Julian lança un regard à l’ordinateur portable fermé sur la table non loin du canapé. L’envie irrépressible de l’allumer pour aller chercher des infos sur ce qui était arrivé à Laura le démangeait depuis ce qu’il lui semblait des mois. Il avait toujours réussi à repousser cette impulsion, souvent grâce à la présence de Marika. Depuis qu’il avait gaffé, il n’avait plus du tout abordé le sujet de Laura avec elle.
Il aurait pu lui raconter comment il était tombé amoureux, ce qu’ils avaient traversé tous les deux et à quel point il avait souffert de sa disparition mais il ne s’en sentait pas le droit.
Laura était une figure célèbre, il n’était rien. Et puis surtout, il l’avait abandonnée, de quel droit pouvait-il prétendre l’avoir seulement aimé ? De quel droit pouvait-il seulement être heureux en pensant au bonheur qu’ils avaient éprouvé.
Il ne méritait rien de tout ça.

Marika l’aurait-elle seulement compris ? Il lui semblait que depuis qu’il avait sous-entendu sans le vouloir qu’ils étaient plus proches que convenu, elle l’observait avec plus d’insistance.
Il aurait dû lui dire la vérité, au moins, il lui devait bien ça mais une intuition lui soufflait que Marika lui en voudrait de lui avoir menti. Et il avait besoin d’elle.
C’était égoïste et il le savait pertinemment, ce qui ajoutait encore à sa culpabilité.

Même s’il allait mieux, il n’était pas assez fort pour se passer d’elle et de ses médicaments.
Il est vrai que le soulagement de savoir Laura en vie l’avait ébranlé mais lui avait aussi enlevé un poids.
Ses émotions s’entrechoquaient malgré les cachets mais il faisait des efforts, il voulait vivre, il voulait avoir du sens dans son existence et surtout, il espérait recroiser la route de Laura pour s’excuser.

Il se leva et s’approcha de l’ordinateur. Caressa la coque en métal et fit demi-tour.
Non, c’était ridicule. Il n’avait aucun droit la concernant. Plus rien.
Son téléphone vibra une première fois sur le plan de travail, il l’ignora. C’était sûrement Marika et s’il appréciait sa présence, il appréciait tout autant ses absences désormais.
La vibration persista et il se décida à s’occuper de ce foutu mobile.

Le saisissant avec force, il observa un moment l’écran et fronça les sourcils. Le numéro qui s’affichait était inconnu. Un démarcheur peut-être ?
Il allait l’envoyer chier vite fait bien fait.
Déverrouillant l’appareil, il le plaça à son oreille.

- Oui allo ? lâcha-t-il sans douceur.
Il y eut un silence et puis
- Julian ? C’est moi.

Son coeur manqua un battement, puis deux. Il lui sembla s’arrêter tout à fait. L’émotion lui noua la gorge en reconnaissant la voix de Laura.
Ses jambes se mirent à trembler et il se laissa tomber sans douceur sur le sol.

Il s’allongea entièrement, sans quitter le combiné, sa main libre se repliant sur son ventre. Il ferma les yeux, incapable de réagir dans l’instant ou plutôt, incapable de contrôler la déferlante qui secouait tout son être jusqu’au plus profond de ses tripes.

- Laura…murmura-t-il la voix tremblante.
Une larme perla à l’une de ses paupières closes. C’était si bon de l’entendre, si bon de la savoir en vie pour de vrai. Il inspira profondément pour essayer de se calmer, mais les émotions affluaient tenaces et cruelles.

Assise sur le lit matelassé de l’hôtel, elle tournait et retournait le papier qu’elle avait entre les doigts, caressant le nom qui y était inscrit, suivi d’un numéro de téléphone et d’une adresse. Il n’était pas mort. Le détective avait réussi à retrouver sa trace, à faire en sorte que tout ceci ne soit pas vain. Le matin même, avant de prendre l’avion, Miller était venu la trouver, lui tendant l’objet. Toute la journée, elle l’avait pris en main, l’observant longuement, se demandant quoi faire. L’Australie. Ce n’était pas la porte à côté et pourtant, cela le devenait quand on possédait un avion à son nom.

Elle avait fait d’énormes progrès. La motricité n’était plus un problème, sa marche étant à nouveau acquise. Sa retraite loin des médias lui avaient permis de redécouvrir le monde dans lequel elle évoluait… Et d’apprivoiser ses changements. Presque quatre années. La nouvelle avait été dévastatrice, son esprit tombant en ruine à la simple évocation de la date du jour. Mais avait-elle le choix ? La vie continuait et elle avait deux choix : l’accepter et reprendre les choses en cours de route, ou renoncer. Elle ne renoncerait plus. Plus jamais. Alors pourquoi hésitait-elle ?

Il fréquente une psychologue, Marika… Son nom de famille n’avait pas intégré son esprit. Elle s’en foutait. Son identité n’avait pas d’importance. C’avait été douloureux à encaisser, à accepter. En quatre années, pourtant, il avait eu bien le choix de refaire sa vie. Elle avait été présumée morte. Elle ne pouvait pas le blâmer. Alors pourquoi est-ce que ça la tuait ?

Arrivée quelques heures avant, elle avait encouragé Damian à ce voyage, comme un ultime moyen pour lui d’enterrer son célibat, en compagnie de sa meilleure amie. Il n’aurait pas pu lui refuser ça. Et il ne l’avait pas fait. Regagnant la chambre qui était désignée comme la sienne, elle s’était habillée pour sortir visiter quelques endroits avec Damian mais, plongeant la main dans son sac, était retombée sur cette carte de visite sur laquelle les informations étaient griffonnées. C’était une connerie. Une grosse connerie. Qu’avait-elle à lui dire ? Salut Julian, tu te souviens de moi ? Je ne suis pas morte. J’ai pensé à toi tout le temps. J’espère que tu vas bien. Passe le bonjour à Marika. L’idée même de cette discussion lui foutait la gerbe.

Pourtant, prenant son courage à deux mains, elle composa hâtivement le numéro sur son écran tactile. Pourquoi tu fais ça ? Le petit ange sur son épaule la fusillait du regard alors que le petit démon, de l’autre côté, répondait avec allégresse. C’est juste pour être sûre qu’il va bien. Juste pour l’entendre. La première tonalité sonna dans le combiné, contre son oreille. Puis la seconde. Un instant, elle songea demeurer ainsi, accrochée à cette sonnerie, incapable de savoir si quelqu’un allait lui répondre. Et finalement, une voix abrupte se fit entendre.

C’était lui. Écarquillant les yeux un instant, elle demeura figée. C’était lui. Il était en vie. Le silence tomba un instant. Puis, puisant dans la force de ses émotions, elle déglutit. « Julian… ? C’est moi… » Pourquoi sa voix était-elle si tendue ? Sa gorge semblait refuser qu’elle puisse en dire davantage. A nouveau le silence tomba sur cette conversation, Laura étant incapable de bouger, attendant une réaction de sa part, un signe, un mot… Et finalement… Laura… Elle retint un sanglot, l’étouffant contre sa main. Elle n’aurait pas été assise, il lui aurait fallu le faire. Au lieu de cela, relevant les jambes, elle s’allongea sur le lit. Tu es là. « Je… » Sa voix était étranglée, secouée par l’émotion qu’elle tenta de chasser dans un raclement de gorge. « Je… Tu vas bien ? » Elle avait envie de se coller une gifle. Et pourquoi pas lui demander si le ciel était bleu et les oiseaux chantaient, hein ?

C’était elle qui avait disparu pendant presque quatre années mais c’est à lui qu’elle demandait comment il allait.

Non, il n’allait pas bien.

Il était perdu, déboussolé, à la fois foutrement euphorique de l’entendre et rongé par la lie de la culpabilité dégueulasse dans laquelle il s’embourbait depuis des années.
Il prit le temps de calmer son souffle, de respirer comme Marika le lui avait appris, au moins pour ne plus laisser le timbre trembler.

Combien de fois avait-il espéré entendre le son de sa voix à nouveau ? Combien de fois en avait-il seulement rêvé ? Il la croyait morte alors et depuis sa réapparition, il s’était fait une raison.
Il avait échoué, il l’avait abandonnée. Alors pourquoi appelait-elle ? Que devait-il lui dire ? Tout lui raconter ? Non, elle n’avait pas besoin de ça en plus.
Lui demander où elle était passée ? Voulait-il vraiment le savoir dans le fond ? Est-ce que cela n’ajouterait pas à son trouble ?
Si, il devait lui demander et souffrir des conséquences. Il ne voulait plus faillir, ni même reculer. Il devait assumer ses erreurs et la laisser le juger, peu importe la sentence.
Une boule glacée se forma dans son ventre, il appréhendait.

- Je ne sais pas, répondit-il à voix basse.

Ce n’était pas tout à fait un murmure, juste un aveu de vulnérabilité qui lui avait échappé.
Jamais il n’avait été vulnérable, jamais. Julian était fort depuis toujours, il avait affronté ce qui s’était présenté à lui à chaque fois avec la confiance et la force mais là c’était trop.
Il ne pouvait pas donner l’illusion à Laura, il savait qu’il n’y arriverait pas.

- Je suis si heureux d’entendre le son de ta voix, avoua-t-il encore.

Et c’était vrai. Putain c’était tellement vrai.
Pour la seconde fois depuis quatre ans, il avait la sensation de pouvoir respirer pleinement à nouveau.
Il ouvrit les yeux, essuya ses larmes et se concentra sur le plafond, cherchant à l’imaginer elle, de l’autre côté de la communication.
Le fantôme qu’elle avait été reprenait petit à petit sa densité. D’abord avec l’image, puis maintenant le son, quand pourrait-il la toucher ?
Sa mâchoire se crispa et son poing se serra, il n’en avait plus le droit.

- Où es-tu ? demanda-t-il toutefois.

Je ne sais pas. Se mordant la lèvre inférieure, elle regretta presque instantanément sa démarche. De quel droit l’appelait-elle ainsi, sans prévenir ? Fermant les paupières, elle déglutit avec peine, se demandant comment elle allait pouvoir rattraper ça. Devait-elle couper court à la communication ? Ah, d’accord… Bon, je veux pas te déranger plus que ça alors… Salut ? Merde, mais les idées qui se succédaient dans son cerveau embrouillé étaient toutes pires les unes que les autres. Et pourtant, au fond d’elle, une petite voix lui répétait inlassablement de ne surtout pas raccrocher. Elle devait se nourrir de cette voix métallisée qu’offrait le combiné. Respirant profondément, allongée sur ce lit d’hôtel, elle demeura silencieuse, le corps tiré par les émotions qui venaient remplir ses yeux de larmes.

Je suis si heureux d’entendre le son de ta voix. La sienne était toujours la même. Le souvenir fantomatique qui l’avait hanté durant des mois était désormais une réalité et ces mots, elle n’aurait pu les imaginer. Pinçant les lèvres, pleurant à chaudes larmes, elle finit par prononcer à son tour quelques mots. « Moi aussi… » C’était pour ça qu’elle le faisait. C’était pour qu’il lui donne une énergie nouvelle rien qu’en parlant, rien qu’en profitant des notes fragiles que sa voix lui envoyait. Elle aurait pu rester une vie entière accrochée à ce combiné, simplement pour mieux l’entendre respirer, pour mieux l’entendre lui dire des choses terriblement simples.

Où es-tu ? Pouvait-il le sentir ? Pouvait-il avoir conscience de cette proximité entre eux qui se joignait à cet appel ? « Je… Je suis… » Merde. Comment dire des choses si simples sans l’effrayer ? Sans lui donner envie de raccrocher immédiatement ? Devait elle mentir ? Renoncer ? Devait elle lui dire toute la vérité ? Lui confesser son inquiétude ? Ses recherches ? Sa volonté de le revoir, qu’importe les raisons ? Son cerveau était une cocotte-minute. Il implosait. Depuis combien de temps n’avait ce pas été le cas ? Elle comprenait mieux les troubles de l’attention qu’on lui avait identifiés, une concentration moins performante… Le déclin cognitif qui avait été le sien durant tout ce temps avait laissé ses marques et si rien n’était irréversible, elle était plus souvent le jouet de ses émois qu’en contrôle de tout ceci. Alors, bêtement, elle lâcha un rire entre ses larmes. « Tu vas trouver ça idiot… Je suis en Australie. » Je sais que tu es là. Je veux te voir. Je veux sentir ton odeur, toucher ton corps. Je veux enfin respirer.

“Moi aussi”. C’était une douce chaleur, une sensation agréable qui l’étreignit soudain. Pourtant, il la repoussa, il ne devait pas se laisser aller à croire que tout pouvait être pardonné. Il ne le pouvait pas. Il n’en avait pas le droit.

C’était pourtant tellement bon. Juste l’entendre parler, respirer. Pleurait-elle ?
Il lui avait semblé entendre le souffle légèrement vibrant à travers le téléphone. Ce n’était sûrement que son imagination qui s’exprimait pour mieux le torturer, comme ces quelques fois où entre le sommeil et le réveil, il avait cru l’avoir dans ses bras. Lorsqu’il ouvrait enfin les yeux cependant, un léger sourire aux lèvres, il apercevait Marika.

Il ferma les yeux à nouveau, souhaitant imprimer dans son cerveau le plus petit mot, le plus petit souffle qu’elle lui offrirait. Elle hésitait à donner la réponse et cela lui fit du mal. Peut-être ne voulait-elle rien lui dire ? Peut-être l’appelait-elle seulement pour régler un dernier soucis ?
Peut-être même regrettait-elle déjà son appel. Il se sentit faiblir, perdre pied.
Et puis soudain, elle poursuivit. “Tu vas trouver ça idiot”
Il fronça les sourcils ? Idiot ? Rien de ce qu’elle pourrait faire le concernant ne l’était.
“Je suis en Australie.”
Ses yeux s’ouvrirent d’un coup, écarquillés. Il se redressa tout aussi vite.

- En Australie ? répéta-t-il complètement hébété. Quoi ? Mais..comment? Pourquoi ?


Et voilà qu’il s’embrouillait. Elle était sur le même continent que lui, peut-être même toute proche. Comment était-ce seulement possible ? Que venait-elle chercher ici ?
Assis en plein milieu de sa pièce de vie, son regard ne fixait rien, en dehors de l’espoir fou de pouvoir la revoir. Son coeur fit une embardée, tonnant furieusement dans sa poitrine alors qu’il était suspendu à ses mots. Qu’elle l’achève par pitié.

Elle avait peur de le voir se rétracter. De l’entendre lui dire qu’elle n’est qu’une ombre de son passé et qu’elle ferait mieux de se détacher de son existence. Oui, Laura avait terriblement peur du rejet. Elle savait que sa vie avait continué, qu’il s’était reconstruit une existence, sans elle… Qu’il avait retrouvé une femme qui se blottissait certainement contre lui comme elle l’avait fait, jadis, cherchant sa tendresse, sa chaleur… Cherchant un peu de vie à mettre en elle. Elle la jalousait, cette Marika. Mais en avait-elle réellement le droit ?

Elle sursauta presque quand il répondit avec une spontanéité qui leur était étrangère dans cette conversation. Quoi ? Comment ? Pourquoi ? N’était-ce pas évident ? Je voulais te voir. Il fallait que je te voie. J’ai besoin de te voir. Ces mots restaient bloqués dans sa gorge. Elle n’avait le droit d’en prononcer aucun, pas après tout ce temps. Pas si elle le respectait suffisamment pour se tenir à distance. « Je… Je voulais… » Merde, mais pourquoi c’était si dur ? Pourquoi cherchait-elle à tout rouler dans du papier bulle ? Je t’aime. Parce qu’elle n’avait répété ces mots qu’au fruit de son esprit, pas à lui. La dernière fois qu’elle l’avait fait… Elle avait bien cru briser quelque chose en eux.

Se raclant à nouveau la gorge, grimaçant derrière son téléphone, elle vint se pincer l’arête du nez de sa main libre. « Julian, je sais que tu n’aimes pas ce genre de méthodes mais… Mais j’avais besoin de savoir ce qu’il t’était arrivé et… Et je me suis dit que… » Elle essayait de justifier les raisons du pourquoi. Elle essayait de masquer sa volonté de le voir, simplement, son espoir de croiser son regard et de penser que tout serait comme avant. Soupirant longuement, elle se mordit à nouveau la lèvre inférieure, cherchant à mettre de l’ordre dans le chaos. « Je suis à Melbourne… Avec Damian… Et Miller. Le premier est venu parce que je lui ai proposé ce voyage sous un prétexte bancal, le second… Parce qu’il ne voulait pas que je fasse ça toute seule. » Faire quoi, exactement ? Rompre une liaison morte ? Espérer pouvoir la renouer ? « Tu crois que… Tu… On… Pourrait… Se voir ? » Elle ferma les paupières avec force, priant soudainement pour qu’il ne lui refuse pas cela. S’il ne voulait pas la voir… Elle en crèverait.

Chaque fraction de seconde de son silence était un supplice. Julian était là, attendant, retenant son souffle, assis sur le sol. La main qui tenait le téléphone était aussi crispée que le reste de son corps, l’autre torturait un bout de son t-shirt.
Elle reprit la parole, rompant enfin ce qui lui sembla un siècle.
Elle voulait quelque chose, mais quoi ?
De quelles méthodes parlait-elle ?

Il ne comprenait rien. En tant normal, peut-être aurait-il fait le rapprochement entre ce qu’elle appelait ses méthodes et ce qui n’aimait pas mais pas à ce moment-là, tout son cerveau était concentré sur Laura en vie et en Australie.
Finalement, comment elle était arrivée jusqu’ici ne comptait pas. L’important était qu’elle soit là.
Et elle était bien là. A Melbourne. Il eut une inspiration appuyée lorsqu’il entendit le mot et l’émotion le transperça à nouveau. Une émotion violente qui lui donna à nouveau envie de pleurer. Il pouvait la revoir, il pourrait lui expliquer pourquoi il avait abandonné tout espoir, pourquoi il l’avait abandonnée et peut-être…peut-être qu’elle lui pardonnerait ? Peut-être qu’ils pourraient être heureux et peut-être que cette fois-ci, il aurait le courage de lui dire qu’elle était l’amour de sa vie.

Toutes ses pensées se concentrèrent en un instant puis s’affaissèrent aussitôt. Non il ne le pouvait pas, bien sûr que non. Lorsqu’elle prononça le prénom de Wiesner, cela acheva tout espoir.
Elle était donc avec lui. Depuis qu’elle avait été retrouvée très certainement. Le bon ami était à ses côtés, évidemment.

Il en ressentit une jalousie viscérale et serra les dents. Là non plus, il n’avait pas son mot à dire même s’il aurait aimé. Putain qu’il aurait aimé.
Savoir que Miller était avec elle le rassurait en revanche. Ce bon Miller qui avait toujours cru que Laura était en vie. Il se souvenait parfaitement de leur dernier échange musclé.
Miller lui avait proposé de partir à sa recherche, il avait des contacts dans une agence gouvernementale américaine. Mais Julian avait déjà perdu espoir de la retrouver en vie. Il n’avait que trop rêvé de retrouver son cadavre ou de ne pas la retrouver tout court.
Le message de Banks hantait encore sa mémoire à ce moment-là et le sanglot de Laura à travers le talkie grésillant aussi.

Il secoua la tête, se rendant compte qu’il s’était égaré dans son esprit. Qu’avait-elle dit d’autre ? Avait-il manqué une information cruciale ?
Alors elle lui demanda s’ils pouvaient se voir. Il en resta stupéfait dans un premier temps et puis naturellement le reste de la conversation traça son chemin dans son esprit et il comprit. La méthode pour savoir ce qui lui était arrivé, la raison bancale donnée à Wiesner, Miller avec elle.

- Tu es venue jusqu’à Melbourne pour me voir ? énonça-t-il avec une surprise non feinte.

Il avait du mal à y croire. Ne voulait-elle pas plutôt tourner la page sur cet homme si peu fiable ? Qui avait perdu espoir si vite ?

- Je ne sais pas quoi te dire, c’est tellement…tellement…je ne sais pas…je..oui..OUI bien sûr qu’on pourrait se voir.

De nouvelles larmes lui piquèrent les yeux, traduction d’une joie intense à l’idée de simplement poser son regard sur elle, la prendre dans ses bras. La laisserait-elle seulement faire ? Il se surprit même à rire doucement.

- Dis moi juste où et quand.

Tu es venue jusqu’à Melbourne juste pour me voir ? Non, Julian, j’avais l’intention d’aller profiter de la plage, de boire des Pina Colada jusqu’à oublier mon nom et pourquoi pas essayer de me mettre au surf… Aurait-elle dû dire ces mots ? Démentir ? Ne pas le laisse croire que ses intentions étaient si peu louables ? C’était égoïste que de croire que cela ne lui ferait rien. Mais ne l’était-elle pas, égoïste, depuis toujours ?

Je ne sais pas quoi te dire. A nouveau, elle pinça les lèvres, retenant son souffle. Que pouvait-il bien dire, en réalité ? Oui. Non. Peut-être ? Elle le prenait de court, elle déboulait dans sa vie comme un tsunami balayant beaucoup trop de choses sur son passage. Il était cet arbre qui voyait la vague arriver, le torrent d’eau s’interrogeant sur sa capacité à lui résister. Laura déglutit avec peine, priant avec force pour qu’il puisse lui accorder son souhait. Juste un instant. S’il te plaît. Elle aurait pu le supplier pour qu’il cède à sa requête. C’est tellement… Tellement… Inapproprié ? Malvenu ? Osé ? Déplacé ? Quel mot cherchait-il exactement ? De quelle manière allait-il lui dire qu’il ne pouvait pas la voir car sa vie avait avancé et qu’elle n’était qu’une ombre du passé qui s’accrochait à lui avec bien trop de force.

Oui. La délivrance vint en un son. En une exclamation doublée d’une confirmation, rendant à Laura la capacité de respirer, de ventiler son corps de cet air qu’elle n’avait plus. Elle eut envie de hurler, le cœur gonflé d’un plaisir coupable, d’une joie profonde. Il consentait à la voir, à discuter… Était-ce une manière pour lui de lui signifier que tout n’était pas perdu ? Qu’ils pourraient se retrouver ? Machinalement, elle vint essuyer les larmes qui roulaient sur ses joues, un sourire retombant sur ses lèvres. « Je… Super ! » Mon Dieu mais quel âge avait-elle ? Ah oui, c’est vrai. 33 ans depuis peu. Le temps avait filé sans qu’elle ne puisse en avoir réellement conscience, son âge mental demeurant coincé autour d’une trentaine qu’elle n’avait pas même pu célébrer.

Dis moi juste où et quand. « Demain ? » Plus d’empressement Laura… Et surtout n’oublie pas de lui donner son adresse pour lui montrer l’obsession qui est la tienne. Se mordant la langue pour avoir été si prompte à répondre sans son accord, elle se rattrapa autant que possible. « Je ne… Je veux dire, je suis disponible en matinée, si tu veux. A 7h… Ou 9h ? » C’était une autre conséquence de ce qu’elle avait subi. Les heures n’avaient plus de sens. Le jour et la nuit se confondaient et elle était parfois réveillée durant cette dernière, incapable de replonger dans un sommeil paisible sans les somnifères qu’on lui avait prescrit. Et même les somnifères ne l’empêchaient pas de faire des cauchemars. « Pour ce qui est de où… Je crois que tu es le mieux disposé pour ça… Juste… Un endroit assez calme, si c’est possible… » Loin de ces voitures et leur boucan irritant, loin de ces gens qui criaient plus qu’ils ne parlaient, de ces sonneries de téléphone… Loin de tout. Comme sur une île où ils seraient seuls au monde.

Venait-elle vraiment de dire “super” ? Il haussa un sourcil presque amusé, il n’avait pas souvenir de l’avoir déjà entendu parler ainsi. Sauf peut-être avec un soupçon de sarcasme. Tous deux avaient toujours été doués pour ça.
Mais elle avait raison, c’était vraiment super. Incroyable aussi et irréel.
Quelques semaines auparavant, il n’aurait jamais cru cela possible. Il pensait sincèrement que les seules fois où il la verrait, seraient toujours à travers un écran ou sur le papier.
Il s’était coupé du monde, décidant de ne plus regarder la télévision, parce que le monde n’avait plus d’attrait à ses yeux.
Et voilà qu’elle réapparaissait et que le monde reprenait des couleurs. Impensable.

Lorsqu’il lui demanda un lieu et un moment, elle répondit sans attendre “demain”. Son sourire s’élargit. L’impatience de Laura ne la quitterait certainement jamais. Et c’était une des choses qu’il aimait le plus chez elle. Son courage, sa ténacité et son impatience.
C’était tellement étrange. Ils ne s’étaient pas parlé depuis bientôt quatre années et quelques semaines plus tôt il la croyait morte. Voilà qu’aujourd’hui, ils discutaient et il sembla à Julian que dans le fond, rien n’avait changé entre eux. Il avait l’impression de sentir que leur lien existait toujours.

Son sourire s’effaça tristement. Il ne pouvait pas se permettre de penser ça. Si leur lien avait toujours existé alors il aurait du sentir qu’elle n’était pas morte. Il aurait du partir à sa recherche et la sauver au lieu de laisser ça à d’autre. Quel piètre chevalier il faisait…
Il se renfrogna légèrement, se rappelant où était sa place. Et sa place n’était plus à ses côtés, même s’il en crevait d’envie là tout de suite.

Sept ou neuf heures ? Ce n’était pas tout à fait la même chose. Sept heures lui sembla trop tôt, même pour lui. Autrefois il était debout aux aurores. C’était son plaisir d’aller courir avec le lever du soleil, mais aujourd’hui, les médicaments et son état le clouait au lit le matin. Parfois il était difficile de seulement se lever.

Finalement elle lui laissa choisir le lieu et demanda simplement un endroit calme. Il n’avait pas besoin de réfléchir longtemps.

- Va pour 9h alors. Demain. A côté de mon quartier, il y a un grand jardin botanique. Le royal botanic garden victoria. Prend l’entrée D, sur Birdwood avenue. En allant tout droit il y a…comme une grande plaine avec des eucalyptus gigantesques. C’est plutôt calme, j’y fais mon footing.

Il se tut. Comptait-il vraiment lui faire une visite guidée ?

- C’est assez grand alors, je te dis tout ça pour que tu ne te perdes pas.

J’ai hâte. Tellement hâte d’être à demain.
Voilà ce qu’il aurait voulu rajouter mais qu’il garda pour lui. De quel droit aurait-il pu ? C’était la vérité cependant, il allait compter les heures et les minutes. Et stresser à l’idée qu’elle le rejette en l’accablant de tous les maux. Peut-être venait-elle pour ça ? Mettre un terme définitif à ce qu’ils avaient été.

Demain. Laura semblait déjà compter les heures. Quand on avait vécu tant de temps enfermé, quelques heures était une formalité, non ? Alors pourquoi… Pourquoi était-ce si long ? Pourquoi souhaitait-elle si ardemment être déjà demain ?

Va pour 9h. Elle ne dormirait pas s’il le fallait. Elle serait réveillée aux aurores et n’irait pas se reposer davantage, elle en serait incapable. Pourtant, une part d’elle fut surprise de l’entendre donner une heure qu’elle jugeait finalement tardive. N’était-ce pas lui qui se levait en même temps que le soleil… Avant ? Elle n’allait pas bouder son plaisir pour autant. Elle se réjouissait trop de le retrouver pour se montrer impatient à l’idée d’attendre deux heures supplémentaires. Damian dormirait comme un loir, lui. Il ne se rendrait pas même compte de son absence et si tel était le cas, elle trouverait une parade facilement pour le laisser sur la touche.

Il évoqua son quartier et le jardin botanique. Elle aurait pu le suggérer, ayant d’ores et déjà repéré ce bâtiment dans lequel il vivait. N’avait-elle pas proposé de prendre un hôtel plus proche de lui, à l’origine ? Damian avait trouvé l’endroit trop simple, Miller avait appuyé sur une proposition plus éloignée. Il savait ce qu’elle avait en tête et inconsciemment, elle devinait ses intentions de la protéger. Alors elle s’était laissée guider, jusqu’à maintenant. Une à une, il lui donna des instructions qu’elle prit soin d’enregistrer dans sa mémoire. Ça, elle ne l’oublierait pas. Même avec des somnifères. Même avec des litres de vodka. Cette information était essentielle pour sa survie alors, elle ne saurait l’oublier.

Une grande plaine avec de grands eucalyptus. Un décor familier, finalement. Un décor qui saurait peut-être les faire replonger dans des contrées plus lointaines, coincées dans l’hémisphère sud. Elle sourit un peu plus à chacun de ses mots, comme heureuse de soudainement refaire partie de sa vie, découvrir les endroits qu’il pouvait fréquenter, là où ils pourraient peut-être… Non. Ils ne pourraient en rien avoir un avenir commun car son avenir à lui était déjà tracé et la femme qui se trouvait à ses côtés, ce n’était pas elle. Je te dis tout ça pour que tu ne te perdes pas. « Et tu fais bien… J’étais pas la plus douée en orientation avant mais maintenant… » Maintenant que j’ai vécu dans un trou noir, je me souviens à peine de ma droite et de ma gauche et je suis terrorisée dans les espaces clos. Elle ne pouvait pas lui dire. Pas comme ça. Pas au téléphone. Est-ce qu’il lui poserait des questions ? Est-ce qu’il voudrait savoir ? Devait-elle seulement lui dire, même s’il la supplie de le faire ? Il ne comprendrait pas. C’était son enfer, pas le sien.

« Ok. Je… Je suis heureuse de… Enfin, merci de m’accorder ça. Je ne savais pas si tu voudrais… Ou si tu pourrais. » Il y avait tant de choses qu’elle voulait lui dire qu’elle n’avait pas la moindre envie de couper court à cet appel. Soudainement, elle voulait attendre demain avec lui dans ses oreilles. Mais c’était encore une fois égoïste. Soupirant longuement, elle finit par laisser la raison se faire. « Je… Il va falloir que je raccroche, Damian ne va pas tarder… » Et lui ne devait rien savoir. Mais ça lui crevait le cœur.

Il s’y voyait déjà. Demain, sous les gigantesques arbres, en sa compagnie, marchant côte à côte. Peut-être même main dans la main comme deux…deux fantômes d’eux-même.
Ils n’étaient plus ce qu’ils avaient été. Laura n’était plus la même, il l’avait vu à travers l’écran. Il crevait d’envie de savoir ce qu’elle avait vécu durant ces années. Subi aurait peut-être été plus juste. Ca le rendait malade d’imaginer qu’elle ait pu souffrir. Il savait qu’elle avait souffert.
Lui aussi avait changé, il n’était plus que le spectre de celui qu’il avait été.
La seule bonne nouvelle c’est qu’il avait perdu l’arrogance qui le caractérisait en perdant son courage et en se laissant vivre. En la perdant elle, il s’était tout autant perdu lui-même.
Quand il y réfléchissait, c’était complètement ridicule. Comment vivait-il avant de la rencontrer ? Mal certes, mais il n’était pas malheureux pour autant puisqu’il n’avait pas conscience de ce qu’il ratait.

Laura avait raison, l’orientation n’avait jamais été son fort. Il se souvenait encore comment en voulant s’échapper du suchomimus elle avait couru à l’opposé de là où ils seraient en sécurité. Le frisson d’un sourire apparut au coin de ses lèvres à ce souvenir qu’il replaça bien vite dans un coin reclus de son esprit pour mieux écouter la suite. Mais maintenant ?
Que voulait-elle dire ?
Il avait tant de questions…tant de choses à lui dire…

A nouveau elle bredouilla, cherchant ses mots, il la trouva véritablement adorable. Fermant les yeux, il absorba chacune de ses paroles en lui comme s’il pouvait s’en nourrir. Je suis heureuse.
Et si seulement il pouvait faire plus…

Que voulait-elle dire par “lui accorder” ? N’était-elle pas entrain d’inverser les rôles ? C’était elle qui devait lui accorder son pardon et pas l’inverse. Lui qui avait failli à sa tâche de la protéger, lui qui avait échoué. C’était à cause de lui qu’elle avait disparu tout ce temps. La culpabilité lui écrasa le coeur et lui coupa le souffle. Elle n’avait rien besoin de lui demander, c’était oui d’avance !
Tout ce qu’elle voudrait, il s’executerait sans une once d’hésitation.
Comment pouvait-elle penser qu’il ne voudrait pas la revoir ? Alors qu’il avait l’impression de n’avoir vécu que pour l’attendre ?

Et voilà qu’elle voulait raccrocher, sous pretexte que Wiesner allait revenir. Il n’était donc pas au courant ? Une petite lueur mesquine éclaira son visage bien vite éteinte par la déception de devoir raccrocher.

- Oh, oui je vois, souffla-t-il.
Alors que son cerveau hurlait “non ne raccroche pas !”.
Il leva les yeux sur son plafond sans réussir à se résoudre à dire quelque chose pour la mener à le faire. Puis il se racla la gorge.

- Bien, murmura-t-il en fermant les yeux à nouveau.
Sa voix était faible à cause de sa gorge qui se nouait à nouveau dans l’horrible sensation de la perdre encore. Et s’il venait d’imaginer tout ça ? S’il ne la revoyait jamais ? Subitement, le simple fait de raccrocher lui sembla tout simplement impossible. Il ne voulait pas rompre ce lien, encore.

- Laura ? Je..je…non, on verra ça demain. Alors…hum voilà. Enfin, je suppose.

Il soupira, décidément incapable d’en ajouter. Sa détresse se mua presque en un rire nerveux.
- Est-ce que je dois vraiment raccrocher ? Je sais que tu as dis qu’il le fallait et…de mon coté aussi j’ai…des choses à faire mais…tu seras là demain n’est-ce pas ?

- Tu ne vas pas encore disparaitre ?

Je n’ai jamais été raisonnable. Ne s’étaient-ils pas dit ces mots, dans le passé ? N’avaient-ils pas insisté sur ce point qui était la seule chose qui pouvait venir ébranler ce qu’ils avaient construit ? Ce manque de raison les avait tous deux poussé à faire des choses, à frôler les limites. Ce manque de clarté avait fini par révéler à Miller la vérité. Plusieurs fois, Laura s’était étonnée qu’il ait été le seul à comprendre, le seul à savoir. Plusieurs fois, elle avait cru que d’autres suivraient cette voie et que ce serait, pour eux, le moyen de dévoiler au grand jour leur liaison afin de se délester de ce fardeau. Aujourd’hui, elle n’était pas plus raisonnable qu’hier, incapable d’appuyer sur le bouton rouge de son téléphone pour mettre un terme à cette bouffée d’oxygène qu’elle recevait de plein fouet, qui la plongeait dans un état de quiétude certain. Et pourtant, il faudrait que l’un d’eux se montre plus capable que l’autre pour agir.

Damian était l’excuse parfaite. Et il était une excuse valable. A tout moment, le jeune homme pouvait franchir la porte, se demander avec qui elle parlait pour être tant bouleversée et elle ne souhaitait pas répondre à ces questions. Oh, oui je vois. Le secret était toujours établi, même si dans son sommeil, le murmure de ses lèvres prononçait un nom qui était inconnu à son ami d’enfance. Fort heureusement, ils avaient passé l’âge de partager le même lit après des soirées fort arrosées. Pourtant, même après avoir dit ces mots, Laura laissa la communication établie, incapable de prononcer les mots nécessaires pour mettre fin à la conversation de façon conventionnelle. Le silence s’installa légèrement, rompu par un simple mot de Julian. Bien. Fermant les yeux, la gorge serrée, elle s’attendait à ce qu’il le fasse pour elle. A ce qu’il soit raisonnable. Mais dans le silence qui suivit à nouveau, elle sentit que lui non plus, ne parvenait pas à se détacher de tout ceci.

Il sembla vouloir l’interroger, lui poser une question, lui dire quelque chose, mais se ravisa. On verra ça demain. Ils en auraient, des choses à se dire… A moins que tout ceci ne soit trop gênant pour qu’ils parviennent à parler, justement. Alors… Voilà. Merde, mais depuis quand c’était si compliqué de terminer une conversation ? Quatre ans. Ils avaient quatre ans de choses à partager, même si elle s’attendait bien volontiers à ce que la vie de Julian ait été bien plus remplie et diversifiée que la sienne. Oh, oui, au 57ème jour, j’ai commencé à m’inventer des jeux à la con pour occuper le temps et éviter de virer complètement cinglée. Vraiment… ? Elle n’aurait rien à dire. Rien qui était entendable, en tout cas.

Est-ce que je dois vraiment raccrocher ? Si tu ne le fais pas, Julian, on sera là jusqu’à demain et tu le sais… Il hésitait. Elle hésitait. Ce lien qui si longtemps avait été brisé venait de se reformer violemment, devenant soudainement indéfectible, invincible. Rien au monde n’aurait pu les forcer à couper cet appel, si ce n’était des obligations idiotes et futiles. Tu seras là demain n’est-ce pas ? Et tous les autres jours à venir, si seulement il voulait d’elle de cette manière. Un sourire doux se posa sur les lèvres de l’Indienne. « Je te le promets, Julian. Je serais là. » Soufflant doucement, elle sursauta finalement quand quelques coups furent frappés contre le battant de la porte. Merde. « Damian est là. » A peine eut-elle dit ceci, que la porte s’ouvrit sur un Damian au large sourire. « Alors ? T’es prête ? » Il sembla froncer les sourcils en la voyant, s’inquiétant momentanément de pourquoi ses yeux étaient humides. Alors elle s’efforça de sourire, lui adressant un léger mouvement de tête. Le combiné toujours contre l’oreille, elle finit par dire les mots qui lui fendaient le cœur. « Je… On voit tout ça demain, d’accord ? » Elle n’attendit qu’une confirmation de sa part pour, finalement, raccrocher. « Eh beh… Il t’arrive quoi ? Tu vois qui, demain ? » Des questions auxquelles elle n’avait pas envie de répondre. D’un sourire, se redressant sur le lit, elle lui adressa un regard énigmatique avant de dire, tout simplement. « Si je te le disais, il n’y aurait plus de surprise. »