La convocation était tombée la veille. La veille. Julian s'était demandé quelle mouche avait piqué Powell, pour qu'elle se permette de modifier leurs emplois du temps du jour au lendemain. A croire que l’acariâtre Ingrid Powell était de retour !
Il ignorait pour l'heure, s'il devait s'en réjouir ou au contraire s'en plaindre. La seule chose dont il était certain en revanche, c'est qu'il serait présent à cet entrainement de dernière minute, même si celui-ci lui rappelait de piètres souvenirs datés de l'an passé, avec Brown. Il avait aussitôt prévenu Laura, qu'elle devrait s’entraîner seule le lendemain.
Levé aux aurores, il avait avalé son petit déjeuner avant d'effectuer son footing sur la plage. Une mise en condition nécessaire aux yeux de l'agent de sécurité qui ne plaisantait jamais sur la forme physique au boulot.

Il avait pris une douche, s'était habillé en bleu marine de sécurité et avait placé son glock dans son harnais contre ses côtes et sa machette à sa taille, la lame pendant le long de sa cuisse dans son étui. A présent que ses cheveux avaient été coupé, force était de constater que cela lui prenait moins de temps le matin, il ne prenait pas vraiment le temps de les coiffer, se contentant de passer ses doigts dedans, histoire de.
Powell étant à cheval sur la barbe, il s'était rasé mais pas à blanc. Plutôt mourir. Les quelques millimètres qu'il avait laissé donnaient l'impression que celle-ci datait de deux ou trois jours. Sa responsable devrait s'en contenter.

Après avoir quitté son appartement, il s'était rendu à l'armurerie récupérer un fusil à fléchettes hypodermiques. Powell avait invoqué un entrainement réel. Il préférait la prendre au pied de la lettre.
Puis il s'était mis en route, à pied, profitant du réveil de la jungle tandis que le soleil les inondait déjà de ses rayons dorés. Il n'était pas sept heures du matin mais les tropiques commençaient leur journée tôt.
Lorsqu'il déboucha au point de rendez-vous, il découvrit Powell, appuyée sur le capot de sa jeep, les bras croisés. Elle regardait dans sa direction, attendant de voir qui allait probablement se pointer à cet entrainement de dernière minute.
Sans grande surprise, il était le premier et cela suffit à faire frémir ses lèvres en un rictus satisfait.

- Bonjour agent Powell, lança-t-il en arrivant à son niveau, fusil en main. Que nous vaut cet engouement soudain pour un entrainement commun ?

Le sarcasme perçait très légèrement dans sa voix, une manière peut-être de la piquer au vif, elle qui était restée relativement amorphe et en retrait depuis la prise d'otages.

Julian patientait, attendant la réponse de Powell quant aux raisons qui l'avaient poussé à mettre en place cet entrainement. Il se demandait si tous les chefs d'escouades étaient concernés. Mora arriva alors et il fut légèrement surpris de la voir. Il savait qu'elle était revenue sur l'île mais ignorait pourquoi sa présence était requise ce matin.
De plus en plus suspicieux que les raisons que Powell allait invoquer, il se contenta de répondre à Mora d'un hochement de tête avant de reporter son attention sur la responsable. Bras croisés, il accueillit les réponses de la brune sans savoir s'il devait s'en amuser ou bien s'en agacer. De la rouille vraiment ? Souhaitait-elle qu'il lui rappelle les responsabilités dont il l'avait généreusement déchargé ses dernières semaines  ainsi que sa tentative de la faire réagir dans le but de sortir de sa léthargie ?
Il soupira et ne releva pas les dires. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle ne s'abaisserait pas à lui montrer sa reconnaissance, encore moins devant les autres.
Et en parlant des autres justement, Booker venait d'arriver en meme temps ou presque qu'une nouvelle recrue. Yalena Dezz. Anack lui avait parlé d'elle vite fait. Comme toute bleue, elle devait encore faire ses preuves même si sur le papier, elle était prometteuse.
Il les salua d'un hochement de tête, se demandant avec une impatience grandissante les raisons de sa présence ici.
Powell reprit alors la parole, pour leur souhaiter la bienvenue et tout le blabla inutile habituel, indiquant alors qu'ils seraient coéquipiers pour l'entrainement à venir.
Il ne voyait pas du tout où elle voulait en venir, devait-il chapeauter cette équipe temporaire ?
Mais à la lumière des explications suivantes, il comprit qu'il n'en était rien. Elle le plaçait parmi eux, à leur niveau et il se demanda si elle ne se foutait pas de sa gueule.
Estomaqué par ses propos, ses poings se serrèrent sous ses bras toujours croisés, de même que sa mâchoire. Powell venait de balancer un sacré coup de pied dans son ego en lui imposant cet exercice en compagnie d'une nouvelle recrue, d'une déserteuse de retour et d'un type capable de foutre en rogne un spino en allant se balader en solo dans la jungle, faisant fi de toutes les consignes de sécurité. Cette histoire avait fait le tour de la sécurité, Booker avait mis la fille de Powell en danger.
Aussi, Julian vécut les ordres de Powell comme une punition certaine en plus d'une humiliation.

Ravalant sa colère, il écouta les consignes sans moufter et s'avança pour se saisir d'un talkie qu'il alluma et brancha sur la fréquence 3.
Powell se rendrait bien compte qu'il était furieux et qu'il vivrait vraisemblablement très mal cet entrainement mais il s'en fichait bien. Il ferait ce qu'elle lui ordonnerait de faire mais elle pouvait être certaine qu'il n'en resterait pas là. Un jour ou l'autre, il le retournerait contre elle.
Après son discours elle les inspecta un par un, comme elle avait habitude de le faire puis demanda s'ils avaient des questions. Il se mordit la lèvre inférieure pour ravaler les siennes, ne souhaitant pas faire preuve d'insubordination devant les autres.
Le visage fermé par la tension et l'agacement, il ignora le temps accordé par Powell pour des explications supplémentaires et s’engouffra à l'avant de la jeep, coté passager.