Y avait-il de plus beaux couchers de soleil ? Les rayons s’étirant à l’horizon aidaient la terre ocre à rougeoyer plus encore, offrant à la savane une ambiance des plus chaleureuses. Achevant la vaisselle du midi, soupirant doucement, elle observa par la fenêtre l’alchimie qui se créait un peu plus chaque jour entre les deux hommes de sa vie, qui lui faisaient l’honneur de partager son foyer. Un doux sourire s’était façonné sur ses lippes rosées, les contemplant alors qu’ils nourrissaient les fauves retenus dans un enclos, le temps de leur assurer les soins nécessaires à une bonne réintroduction en liberté. C’était devenu leur quotidien. Un quotidien dont il lui semblait impossible de se lasser et c’est pour ça que le mail reçu plus tôt, dans l’après-midi, la terrifiait.

Leur vie avait changé le 1er septembre 2019. On les avait arrachés à leur routine, à leurs racines, pour les conduire de force sur un bateau. L’enfant maintenu tout contre elle, elle avait tenté de lutter verbalement, véritable lionne protégeant sa progéniture alors qu’Owen jouait des coudes pour faire entendre leurs contestations. Une valise. Ils n’avaient le droit qu’à cela et, comme le reste des employés, ils furent rapatriés aux Etats-Unis. Masrani Corporation s’était surpassée, offrant des indemnités indécentes, leur annonçant la fin définitive du projet. Alors, Leanne avait entamé un deuil d’un nouveau genre. Perdue, elle devait tenter de garder le cap pour son fils, pour que Parker ne soit pas autant dépaysé qu’elle pouvait l’être. Et fort heureusement, elle n’était plus seule. Les choses s’étaient faites naturellement avec Owen. L’inquiétude mutuelle de se voir partir avait poussé la blonde à tomber dans ses bras pour une nuit, le lendemain matin ne semblant que plus normal. Alors, avec ce même sentiment, ils avaient décidé de tenter l’avenir commun, s’envolant pour le Kenya. Les deux travailleurs s’engagèrent dans une réserve qui avait pour but de prendre soin de fauves, de les protéger du braconnage. Surveillant les alentours, le trio avait pris ses marques. Parker avait grandi, laissant à Owen une chance de se trouver auprès d’eux, s’inspirant de lui chaque jour pour mieux lui ressembler, pour mieux prétexter avoir le droit d'outrepasser les règles. Il poursuivait ses apprentissages à la maison, parcourait les grandes étendus de ses petites jambes ou accroché à l’arrière d’un quad. Ensemble, ils avaient trouvé un équilibre et créé quelque chose qui s’apparentait à une tranquillité merveilleuse.

Et pourtant, le bruit significatif de la réception d’un mail avait tout changé. Parcourant son téléphone des yeux alors qu’elle ramassait la production quotidienne d’œufs, elle avait manqué de faire tomber son panier. Jurassic World a besoin de vous. C’était une blague. Forcément. Et pourtant, le souvenir de l’annonce mondiale du retour de Laura Masrani avait fait son chemin dans son esprit et le visage changé de la PDG de l’entreprise sur son écran était motif à une colère sourde. De quel droit venait-on les déloger dans leur tranquillité ? Elle avait adressé à Owen plusieurs coups d’œil dans la journée, s’interrogeant sur sa propre lecture de la chose. Que devaient-ils faire ? N’avaient-ils pas tout ou presque en ce territoire conquis et sécurisé ? Son attention s’était portée sur son pré-adolescent de fils. Elle ne lui ferait pas subir tout ceci à nouveau. Non, ce serait bien trop dur.

Versant thé et café dans deux tasses, elle se dirigea sur le perron de la maison, protégé par un auvent de bois. Là, elle prit place dans le banc suspendu qu’ils avaient pris soin d’installer peu de temps après leur arrivée, afin d’apprécier plus encore la chance qu’ils avaient de se trouver là, d’être en vie. Déposant les tasses sur une petite table d’appoint dans le jus local, elle replia ses jambes couvertes d’une longue jupe au tissu léger et coloré. Souriant alors que Parker rappliquait au galop, elle lui offrit toute son attention quand il commença à parler. « M’man ! Owen dit que demain, on pourra aller voir si Rita a eu ses lionceaux ! Tu voudras venir ? » Quand avait-il tant grandi ? Son sourire s’étirant en un coin, elle lui adressa un regard de défi. « Évidemment que j’y serais… Mais tu n’auras le droit d’y aller que si tu files prendre ta douche... Maintenant. » Grommelant, l’enfant finit par filer dans la maison, laissant à la blonde le loisir d’admirer l’homme qui s’en revenait après une journée de travail, lui adressant un sourire conquis.

Jamais elle ne pourrait se résoudre à détourner ses yeux de lui. Comment avait-elle pu conserver ses œillères, tout ce temps durant, s’accrochant à la mort plus qu’à la vie ? Le deuil de Jayden avait été un prétexte pour elle, s’asservissant dans son rôle de mère, s’oubliant dans celui de femme. Elle avait levé mille boucliers, se convainquant de bien des choses. Parker n’accepterait pas ces changements. Aucun homme ne saura m’aimer aussi bien que lui. Je ne veux plus perdre personne. Les choses, pourtant, s’étaient déconstruites petit à petit, laissant à Owen la chance d’atteindre son cœur, de venir ébranler son être. Alors, elle avait achevé son deuil, n’oubliant pas pour autant l’amour et le partage, se souvenant même des instants partagés entre Jayden, Owen, Claire et elle. En quelques années, c’était un constat étrange de mesurer à quel point tout ceci avait changé. D’un autre côté, elle savait, au fond d’elle, que si son défunt mari avait pu lui donner sa bénédiction, elle n’aurait été que pour ce cher dresseur de raptor. Et ça la rassurait. Après plus d’une année de vie africaine, elle avait même su se résoudre à ôter les deux anneaux qui l’avaient liée à ce qui n’était plus qu’une ombre passée, les conservant d’abord autour d’une chaîne, finissant par la conserver précieusement dans une boîte à bijoux. Cet héritage serait celui de son fils, rare souvenir qu’il pourrait conserver de celui qui l’avait chéri durant trop peu de temps pour qu’il puisse s’en souvenir.

Owen finit par franchir la distance qui se trouvait entre eux, s’avançant vers elle qui étira son sourire de plus belle. Accueillant son baiser en fermant brièvement les paupières, elle l’observa alors qu’il s’installait à ses côtés, une idée pourtant bien en tête. D’une main tendue trouvant la sienne, il fit jouer l’attraction entre eux pour l’appeler à lui, forçant Leanne à quitter son perchoir dans un rire léger, rejoignant sans résistance aucune cette autre moitié qu’elle avait trouvé, prenant place doucement sur ses genoux, ses bras venant naturellement faire le tour de sa nuque alors qu’il plongeait ses lèvres dans son cou. Posant sa joue contre sa tempe, elle se perdit, elle aussi, dans la vision brûlante de ce coucher de soleil, laissant le silence prendre sa place tandis que leurs corps se retrouvaient après une telle journée. Avait-il la moindre idée de ce qui lui traversait l’esprit ? De ces questionnements qui n’avaient eu de cesse de remettre en cause cet avenir qu’elle avait pourtant imaginé non sans mal ? Fermant les yeux un instant, soupirant doucement, elle finit par se détacher doucement d’Owen pour mieux lui relever le menton, ses lèvres cherchant les siennes dans un baiser plus prononcé. Le chat parti, les souris dansent, n’est-ce pas ? Parker avait rapidement exprimé un dégoût amusé à voir les deux adultes agir de cette façon, comme animé par un esprit de contradiction simplement puissant, nullement gêné, véritablement, par le geste en lui-même. Alors mieux valait profiter de son absence pour faire valoir la profondeur de leurs sentiments respectifs.

La caresse suave de leurs lèvres finit par se rompre doucement, Leanne posant son front contre celui d’Owen, souriant doucement en coin. “Alors, comme ça, tu penses que notre lionne préférée aurait eu ses petits ? Et tu en informes Parker avant moi ? Je vais hurler au favoritisme… À moins que tu ne te cherches à te faire bien voir auprès de lui pour une raison ?” Elle adorait cette relation qu’ils avaient construite, ce lien fort et ce côté paternel qu’Owen pouvait avoir envers le garçon. Lui ne le repoussait pas, au contraire, adulant l’homme, se refusant de l’appeler “papa” par principe de loyauté envers son géniteur qu’il ne connaissait pas et qu’il ne voulait pas déshonorer. C’était un bon garçon et Leanne se félicitait d’avoir su l’éduquer, en grande partie seule. “Je connais une autre lionne qui aurait tout autant besoin de ton attention, vu qu’elle se retrouve cruellement délaissée par son petit.” Cajoleuse, elle vint faire glisser son index le long de sa gorge, suivant le chemin naturel de sa jugulaire pour atteindre la limite imposée par son T-shirt. Ah, que la vie était douce, tout de même, en ces terres reculées dans lesquelles elle n’avait eu aucun mal à se faire entraîner. On était bien loin d’Isla Nublar, de ses carnivores terribles, de… “Tu as regardé tes mails, aujourd’hui ?” La question était à la fois abrupte et se voulait innocente. Pourtant, elle savait que s’il devinait de quoi elle voulait parler, il devinerait tout aussi aisément vers quoi elle voulait l’emmener, vers quelle discussion possiblement houleuse ils se dirigeaient. Elle n’avait pas particulièrement envie de cela et pourtant, elle craignait de le voir partir, le voir quitter ce lieu paradisiaque pour mieux retrouver une part de lui-même. Ou bien craignait-elle, elle-même, de succomber à cet appel, quitte à briser ce futur qu’ils s’étaient destiné ?

Il lui semblait pouvoir vivre éternellement ainsi. La petite bulle dans laquelle ils vivaient depuis tout ce temps était si agréable que, pour rien au monde, elle n’aurait cru possible de la voir disparaître. Elle aurait pu passer le reste de son existence glissée dans ses bras, à attendre, tout simplement, que vienne la fin. Le bonheur avait finalement ouvert ses bras à ces âmes endolories, à tel point qu’ils avaient même songé au futur. Les deux amants s’étaient satisfaits de cette petite famille qu’ils formaient, évoquant également la possibilité de l’agrandir. Pourtant, cette idée là sembla ne pas vouloir se concrétiser, la blonde mettant cela sur le dos de son âge. Pour autant, ce n’était pas une obsession. Ils avaient déjà tous deux une autorité parentale acquise, différemment, auprès de Parker et si cela devait rester ainsi, alors soit.

Ce mail avait eu l’effet d’un sabre venant briser cette bulle, créant des fissures dans sa coque protectrice, laissant le monde se rappeler à eux, laissant le passé faire sa route sinueuse vers leur présent. Elle ne voulait pas que cet élément vienne tout briser et pourtant, elle savait qu’il faudrait retirer cette terrible épine de leur peau, avec force. Un peu gonflé les choses. Elle rit doucement face à sa réponse, levant les yeux au ciel. Voilà qui ressemblait bien trop à du Owen, en réalité. Il avait cette tendance fâcheuse à s’avancer, parfois, sur des choses sans l’assurance véritable de leur réalisation. Evoquant le travail de la lionne, Leanne put constater qu’il n’avait pas entièrement fait des plans sur la comète, mais la nature, parfois réservait d’étranges surprises.

Lui indiquant cette attention qu’elle cherchait, elle ne put que sourire davantage devant sa réponse, son regard et ses baisers. “Ce qu’elle veut de toi, vraiment ? Ça va que la lionne a un appétit plutôt nocturne, alors, qui se réveille quand les sages petits dorment à poings fermés.” Et elle ne se ferait pas prier pour mettre ses menaces à exécution. C’était si naturel, entre eux, que leurs corps agissaient comme deux aimants, le magnétisme naturel de cette alchimie construite autour d’une puissante amitié venant se manifester dès lors que s'effleuraient leurs épidermes. Pourtant, aussi utopique pouvait être cette vision, elle la brisa d’une question aussi brutale qu’une hache s’abattant sur le bois pour le fendre.

Alors l’instant de douceur s’effaça et, quand bien même elle se trouvait proche de lui, elle sentit la distance se faire entre eux tandis qu’il soupirait. Elle n’avait plus besoin de décodeur pour comprendre qu’il était au moins aussi peu à l’aise qu’elle et elle se félicita d’autant plus d’avoir osé poser le sujet entre eux car elle eut le sentiment que ni l’un ni l’autre ne l’aurait fait sinon. Passant la main dans ses cheveux, fermant un instant les yeux, il finit par lui répondre. Oui. La blonde prit une profonde inspiration en réponse à cette affirmation, alors qu’il étayait son propos à force de déduction. Tu as probablement vu la même chose que moi. Hochant la tête doucement, elle n’osa briser le silence, soudainement écrasée par le poids de tout ceci, la bulle se brisant dès lors en milliers d’éclats, la magie de leur vie perdant soudainement en brillance.

Vas-y, je t’écoute. Déglutissant doucement à son tour, elle se redressa sur ses genoux. Elle avait le sentiment que si elle se levait maintenant, cela n'engageait rien de bon pour la suite aussi, elle préféra garder cette proximité, même si leurs bustes s’étaient un peu plus éloignés par son geste. “Je crois… Je crois qu’il faut qu’on en parle, on ne peut pas faire comme si de rien n’était, pas après… Tout ce qu’on a vécu là-bas et… Tout ce qu’on a vécu ici.” La balance mentale qu’elle se faisait de son existence oscillait alors qu’elle songeait à cette vie parcourue, à ce monde chaotique qu’elle avait traversé mais qui l’avait tout autant façonnée, telle qu’elle était. “Si tu me demandes, là, maintenant, ce que je veux… J’ai envie de te dire qu’on a déjà suffisamment donné pour tout ça par le passé et qu’on ne doit plus rien à ce parc, ou à cette foutue famille.” Leanne avait cessé d'idolâtrer Simon Masrani le jour où elle avait été appelée pour travailler sur le spécimen Indominus Rex, n’ayant alors pas assez de voix pour se faire entendre face au danger qu’elle sentait venir de cet animal. Le dossier était classé secret défense aussi, elle n’avait rien pu divulguer à quiconque. Pourtant, quand l'incident s’était produit, elle aurait aimé pouvoir cracher au visage de l’homme tout son mépris pour le spectaculaire qui avait coûté de trop nombreuses vies, dont celle de Jayden. Puis, faute de pouvoir blâmer le père, elle avait choisi de faire de la fille l’objet de sa colère et de sa rancœur, la personnalisation même de la cause de toute sa peine.

Soupirant doucement, elle finit par relever ses yeux clairs vers Owen. “Mais ça n’engage que moi et… Et j’ai besoin que tu me dises ce que tu as en tête. Sache que je comprendrais, dans tous les cas, que la curiosité te pousse à assister à cette réunion, je me suis moi-même laissée tentée de voir ce qu’on pourrait bien nous dire, cette fois-ci, pour tenter de nous convaincre de retourner dans cet enfer.” Un enfer qu’elle avait su adorer. Un enfer qui était à l’origine de bon nombre de choses de sa vie, aujourd’hui. Mais ça, il valait mieux le laisser dans un coin de son esprit, pour le moment.

Nous sommes et nous serons toujours liés à cet endroit. Il n’avait pas tort. Ne serait-ce que par le passeport de Parker mentionnant sa naissance sur Isla Nublar. Leanne avait l’impression d’avoir désormais plus de souvenirs sur cette île qu’elle ne pouvait en avoir sur le continent. En même temps, elle avait passé quoi… Un tiers de son existence, là bas ? Parker, lui, y avait passé deux fois plus de temps. Quant à Owen… Owen avait vu naître et grandir certains spécimens et elle savait comme il y était attaché. Elle aussi, elle voyait ces animaux comme des enfants, comme des membres d’une grande famille, mais elle n’éprouvait aucun manque à ne pas les voir, contrairement à celui qui, sans forcément en parler, gardait vivante la mémoire d’un vélociraptor capable de les réduire en pièces.

Elle écouta, comme il l’avait fait avec elle. C’était peut être pour cela, que ça fonctionnait si bien entre eux. Leanne n’était pas du genre à se taire, sa franchise débordante pouvant parfois nuire à ses relations - n’en déplaise à certains agents de sécurité présents sur Isla Nublar - et, finalement, Owen était du même acabit. Pourtant, si cela aurait pu provoquer bon nombre de foudres entre eux, cet aspect de leur personnalité s’effaçait en partie quand ils dialoguaient ensemble, même si l’honnêteté prédominait toujours dans ce couple qu’ils formaient. Je ne sais pas ce que j’ai envie de faire. Cette phrase, ponctuée d’un baiser dans son cou, n’annonçait rien de bon. Owen n’était pas passif, bien au contraire. C’était un leader. C’était l’Alpha. Le voir douter avait quelque chose d’inquiétant et Leanne en fronça ses délicats sourcils, se demandant ce qui traversait son esprit et ses pensées. L’idée qu’elle puisse être en vie me bouffe. Evidemment. Fermant un instant les paupières, Leanne encaissa l’information.

Elle avait fait ce deuil. Celui de leur vie, là-bas. Arrachée à son foyer, son fils dans les bras, elle l’avait serré contre elle dans l’unique but de le protéger, le garçonnet pleurant son inquiétude face aux hommes armés usant de force et de violence verbale pour les déloger. C’était une épreuve de plus dans ce que Jurassic World leur avait fait subir. L’accalmie était née sur le ferry, l’étreinte qu’ils formaient tous les trois alors qu’ils regardaient Isla Nublar disparaître au loin réchauffant leurs âmes. Et maintenant ? Owen avait pris les directives, se raccrochant à sa vie passée, entraînant femme et enfant dans sa suite, pour cette vie paisible qu’ils appréciaient depuis plus de trois ans. Mais voilà, sous les sourires, sous la quiétude, les questions demeuraient. Elle aussi se les était posées. Et si…? Mais elle ne pouvait vivre pleinement cette existence si elle s’accrochait inlassablement aux doutes. Owen, lui, voulait en avoir le cœur net, quitte à replonger dans le chaos qui fut le leur.

Avec douceur, il l’invita à se remettre sur ses deux jambes, ce qu’elle fit docilement, son regard d’azur observant longuement le visage perdu de l’homme en proie aux doutes. S’accoudant à la balustrade de leur pergola, il laissa son regard voguer sur l’horizon, Leanne demeurant en retrait pour lui laisser le temps de formuler ses mots, de lui faire part de ses doutes. Et elle ne fut pas déçue du voyage. J’ai besoin que tu me dises ce qu’on doit faire. Je suis paumée. A son tour, la blonde soupira longuement, s’avançant finalement pour prendre place à ses côtés. Laissant son propre regard tomber sur les couleurs chaudes du soir, elle commença à réfléchir doucement à tout ceci. Owen finit par se tourner vers elle, les questions qui se tapissaient sous son crâne finissant par sortir. Et si cette fois tout était différent ? Et si…? Un soupir lui échappa, ses mains venant doucement s'agripper au bois. “Je comprends que tu aies envie de miser là-dessus. Une petite part de moi aussi, l’espère profondément… Mais, Owen… Tout se passait bien jusqu’à ce qu’ils dépassent les bornes. Les scientifiques ne sont pas comme nous, ils jouent à surpasser Dieu et ça finit inlassablement en drame.” Bon, c’était valable surtout pour leur premier séjour sur l’île, le second ayant été écourté à cause d’une entité qui n’avait pas même été identifiée.

S’accoudant, elle posa son front sur la paume d’une main un instant, réfléchissant longuement à la question. Puis, tournant son regard clair sur lui, pinçant légèrement les lèvres, elle se résolut à poser les choses clairement. “Tu peux pas me demander de choisir pour toi. Pas pour ça. Si je te demande de rester, qu’on fasse comme si de rien n’était alors… Je ne veux pas que tu sois malheureux, Owen. Tu sais comme je t’aime, tu sais que je ferais tout pour toi mais ça… Ça va au-delà de ce que je peux choisir pour notre avenir. On ne parle pas de la couleur des murs de notre chambre, on parle d’une décision qui peut entraîner beaucoup de conséquences sur nous, comme lorsqu’on s’est dit qu’on n’était pas fermés à l’idée d’agrandir notre famille.” La vie en avait voulu autrement, cependant. Leanne accusait son âge, songeant avoir manqué sa chance sur ce point. Cependant, le parallèle était juste. Et c’était trop lourd à porter. Ils devaient se concerter, prendre la décision ensemble, tous les trois. Car oui, l’avis de Parker, quand bien même pouvait-il être encore un enfant, importait. Sa main, machinalement, vint se poser sur la sienne. “Blue te manque, je le sais. A moi aussi. Parker n’ose plus t’en parler de peur de réveiller des fantômes mais il l’a aussi dans la peau. Mais s’accrocher à ce maigre espoir… On ne sait pas ce qu’on pourrait retrouver là-bas… On ne sait même pas si le plan est de retourner là-bas… Vraiment, si on veut des réponses, je pense qu’il faut qu’on écoute ce qu’ils ont à dire. Après quoi, peut-être qu’on pourra réfléchir à ce que l’on fait, vraiment.” C’était la décision la plus sage, oui. C’était le meilleur moyen pour eux de prendre un peu de recul. Elle avait le sentiment de jouer une partie de carte sans avoir connaissance de sa main aussi, le plus logique serait d’abord de regarder ce qu’elle avait entre les mains pour aviser de la suite à donner.

Il y avait, dans leur proximité, quelque chose de rassurant, quelque chose qui tendait à les apaiser mutuellement. Sans un mot, Owen était venu l’enlacer, leurs corps se retrouvant un peu plus en contact. Jamais elle ne se lasserait de cela, appréciant la chaleur de son être contre elle, venant naturellement trouver sa place entre ses bras. Il en arrivait à la même conclusion qu’elle : Ils ne pouvaient pas prendre de décision l’un comme l’autre. Owen vint souligner ce qu’elle avait elle-même mit en avant, précisant qu’il ne souhaitait pas la priver de cela. Un instant, elle se sentit égoïste, ainsi pointée du doigt dans une décision qu’ils avaient pourtant bien prise ensemble. Finalement, peut-être que ce quatrième membre de la famille n’était pas venu pour une raison. Elle y songea, un instant, considérant leur avenir potentiel dans l’un des milieux les plus hostiles de la planète. Un nouveau-né n’avait aucune chance, sur Isla Nublar, dans de telles circonstances.

Ses lèvres sur sa peau, il souligna son souhait de s’adapter à elle et à ses envies. Ne rien faire sans ton accord. Elle sourit, malgré elle, véritable lionne en tête de file de la petite meute. “Et l’inverse est également vrai.” Il s’écarta d’elle, la saisissant doucement par les épaules pour mieux l’encourager à lui faire face. Je refuse de faire la moindre chose si tu n’es pas avec moi. Et c’est pour ça qu’elle l’aimait. Parce qu’il n’y aurait jamais personne laissé en arrière chez eux. Ils avançaient de front, qu’importe la voie choisie. Se lovant dans ses bras, elle n’eut rien à redire quand il l’embrassa à nouveau. On y va et on voit. Hochant doucement la tête, elle accueillit la remarque concernant Parker avec une légère grimace. “Je crois qu’il n’y aura aucune surprise le concernant… C’est sa vie, ce monde là… J’ai élevé Victor l’enfant sauvage en terre des dinosaures, je crois bien.” Et elle en ricana, ne sachant que trop bien comment, socialement, le pré-adolescent avait du mal avec ses pairs.

S’approchant à nouveau pour mieux l’embrasser, ses mains venant trouver sa nuque pour donner plus de profondeur à ses gestes, elle finit par le relâcher doucement, soupirant longuement. “Bon, j’imagine qu’on va avoir besoin de s’organiser.” Dégainant l’arme fatale qu’était son portable, elle prit le temps d’ouvrir ce mail, à nouveau, cherchant à décrypter les détails, l’objet étant largement visible par Owen également. “La réunion d’information est dans 10 jours à New-York. Ils annoncent une retransmission visio pour ceux qui ne pourraient s’y rendre… Tu crois qu’on devrait aller sur place ? Ou bien on tente d’ici avec notre connexion… Locale.” Internet, au Kenya, était un privilège en soi, surtout dans des terres aussi reculées que les leurs. Mais un voyage au cœur des Etats-Unis, cela risquait d’être plus violent, finalement. Et puis, si rien de ce qui était dit lors de cette réunion les encourageait à retourner là-bas, ne serait-ce pas un investissement inutile ? “Ça peut être un bon prétexte pour emmener Parker voir ses grands-parents aussi, j’imagine.” Et pour elle de renouer un peu avec les siens, malgré l’électron libre qu’elle était depuis de nombreuses années. Ses parents avaient toujours su la soutenir, l’encourager, et déploraient l’absence de leur petit-fils lors des rassemblements familiaux. Ces dernières années, elle avait su faire quelques efforts, les fêtes de noël étant un prétexte nécessaire pour que Parker retrouve ses cousins et que Leanne puisse présenter de façon tout à fait louable Owen dans son cercle familial. La réciproque avait également pu se faire, pour son plus grand plaisir, la mère d’Owen étant une femme des plus adorables, se réjouissant de voir son fils parvenir à trouver chaussure à son pied.

“Promets-moi une chose, seulement.” Relevant les topazes de ses yeux vers lui, elle le toisa un instant. “Peu importe qui sera présent à cette réunion… S’il te plaît, ne me laisse pas seule dans un groupe de ces agents de sécurité qui n’ont certainement qu’envie de me bouffer.” Son sourire s’étira en coin, franchement amusé.

Elle rit de bon cœur quand il évoqua leur connexion complexe et la volonté de Parker de jouer en ligne. C’était étrange, pour elle, de concevoir que son fils grandissait, qu’il n’était plus le garçonnet qui nécessitait tant la protection de sa mère et sa surveillance quasi permanente, comme elle semblait s’être persuadée de le faire perpétuellement, quand ils vivaient sur Isla Nublar. L’enfant avait grandi, atteignant ses dix ans, se montrant volontaire, responsable. Il était de ces enfants qui ne grandissait pas dans les conventions d’une société telle qu’on la connaissait, en marge de cette dernière, créant ses apprentissages dans la nature même si les bancs de l’école se rappelaient à lui quand sa mère le lançait sur des activités bien particulières à un moment donné. Il avait également su garder contact avec ses cousins via la technologie, ces derniers étant soudainement plongés dans son monde quand ils se retrouvèrent contraints de demeurer chez eux en raison de ce virus qu’ils n’avaient finalement que peu aperçu dans la réserve Kényane. Alors oui, Parker était un adolescent qui devenait de plus en plus connecté, même si sa vie restait bien ancrée à l’extérieur.

Une bonne idée. Oui, cela lui semblait raisonnable également, faisant d’un prétexte une raison suffisante pour un voyage qui n’était pas programmé. Et puis, Parker étant éventuellement occupé, il ne verrait peut être pas la supercherie qui se jouait devant lui, même s’il faudrait bien lui en parler, également. Pour autant, tant que rien n’était fixé et qu’ils n’avaient pas pris une décision en duo, cela lui semblait difficile à argumenter face à l’adolescent, pour une raison ou une autre. Oh mais il n’y a que moi qui ai le droit de vous bouffer, Mademoiselle. Son sourire s’étira plus encore alors qu’il vint happer ses lèvres, faisant preuve de plus de passion et d’une envie bien plus ancrée. Et Leanne ne put qu’y répondre, rendant chaque caresse, son corps tout entier appelant le sien… Jusqu’à ce que la petite souris se rappelle doucement à eux, se raclant la gorge bruyamment, forçant les adultes à se séparer l’un de l’autre avec un amusement certain. “La douche, jeune homme !” Il grommela un instant avant de quitter les lieux, cette fois-ci pour de bon. Levant les yeux au ciel, la blonde observa un instant l’homme qui partageait sa vie, reprenant place également dans le fauteuil avant de s’emparer de sa tasse encore chaude d’infusion qu’elle aurait presque pu oublier.

Le silence retomba, l’esprit de Leanne s’envolant à nouveau sur Isla Nublar. Elle pensait à ce retour éventuel, à la désolation qui pouvait se trouver dans cette jungle qu’ils avaient parcouru, à ce silence terrible qui faisait de toute l’île un gigantesque tombeau… Tu crois que Parker serait d’accord pour que je l’adopte ? Cillant un instant avant d’ouvrir des yeux ronds, elle reposa instantanément son attention sur l’instant présent et sur Owen. Longuement, silencieusement, elle l’observa comme s’il venait de parler une autre langue que la sienne. Et pourtant, le sens de ses mots avait atteint la blonde et elle comprenait très bien ce qu’il venait de lui dire. Pourtant, elle n’eut aucune réponse spontanée à lui offrir. Avait-elle déjà songé à cette finalité ? Oui et non. Oui, car il lui semblait évident pour elle que, si un jour, leur histoire se poursuivait jusqu’à l’autel, elle finirait par souffler cette éventualité pour que leur famille soit définitivement soudée. Non, car elle pensait qu’elle ne pouvait pas imposer sa volonté, ni à l’un, ni à l’autre. Ce n’était pas sa décision. C’était la leur. Et constater qu’Owen l’envisageait était un premier pas de franchi dans cet univers utopique que représentait cette famille unie.

S’il arrive un truc. Ah. C’était donc cela. Machinalement, Leanne ne put s’empêcher de sourire doucement, baissant le regard. “Donc… On ne prend pas de décision hâtive, mais les conséquences de ces décisions nous rattrapent déjà ?” Parce qu’elle savait ce qui lui traversait l’esprit. S’ils retournaient là-bas, si le danger rôderait à nouveau, la mort ne serait jamais loin, comme une bonne amie que l’on peut saluer chaque matin. Soupirant doucement, reposant à nouveau sa tasse, elle essaya d’assembler ses pensées. “Ca fait deux sujets sérieux en une soirée, je vais commencer à penser que tu nous couves quelque chose…” Elle étira ce sourire en coin dont elle avait le secret avant de poursuivre. “Je ne peux pas répondre à sa place. Je crois qu’il est assez grand pour pouvoir assumer ce choix tout seul. Maintenant, si c’est ma… Bénédiction que tu cherches…” Elle tendit doucement sa main pour venir délicatement se poser sur la sienne, ses doigts étreignant les siens avec tendresse. “S’il devait m’arriver quelque chose, et quand bien même tu n’es pas son père biologiquement parlant… Je ne vois personne d’autre que toi pour veiller sur lui avec la bienveillance qui lui est nécessaire. Et je pense… Je pense qu’il refusera quiconque ne serait toi, parce que même si tu ne seras jamais son père, dans le sens littéral du terme, tu es ce qui s’en approche le plus, pour lui.”

Que dirait Parker ? Leanne tentait de se l’imaginer, bien qu’elle était, finalement, incapable de prédire les actes de son fils vis-à-vis d’une telle annonce. Accepterait-il ? Ou bien jugerait-il cela malvenu ? Dans son esprit, c’était impossible que le petit garçon qu’elle avait vu grandir puisse refuser une telle demande de la part de celui qu’il avait toujours su idéaliser. Owen avait été un modèle pour lui, Leanne ne se souvenant que trop bien de sa réponse, quand on lui demandait ce qu’il souhaitait devenir, plus tard. Je serai Owen, maman. Ca la faisait forcément sourire, même si désormais, cette déclaration innocente prenait tout son sens. Et aujourd’hui, Owen proposait de former un tout avec ce garçon qui risquait de devenir orphelin. Car Leanne sentait bien que, s’il ne le lui disait pas, Owen était dévoré par l’envie de retourner là-bas, aveu silencieux qu’il venait de faire en lui indiquant vouloir prendre soin de Parker, si les choses devaient mal tourner. Leur vie au Kenya n’était, certes, pas un long fleuve tranquille, mais elle ne nécessitait pas de telles extrémités dans la réflexion.

Il revint doucement vers elle tandis qu’elle exprimait les choses, petit à petit, reformant un contact avec elle via ses mains. Et finalement, le délivrant de son fardeau d’une bénédiction doucement formulée, elle se laissa aller contre lui quand il reforma une étreinte puissante autour d’elle, la remerciant avec une profondeur certaine. Puis, se détachant d’elle, le visage de la blonde entre ses mains, ils échangèrent un long regard auquel elle répondit par un doux sourire conquis. Et comme on dit, jamais deux sans trois. Nom de… Mais qu’avait-il en réserve encore ? Cette fois-ci, elle haussa les sourcils, grandement surprise, cherchant à trouver par elle-même où il voulait en venir. Il s’écarta un peu plus d’elle, prenant un léger recul sur eux avant de lui adresser une question très simple. Et toi ? Et elle… Quoi ? Il voulait l’adopter aussi ? Elle ricana doucement, l’idée lui effleurant rapidement l’esprit. “Et moi…?” L’interrogation méritait d’être verbalisée alors qu’il faisait une pause pour mieux reprendre son discours.

Ce n’est pas comme ça que je voyais les choses mais ce mail a tout bousculé. Bordel, mais de quoi il parlait, exactement ? Ses sourcils se froncèrent essayant de comprendre où il voulait en venir. Se laissant guider dans la position qu’il souhaitait mettre en place, elle prit place dans le fauteuil. Ce ne fut que lorsqu’il s’agenouilla devant elle qu’elle comprit. “Owen…” Épouse-moi. Un silence accueillit sa question posée sous forme d’affirmation. Elle le regarda longuement, légèrement sonnée par la précipitation que prenait la chose. Car oui, d’un coup, tout lui sembla terriblement précipité. L’instant d’avant, ils vivaient simplement dans cette réserve incroyable, à se demander si les lionceaux seraient nés le matin suivant. Et maintenant, ils revoyaient tout leur plan d’avenir dans des interrogations toutes plus graves les unes que les autres car ayant de très grandes conséquences. Une part d’elle avait le sentiment que Owen faisait tout ceci pour de mauvaises raisons. Parce qu’il savait qu’il retournerait dans cet endroit maudit. Mais, au fond d’elle, elle voyait le déroulement logique des choses se produire sous ses yeux. Parce que, comme il avait pu le dire, les choses se seraient déroulées certainement autrement, mais elles se seraient déroulées quand même. Alors un large sourire pris place sur ses lèvres qu’elle mordilla machinalement. “D’accord.” D’accord, pour l’épouser. Et pour ces rêves qu’il n’osait finalement avouer. Cette réunion n’était qu’un prétexte pour mieux retarder l’inévitable, elle le comprenait. Alors, se penchant vers lui, elle l’embrassa à nouveau, avec tout l’amour qu’elle lui portait, avec tout ce bonheur qu’elle avait à se trouver près de lui. Pourtant, elle se détacha rapidement de lui. “Parker va exiger que tu m’offres une bague, tu le sais, ça ?” Et elle rit doucement, avec la simplicité qui les définissait tous les deux.

Le mariage. L’avait-elle réellement envisagé, le concernant ? Rien n’était moins sûr. Leanne n’avait pas besoin d’un engagement notifié sur un morceau de papier pour se rappeler l’amour qu’elle éprouvait pour lui, pour savoir qu’elle désirait ardemment le voir passer le restant de son existence avec elle et son fils. Pour elle, plus que le mariage, envisager un enfant était une preuve plus tangible. Et pourtant, il n’avait fallu qu’un doute sur cet avenir qu’ils avaient envisagé, qu’ils avaient planifié, qu’un grain de sable dans les rouages d’une machine bien huilée, pour que Leanne puisse penser que cette étape non-obligatoire le devienne. L’éventualité d’un retour dans un monde hostile la poussait à faire le grand saut, à se jeter toute entière vers lui pour espérer s’envoler et non s’écraser. Soudainement, tout fut une évidence et, blottie contre lui, ses lèvres cherchant les siennes avec passion, elle ne voyait plus aucune raison de refuser.

Un léger rire venant interrompre les choses, elle mentionna l’objet tant attendu par bien des femmes, qu’elle se moquait éperdument de porter à son doigt, ayant attaché trop d’importance à ceci par le passé. Peut-être était-ce ce premier mariage déjà vécu qui ne l’aidait pas, auparavant, à entrevoir la nécessité de celui-ci. Elle avait eu les grandes pompes, les discours interminables, la soirée dansante et la pièce montée. Finalement, il aurait fait en sorte que tout se déroule ici, sur leur porche, elle n’aurait trouvé ça que plus vrai. Mais là encore, il la surprit.

Parker. Quoi ? Mais cet enfant n’obéissait donc à… Oh ? Quelle ne fut pas sa surprise de voir le jeune adolescent faire son apparition, la même mimique sur les lèvres qu’Owen. Bordel, mais ils préparaient quel mauvais coup, ces deux-là ? Lui tendant un petit écrin, Leanne dévisagea longuement son fils qui, pour toute réponse, lui tira vivement la langue avant de se reculer légèrement. Je crois qu’on a ce qu’il faut. “Mais.. Je… Vous… Depuis quand ?” Son regard oscillait d’un homme à l’autre de sa vie, sentant leur petit coup monté arriver à son terme. Pour peu, ils se seraient certainement tapés joyeusement dans les mains pour mieux se féliciter de la tête qu’elle devait faire. L’adolescent se retenait ouvertement de rire, s’adossant contre la balustrade, croisant les bras tout en guettant la scène. Si Leanne avait douté, un instant, de l’approbation de son fils face à l’engouement que prenaient les choses, elle put constater que malgré ses grimaces exagérées, il lui offrait sa bénédiction par sa présence, par sa complicité avec Owen. Et c’était un merveilleux trésor qui faisait exploser son cœur d’une joie immense.

L’Alpha reprit son sérieux, posant alors un genou à terre, se formalisant à plus d’attentes. Tendant vers elle l’écrin, il l’ouvrit, révélant une bague incroyable. Un diamant trônait sur le dessus de l’anneau, épaulé par deux autres, plus petits. L’ensemble de l’anneau brillait, serti de pierres plus petites mais qui captaient toutes joyeusement la lumière du soleil couchant, projetant des reflets sur eux trois. Trois diamants. Trois cœurs unis. Elle ne put que sourire de plus belle quand, d’une voix solennelle, il rappela son nom de jeune fille, celui qu’elle avait porté par le passé, avant son premier mariage. Dans un sens, c’était un au revoir définitif à Jayden et elle le ressentit, un instant. Pourtant, ce fut comme s’il était là, auprès d’elle, observant son bonheur et celui de son fils. Veux-tu m’épouser ? Elle sourit en coin légèrement, murmurant quelques mots à l’intention du brun. “Tu sais que c’est dangereux de poser deux fois cette question à une femme ? On peut si facilement changer d’avis…” “M’man…” Parker levait les yeux au ciel avec un insolence palpable, captant le regard de sa mère un bref instant avant qu’elle ne le replonge dans celui d’Owen. “Oui. Je le veux…” Et à nouveau, elle se pencha, scellant ces mots d’un baiser plus chaste, applaudi par un Parker qui semblait vouloir partager son plaisir également, s'essayant à siffler entre ses doigts.

La bague épousa son doigt, comme si telle avait toujours été sa place. Le sourire de la blonde s’était élargi, contemplant le bijou sur sa main, trônant sur son annulaire. Et finalement, le plus dur étant fait et passé, Owen referma son étreinte sur elle et Parker, tirant un rire à la mère et un grognement désabusé au fils. La douceur sur ses lèvres sur son front était l’unique chose dont elle avait besoin en ce bas monde. Fermant brièvement les paupières, elle prit le temps d’ancrer l’instant au plus profond de ses souvenirs car rien ne saurait lui enlever la perfection de cet instant. Bordel, elle devrait presque remercier Masrani pour son mail empoisonné, en fait, car il venait de provoquer cette conséquence des plus inattendues et pourtant des plus merveilleuses.

Il est temps de vous préparer parce que, ce soir, nous sortons tous les trois. Haussant ses sourcils avant de les froncer, elle le dévisagea à nouveau, cherchant à lire dans ce sourire mystérieux quelle nouvelle diablerie il avait su préparer. Pire encore, elle capta ce clin d'œil échangé entre les deux hommes de sa vie et grimaça légèrement tandis que l’enfant battait en retraite, se rendant enfin dans la salle de bain comme on le lui avait ordonné bon nombre de fois. “En voilà, des cachotteries…” Est-ce que c’était plaisant ? En grande partie, oui. L’idée de lâcher prise était contraire à ses habitudes mais, avec Owen, elle avait appris à ne plus se montrer aussi terre à terre qu’elle avait su l’être par le passé.

Quant à vous… Souriant doucement en coin face au nouveau comportement d’Owen une fois Parker disparu, saisie par le bras et invitée à une nouvelle proximité à laquelle elle ne sut dire non, elle l’écouta lui déclamer son souhait de la garder encore auprès d’elle pour mieux l’embrasser avec une tendresse toute trouvée, quoique moins sage et réservée que lorsque sa progéniture se trouvait dans les parages. Elle répondit à cet amour en lui rendant chaque caresse, ne désirant pas plus que lui se séparer. Elle aurait pu passer l’entièreté de la soirée lovée ainsi dans ses bras que cela lui aurait tout autant convenu que d’aller de surprise en surprise. Même si le poids de leurs vêtements aurait fini par être bien trop pesant.

Rompant l’alchimie de ce baiser, ils partagèrent un regard tendre avant qu’Owen ne lui ordonne presque de déguerpir sur le champ, sous peine de devoir affronter des envies plus affirmées. Étirant ses lèvres en un coin, elle les avança jusqu’à son oreille pour mieux lui murmurer sa réponse. “J’ai déjà envie de plus…” L’insolence de la phrase resta en suspens car, sans même se retourner, elle se détacha de lui, se rendant dans la salle de bain de la suite parentale. Faute de savoir à quoi s’attendre, elle opta pour des préparatifs complets mais légers. Le Kenya était un pays dans lequel on ne se risquait pas à des escarpins ou à des robes trop courtes. Propre comme un sou neuf, Leanne avait pris le temps de peigner ses cheveux blonds avant de les laisser boucler selon leurs envies. Puis, elle s’était maquillée, légèrement mais suffisamment pour que cela puisse être souligné. Un trait d’eyeliner venait accentuer ses yeux clairs quand ses lèvres avaient été légèrement soutenues par un bois-de-rose crémeux. Une robe longue, bleue claire et fleurie, venait souligner son buste mince, les épaules légèrement couvertes venant soutenir un décolleté vertigineux qui ne lui permettait guère de porter le sous vêtement adéquat pour soutenir sa petite poitrine. Satisfaite du résultat, elle avait rejoint Parker qui l’avait accueilli en sifflotant, s’attirant immédiatement un regard légèrement courroucé mais tout autant amusé de sa mère. L’instant leur permit une petite discussion, durant laquelle l’adolescent - qui avait revêtu une chemise et un pantalon propres pour l’occasion - s’autorisa à affirmer à sa mère comme il était heureux pour elle de la voir capable de s’émanciper de leur passé. Jayden les effleura tous deux et ils s'étaient étreints avec tendresse, avant d’avancer, ensemble, vers cet avenir.

Owen finit par se montrer, bien mieux vêtu qu’à son habitude, et conduisit sa fiancée et son fils jusqu’à la jeep. Le trajet ne fut pas long et l’endroit était familier à la petite famille recomposée. A peine le moteur coupé, Leanne le dévisagea doucement. Parker sauta du véhicule quand Owen prit la peine de faire le tour, lui tendant la main pour l’aider à descendre. “Quel gentleman !” Les petites intentions étaient bien les meilleures et la blonde ne lâcha pas son bras quand il la guida jusqu’au ponton au bout duquel elle devina la présence de la table et des chaises. “Tu n’aurais accepté aucun refus de ma part, hein ?” Lui souriant avec tendresse, elle lui vola un baiser sur la joue, Parker étant parti devant, comme pour vérifier que tout était en place, dégainant un briquet pour mieux allumer quelques bougies.

J’étais plutôt du genre sûr de moi. Il ne manquait pas d’audace, cet homme. Et c’était certainement pour cela, avant tout, qu’elle s’accordait si bien avec lui. Il fallait au moins cela pour ne pas détonner face à l’aplomb de la blonde et Owen avait cette capacité à répondre au tac-au-tac qui pouvait lui clouait le bec. D’ailleurs, les rares disputes qu’ils avaient pu avoir n’avaient jamais été longues et s’étaient souvent soldées en éclats de rire. Elle avait levé les yeux au ciel face à cette assurance à toute épreuve, bien vite complétée par la complicité avouée de Parker dans ce stratagème mis en place. “Vous êtes la seule équipe qu’il m’est nécessaire d’avoir…” Se laissant guider jusqu’à la table, elle se laissa aller dans cet instant complètement inédit et imprévu, les découvertes se faisant les unes après les autres. Owen avait pensé à tout. Chaque plat était une source de souvenirs immense, un plaisir pour les papilles et un moyen de reconstituer l’ensemble de leur histoire en cette savane kényane. Le repas était d’une légèreté sans égale, laissant même à Leanne l’opportunité d’oublier ce qui avait pourtant plombé son esprit durant toute cette journée. Jurassic World n’existait plus, ici et maintenant. Et elle aurait presque désiré voir le temps se figer pour ne jamais être rattrapée par tout ceci.

Parker avait fait le clown pendant une bonne partie de la soirée, abordant ce mariage avec une aisance qui étonnait sa mère. L’adolescent était empli d’une résilience certaine et, elle le savait, il parviendrait toujours à se sortir des situations les plus complexes. Il n’était en rien comme les autres adolescents de son âge et elle avait parfois peur de ce que ce déracinement pouvait entraîner, en termes de socialisation. Mais fort heureusement, à l’ère d’Internet, il parvenait à échanger avec ses cousins. Des amis, il n’en avait que peu, certains enfants expatriés comme lui avec qui traîner dans les réserves était un hobby pour le moins éducatif. Saurait-il s'accommoder à une vie plus proche de la norme ? A rire et à faire des plans sur la comète sur la cérémonie que Leanne voyait comme très minimaliste, il finit par bailler à répétition et papillonner du regard. Il ne fallut pas longtemps après que la jeep ait démarré pour qu’il se laisse aller dans les bras de Morphée, tirant un sourire à sa mère. “Ça y est, tu as réussi à l’épuiser !” Un sourire en coin, elle avait adressé un regard amusé à Owen avant de l’aider dans la mise au lit du jeune adolescent. Lui ouvrant la voie, elle l’observa placer le jeune garçon dans son lit, un sourire sur les lèvres. Puis, s’avançant à son tour, elle lui retira ses chaussures et le glissa sous le drap qui, faute de devoir le protéger du froid, repousserait un minimum les moustiques, avant de refermer la porte.

Elle n’était pas particulièrement épuisée mais la journée avait été éprouvante, les nombreuses émotions la guidant dans un ascenseur qui semblait ne plus savoir s’il devait monter ou descendre. Pourtant, quand Owen lui prit la main, plaçant un doigt sur ses lèvres avant de l'inviter à le suivre, elle ne put que s’exécuter, un sourire franc sur les lippes rosées. Parker ne risquait rien, pas ici. A l’heure où les chats dorment, les souris pouvaient danser et elle savait que l’homme à ses côtés avait certainement une fin de programme en tête qu’elle ne pourrait refuser. Abandonnant ses chaussures, elle le suivit sur le chemin qui menait à la plage, puis le long de celle-ci. Il ne leur fallut qu’une poignée de minutes pour atteindre la grotte naturelle qui s’était creusée dans un pan de roche, lieu qu’ils avaient découvert de façon fortuite mais qui était devenu l’une de leur tanière favorite quand il s’agissait de se trouver un lieu calme autant que capable d’une intimité toute trouvée. Personne ne viendrait les déranger ici.

Owen acheva d’allumer les bougies, dernière touche venant parfaire ce qu’il avait fait de ce lieu. La fin de la soirée n’aurait qu’une finalité possible avec tous ces efforts déployés. Et c’était parfait car, depuis plusieurs heures, Leanne mourait d’envie de retrouver une proximité intimiste avec l’homme qui prenait place sur la couverture posée au sol. Alors, elle ne se fit pas prier quand il tendit la main, l’attirant vers lui et vers le sol sur lequel elle s’installa. Dans ses bras, ses lèvres glissées dans son cou, elle soupira doucement. A nouveau, Owen souligna l’investissement de son fils dans les préparatifs d’une telle soirée et elle sourit de plus belle. “Normal… Il a la meilleure mère du monde, non ?” Elle rit doucement, ne sachant pas encore réellement comment remercier son garçon pour un tel investissement dans ce qui avait été une soirée idyllique. Relevant le regard vers Owen, elle lui avait sourit avec tendresse, ses lèvres venant trouver les siennes pour lui voler un baiser. “Et faute d’avoir pu rencontrer son père… Il chérit déjà l’idée d’avoir un Owen qui prend soin de sa mère.” Et c’était bien tout ce qui comptait à ses yeux. Leanne ne pouvait que le remercier de la délicatesse qu’il avait eu de parler de tout ceci à Parker avant de se lancer avec elle. Il ne voulait pas prendre l’enfant de court, il voulait qu’il puisse donner sa bénédiction, ce que l’adolescent avait fait en aidant à la mise en place de tout ceci.

Levant ses doigts vers son visage, elle vint jouer avec une mèche des cheveux de l’homme, souriant avec tendresse. “On devrait tous avec un Owen dans sa vie, si tu veux mon avis…” Il était drôle, charmant, audacieux… Parfois entêté et assurément sarcastique mais au moins, l’ennui et la routine n’alimentaient pas leur monde. Elle n’aurait jamais accepté de changer tout ceci et ce, pour tout l’or qui se trouvait sur cette planète. “J’aimerais juste pouvoir te rendre la pareille avec justesse…” Parce qu’elle l’aimait, elle aussi, avec une intensité si forte qu’elle aurait pu lui décrocher la lune s’il la lui avait réclamé. Seulement, si l’astre nocturne ne l’intéressait pas, elle avait espéré pouvoir faire de lui un père véritable et avait le sentiment d’avoir échoué en cela.