beau être moqueur, ses pensées accordaient raison à ses mots. Elle aurait été au courant de sa grossesse plus tôt… Aurait-elle tenté de discuter de tout cela avec lui ?

Levant une main vers le visage du brun, elle en caressa la joue, redessinant sa mandibule de ses doigts longilignes. « Et tu ne peux malheureusement rien faire à part m’étreindre avec force et me plaindre pendant des heures… Surtout quand tu me réveilles au cœur de la nuit pour penser à une autre… Je vais devenir la première femme au monde jalouse d’une femelle raptor, méfie-toi… Bien que j’abandonne l’idée d’un combat à la loyale… J’ai aucune chance. »

Je vais me contenter de d’étreindre avec force pour commencer… Le corps de son époux vint retrouver le sien, lui offrant sa chaleur, lui arrachant un léger rire attendri tandis qu’il plongeait son nez dans ses cheveux à la couleur des blés. Sans grande délicatesse, il œuvra pour les couvrir de ce drap qui acheva de les enfermer dans une bulle qui n’appartenait qu’à eux. Les mots de la jeune mariée ne vinrent que renforcer l’étreinte de son mari, ce dernier réalisant peut-être enfin comme il pouvait lui être douloureux de le voir s’acharner à un travail qui, à cette heure, demeurait pleinement hypothétique. Au fond d’elle, Leanne ne savait pas ce qu’elle préférait entre l’idée que Blue puisse être morte… Ou bien celle qu’elle puisse être en vie. Aucune des deux possibilités n’était parfaite mais chacune d’elle conditionnait, d’une certaine manière, son avenir avec le responsable des animaliers de ce navire.

Finalement, d’un geste, il l’incita à se retourner, à lui faire face, Leanne secouant à son tour le matelas pour mieux poser son regard océan dans celui d’Owen. Une caresse sur sa joue vint entamer la réponse du Dresseur, le sérieux se lisant sur ses traits. C’est avec toi que je suis mariée, pas Blue. La vision d’Owen passant une alliant à la griffe de la femelle raptor manqua de peu de la faire pouffer de rire mais elle sut se retenir, l’amusement se noyant dans des lèvres pincées avec force. Tu passeras toujours la première même si ces derniers temps, j’ai un peu oublié tout ça… Oubliée. C’était cela, en effet, Leanne ayant la sensation de partager sa cabine avec un colocataire plus qu’une véritable moitié. Les premiers jours, alors même qu’elle s’interrogeait sur la manière dont lui annoncer la nouvelle dont elle était la seule au courant, Leanne avait déjà entrevu l’obsession dont il était l’objet. Et puis, ils avaient retrouvé d’anciens visages et la blonde avait secrètement espéré que son époux décroche de cette lubie grâce à eux. Mais elle ne put que constater la manière dont il s’était isolé de tous et de tout, en témoigne cette mission qu’il n’avait qu’à demi notifié, ne se rappelant pas même que celle avec qui il avait promis de partager son existence serait de la partie.

Je suis sûr que Blue se souvient de ton caractère ce qui l’empêchera de venir te chercher des noises… « Quoi ? Mais de quel carac… » Elle n’eut guère le temps de finir qu’il vint l’embrasser, rompant son flux de parole, l’intimant au silence par leurs lèvres liées en une caresse qui se fit alors mutuelle, les mains de Leanne venant retrouver le corps bâti de muscles d’Owen. Naturellement, son corps se rapprocha de celui de son époux, cherchant sa proximité et sa chaleur dans ses gestes. Puis, détachant délicatement ses lèvres, elle lui offrit un sourire en coin dans la pénombre. « Je préfère ça… Mais tu sais que même si Blue m’exaspère, je suis incapable de lui faire quoi que ce soit… Je n’ai pas le même lien avec elle mais moi aussi, je l’ai vue grandir. » L’embrassant à nouveau, elle vint glisser délicatement ses doigts sous le T-shirt du brun pour mieux venir effleurer ses abdominaux d’une caresse. « Hmmm… Il faudra que tu appelles Parker, à l’occasion. Tu lui manques à lui aussi et je crois que les quelques coucous distraits que tu lui donnes quand je suis en visio avec lui ne suffisent plus. »

Depuis qu’ils avaient fait le choix de partager leur vie à deux, l’intimité avait pris une grande place dans cet univers qui était le leur. La complicité entre Owen et Leanne n’était plus à prouver : ils étaient chat et souris à se chasser mutuellement et à se trouver plus encore. Tout avait commencé sur cette île et leur vie tendait à s’y poursuivre, la blonde n’ayant pas à cœur de voler cet avenir égoïstement à son époux pour une raison aussi légitime que l’agrandissement pourtant désiré de leur famille. Elle n’y croyait pas réellement, elle-même, ce qui n’avait que pour conséquence de la pousser à vivre une vie normale, ne prenant pas en compte cette vie qui, pourtant, d’un test, avait su manifester sa présence potentielle. Beaucoup de signes étaient là, en réalité. D’après les calculs qu’elle avait tenté de mener, elle estimait entamer prochainement le troisième mois de cette grossesse. A une semaine près… Ou deux, peut être… Les mathématiques n’étaient, finalement, pas une science exacte quand il s’agissait de maternité et la blonde ne se basait finalement que sur une donnée élémentaire : l’absence d’une période bien désagréable dans son mois depuis… Quelques mois.

Tu es la seule en qui j’ai confiance en ce qui la concerne. Un honneur qui faisait sa fierté. Leanne connaissait la valeur du vélociraptor aux yeux du brun et l’entendre prononcer ses mots revenait à une autorisation presque solennelle de l’adopter, comme elle avait su le faire de son côté avec son fils. D’ailleurs, Owen lui promit de prendre garde à ne pas le délaisser non plus, affirmant comme il lui manquait. Seulement, à cet instant, Leanne n’avait plus réellement envie de parler de sa progéniture, recentrée grâce aux caresses des lèvres de son mari sur sa peau, se glissant dans son cou avec une envie palpable. Soupirant d’aise, elle ferma momentanément les yeux, cherchant à se détendre à s’en retourner vers cette nuit si précieuse qui leur offrait un moment de proximité qui ne leur avait pas été permis depuis des semaines, le travail prenant finalement une place conséquente dans leur vie à partir du moment où ils logeaient à deux pas de ce dernier.

Owen, alors, se fit plus désireux de retrouver sa femme, soulevant son T-Shirt, lui arrachant un sourire amusé qui s’évapora aussi vite qu’il était venu quand sa bouche vint se placer sur son ventre, forçant Leanne à se contracter légèrement face à ce geste. Intérieurement, une petite voix lui criait qu’il allait comprendre, qu’il savait malgré lui. Mais elle tenta de contenir ses peurs et ses pensées, plaquant un sourire doucement crispé sur ses lèvres roses, prête à lui offrir la même excuse que précédemment s’il s’interrogeait sur cette réaction un peu étrange. Les chatouilles allaient avoir bon dos, dans les jours à venir, c’était certain.

« Je constate que tu n’es vraiment pas fatigué, en fait… C’est pas sympa de penser que je vais devoir t’occuper une partie de la nuit pour mieux t’épuiser… » Glissant une main dans ses cheveux, elle lui offrit cet éternel sourire en coin qui ne faisait qu’annoncer un instant des plus complices.